- France
Ligue 3 : une nouvelle dimension pour la troisième division ?
La semaine dernière, la Fédération française de football a annoncé la création d’une Ligue 3, prévue pour la saison 2026-2027. Serpent de mer du foot français, ce projet doit mener à la professionnalisation des clubs de National 1 et à la valorisation du championnat. Explications.

Nous sommes le 8 juillet 2024. Tristan Bichet, joueur prometteur du FC Villefranche-Beaujolais (N1), signe son premier contrat professionnel avec l’OM. À Villefranche, ses quelques minutes grattées avec le groupe pro et son attachement au club n’auront pas suffi à le retenir. L’attaquant de 20 ans a troqué le « C » de la Calade pour celui de la Canebière. En cause : la nature du contrat. Le FCVB n’est pas un club au statut professionnel, et délivre donc uniquement des contrats fédéraux. « Son parcours normal aurait été de continuer avec nous et d’acquérir des places de titulaire en National à Villefranche, pour partir ensuite dans un club pro, explique Philippe Terrier, le boss de Villefranche. Mais quand l’opportunité de l’OM est venue, j’ai expliqué aux parents qu’il fallait nous quitter même si on était vraiment attristés. »
Si en plus nous avons des droits TV et donc de l’argent qui nous vient de la fédération, ce sera encore plus facile et ça nous permettra de faire évoluer nos équipements.
Résultat des courses : un bon joueur s’en va libre, et pas un kopeck dans les caisses du club. Un contrat pro aurait sans doute rapporté à son club formateur, en plus d’être attractif à titre personnel avec, entre autres, le déclenchement d’un système de pécule (la caisse de prévoyance de l’UNFP). Tout cela pourrait changer dans un futur proche, à l’horizon 2026-2027 pour être plus précis, la saison qui devrait être celle de la transition du National 1 à une Ligue 3, comme annoncé par la FFF jeudi dernier. La Fédé conserverait la responsabilité de la division, sur le même principe que la nouvelle Première Ligue. Une mutation censée professionnaliser les clubs de troisième division, et homogénéiser un championnat très inégalitaire.
Droits TV, infrastructures et homogénéisation
La création d’une Ligue 3 professionnelle en France rimerait d’abord avec potentiels droits TV. Actuellement retransmis gratuitement sur FFFtv, le nouveau championnat devra s’acquitter d’un diffuseur. Ce qui est forcément vu d’un bon œil par les présidents des clubs de N1, désireux de trouver des gros sponsors et de réaliser des investissements. « Aujourd’hui, on travaille avec une multitude de partenaires locaux, explique Philippe Terrier, également vice-président du collège des présidents de N1. Si jamais on arrive à trouver ne serait-ce qu’un grand partenaire national, ce serait un gros avantage. Si en plus nous avons des droits TV et donc de l’argent qui nous vient de la fédération, ce sera encore plus facile et ça nous permettra de faire évoluer nos équipements. »
🚨 LES CLUBS DE NATIONAL S'ASSOCIENT POUR UNE LIGUE 3 🚨 pic.twitter.com/8tDTf6ILWJ
— 𝙄𝙣𝙨𝙩𝙖𝙣𝙩 𝙉𝟭 🇨🇵 (@Instant_N1) December 13, 2024
Exemple typique, son stade Armand-Chouffet n’est pas doté d’un parcage visiteur proprement établi, ce qui complique la réception des supporters adverses, systématiquement nichés dans un coin à l’autre bout du stade. Que ce soit à Villefranche, au Mans ou dans les quatre coins de la France, les patrons des clubs de N1 militent depuis plusieurs années pour la professionnalisation de leur championnat. Ils avaient d’ailleurs dit « Oui à la Ligue 3 » dans un communiqué commun le 13 décembre dernier. Une volonté d’homogénéisation du championnat, dans un contexte où encore sept clubs de N1 sont sous statut fédéral : Aubagne, Boulogne, Bourg-en-Bresse, Paris 13 Atletico, Rouen, Versailles et Villefranche.
Le modèle de la Première Ligue
Au même titre que le cas Bichet, le statut pro permettrait à ces clubs de mieux vendre leurs joueurs, et aux intéressés de profiter des avantages du contrat pro. Autre exemple caladois avec le milieu défensif Bakari Camara, parti cet été vers Nancy, équipe sous statut pro. « À 30 ans, il n’avait jamais déclenché son pécule, donc quand il a eu cette proposition, c’était important pour lui de le faire », poursuit Philippe Terrier. Mieux vendre doit aussi éviter la fuite prématurée de ses talents. Pour cela, un groupe de travail de la FFF songerait à imposer un salary cap et un certain nombre de joueurs formés au club ou de U23 dans les effectifs de chaque club. Autre enjeu de la Ligue 3, et pas des moindres, celle de la survie des clubs relégués depuis la Ligue 2. Pour Thierry Gomez, président du Mans et du collège de présidents des clubs de N1, « ça leur permettrait d’avoir un parachute, et de tomber dans un championnat structuré. On veut éviter de mettre ces clubs en danger, pour ne pas faire disparaître ceux qui ont fait l’histoire du foot français. »
Le documentaire foot qui a suscité le plus d’intérêt n’était pas sur le Real Madrid, mais sur Sunderland.
Justement, pour faire vivre ces clubs dans le temps, les présidents de N1 comptent s’inspirer de ce qui a été fait en Première Ligue, devenue pro cet été sous le nom de Première Ligue : « Ils ont quasiment triplé la moyenne de spectateurs, attiré des nouveaux partenaires et décroché un contrat avec Canal+. Il faut marketer le produit “National”, on n’a pas de naming, pas de diffuseur télé… ce n’est pas normal. Quand on voit son attractivité, avec des derbys, des équipes comme Nancy, Sochaux, Dijon… Ce sont des matchs qui mériteraient une autre audience, développe Thierry Gomez. À côté de ça, la manière de consommer le football a évolué. On s’intéresse davantage à la vie interne des clubs… Le documentaire foot qui a suscité le plus d’intérêt n’était pas sur le Real Madrid, mais sur Sunderland. » On ne sait pas si Netflix misera sur Le Mans, Valenciennes ou un autre, mais les contours de cette League One à la française doivent être prochainement définis par la FFF et le collège des présidents. En coulisses, le compte à rebours semble déjà avoir commencé.
Par Théo Juvenet
Tous propos recueillis par TJ