- Coupes d’Europe
Brest et Lille : leçons d’Europe
Les représentants français sur la scène européenne connaissent des fortunes diverses cette saison : en C3, l’OL maîtrise et Nice déraille ; en C1, le PSG tremble et Monaco souffle le chaud et le froid. Surtout, deux équipes tirent leur épingle du jeu : Brest et Lille, qui offrent du plaisir et une belle leçon.
Il est rassurant, quelque part, de constater que le football français n’est pas suspendu aux performances du PSG pour vibrer sur la scène continentale. Le championnat est de plus en plus invisible, les droits TV ne pèsent pas un milliard d’euros, et la crise structurelle est profonde, mais il existe de belles éclaircies dans le ciel gris cet automne. Si le Paris de Luis Enrique traverse pour l’instant sa campagne européenne sans images ni frissons – si ce n’est celui d’envisager l’élimination dès fin janvier –, ils sont plusieurs à nous rappeler chaque semaine (ou presque) ce que doivent être des matchs de Coupe d’Europe. Des moments un peu hors du temps et d’une saison, des rencontres à part, où les plus riches ont plus de chances de sortir vainqueurs, mais où les autres ont aussi le droit de rêver de bousculer la hiérarchie et d’imprimer un exploit dans la mémoire collective.
Ce n’est pas au mois de décembre que s’impose une épopée, mais c’est à cette période qu’elle peut commencer à se dessiner sans qu’on ne le sache encore. Le printemps venu, un autre regard, plus désespéré, se posera peut-être sur notre football français, incapable de ramener un trophée européen depuis le début du siècle. Pourquoi s’en soucier maintenant, au fond ? Dans les années 2000, une autre époque, les plus jeunes et les plus vieux rêvaient dès la phase de poules devant les soirées étoilées de l’OL de Juninho en se branchant sur TF1, au rythme des envolées vocales de Thierry Gilardi. Revenons plutôt au présent, à ces clubs qui rendent fier un foot qui se perd et qui rappellent justement que rien n’est perdu : en Ligue des champions, les remarquables Lillois et Brestois ne doivent pas être des exceptions, mais plutôt devenir des modèles pour tous.
Les bons ingrédients et les émotions
On promettait l’enfer au Stade brestois, troisième surprise de la dernière saison de Ligue 1, le voilà déjà au paradis après seulement six journées passées en Ligue des champions, une compétition à laquelle le club breton n’avait jamais goûté. Il lui a fallu se présenter face au Barça pour revenir l’espace d’un match les pieds sur terre, et encore. Dans le monde où les budgets font foi, le SB29 et ses 48 millions d’euros (33e sur 36 dans ce domaine) contredisent les pronostics et les médisants (dont on avait pu faire partie, aussi). Ce n’étaient pas que Sturm Graz (2-1), le RB Salzbourg (0-4), le Sparta Prague (1-2) ou le PSV (1-0), mais des clubs habitués à ces joutes face à un novice. « On ne peut pas espérer pouvoir battre ce genre d’adversaires qui sont rompus à ces compétitions, qui ont de l’expérience, les moyens, les joueurs, le talent, si on ne met pas cette intensité, cette agressivité qui nous caractérise », rappelait Éric Roy cette semaine. Il suffisait d’avoir un œil sur le PSG et un autre sur Brest ce mardi soir pour se détourner peu à peu du club de la capitale pour se concentrer sur le football émouvant des Finistériens.
BREST OUVRE LE SCORE 🤩
Julien Le Cardinal permet à Brest de prendre provisoirement la 3e place du classement 🔥#SB29PSV | #UCL pic.twitter.com/pfcFx7IKt0
— CANAL+ Foot (@CanalplusFoot) December 10, 2024
Ce ne sont pas les mêmes attentes, entre un club au budget plus de 20 fois supérieur et un débutant, donc pas les mêmes jugements. Le parcours brestois est en fait une formidable occasion pour les plus grognons – comment leur en vouloir ? – de se réconcilier avec le sport roi et le football hexagonal. Une histoire comme on ne croyait plus pouvoir en faire, même s’il faut aussi faire de la place au LOSC, tout aussi magnifique, dans un autre registre. Les Dogues auraient signé, et nous avec, quelques semaines plus tôt pour sortir avec 13 points d’une séquence Sporting, Real Madrid, Atlético de Madrid, Juventus, Bologne et Sturm Graz. Ces deux clubs (ainsi que l’OL en Ligue Europa) donnent une leçon de début de campagne européenne et anéantissent toutes les excuses présentées chaque année par ceux qui se ratent.
Chez la petite sœur, Nice ne peut pas se réfugier derrière son infirmerie bien remplie ou son inexpérience pour se justifier d’avoir pris seulement deux points (sur 18 possibles) contre la Real Sociedad, la Lazio, Ferencváros, Twente, les Rangers et l’Union saint-gilloise, des équipes loin d’être mauvaises, mais pas non plus censées être facilement supérieures aux Aiglons. L’Europe, c’est un état d’esprit, une approche, une manière de voir le foot : Brest a tout bon dans ce domaine et a joué ses matchs européens comme s’il en avait déjà disputé des vingtaines, quand d’autres ne cessent de parler d’« apprentissage ».
Ce n’était pas de l’apprentissage, en 2022 et en 2020, quand l’OM avait bouclé sa phase de poules à la dernière place ; ce n’était pas non plus de l’apprentissage en 2020 quand le Stade rennais s’était dépucelé sur la piste aux étoiles avec un point en six matchs dans un groupe composé de Chelsea, Séville et Krasnodar ; ce n’est pas non plus de l’apprentissage de voir chaque année certains de nos clubs se ramasser avant le début du printemps quand les matchs couperets pointent le bout de leur nez. Les fêtes ne sont pas encore passées et les déceptions finiront par arriver, comme à chaque fois, sans rien enlever à ce constat : on a tous eu envie d’être brestois ou lillois cet automne.
Par Clément Gavard