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Les enjeux de la professionnalisation du football féminin français

Par Léna Bernard

Révolution au sein du paysage footballistique français. Les D1 et D2 féminines sont devenues des championnats professionnels à l’aube de la saison 2024-2025. Un processus encore incomplet au moment où la première division, désormais nommée Arkema Première Ligue, reprend ses droits. Des frictions subsistent autour de la signature d’un accord collectif entre la Ligue, les joueuses et les clubs. Décryptage.

Les enjeux de la professionnalisation du football féminin français

Un championnat plus attractif, des joueuses mieux considérées

Annoncée dès 2023, la professionnalisation des Première et Deuxième Divisions est devenue concrète le 29 avril 2024 lorsque Philippe Diallo, président de la Fédération française de football, et Jean-Michel Aulas ont présenté les contours de la nouvelle Ligue féminine de football professionnel. Une entité devenue réalité le 1er juillet dernier et dont l’ancien dirigeant de l’Olympique lyonnais est devenu président. Cette professionnalisation induit des améliorations significatives dans divers domaines comme l’aspect structurel des clubs qui, par exemple, seront désormais amenés à « plus faire jouer leur équipe féminine dans leur stade premium », comme le détaille Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP en charge des questions liées au football féminin. Un plus pour l’accueil des spectateurs, mais aussi pour le rendu audiovisuel.

Tout n’est pas misé uniquement sur la façade, heureusement : cette nouveauté induit également la mise en place d’un véritable statut de joueuses professionnelles pour les footballeuses évoluant en D1 et en D2. La santé des joueuses et les conditions de travail devraient aussi en profiter, à la suite des audits menés dans ce but. Si cela aura un coût budgétaire pour les clubs, le vice-président de l’UNFP explique que « si ces critères d’excellence sont remplis, la Fédération allouera une enveloppe budgétaire pour aider les clubs à justement mettre tout ça en place ». L’excuse économique ne tiendra donc plus. La professionnalisation du football féminin hexagonal implique également le développement de la formation pour les jeunes footballeuses. Aujourd’hui, huit clubs ont reçu l’agrément de la FFF pour ouvrir leur centre de formation : l’OL, le PSG, le Paris FC, Montpellier, Fleury, Lille, Le Havre et Dijon. Bref, petites et grandes bénéficieront de ces aménagements.


L’objectif d’un championnat plus homogène

Si l’Olympique lyonnais, du haut de ses huit sacres continentaux, est la locomotive du football féminin français, plusieurs autres championnats européens ont comblé leur retard ces dernières années, et c’est désormais le championnat français qui paraît avoir un train de retard. Le Paris Saint-Germain s’est certes taillé une part du gâteau en disputant deux finales de Ligue des champions (2015 et 2017), mais n’a réussi à surprendre l’OL qu’une seule fois sur la scène nationale en 2021. Pour les autres, seuls Juvisy (2012) et Montpellier (2017) sont parvenus à terminer vice-champions de France récemment. La mise en place d’un système de play-off la saison dernière n’a rien changé à la dynamique, puisque la hiérarchie du classement entre les quatre équipes qualifiées au terme de la saison régulière a été respectée.

Tout ira de pair : mettre des prérequis, investir, développer, devrait nous permettre à terme d’intéresser de plus en plus les spectateurs et notre championnat sera peut-être un peu plus homogène.

Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP

La professionnalisation ne sera en tout cas pas un frein à l’émergence de nouvelles forces. Pour Fabien Safanjon, « tout ira de pair : mettre des prérequis, investir, développer, devrait nous permettre à terme d’intéresser de plus en plus les spectateurs et notre championnat sera peut-être un peu plus homogène. C’est-à-dire qu’il n’y aura pas un leadership de Lyon et de Paris chaque saison. » À partir de la saison 2026-2027, l’Arkema Première Ligue comptera 14 équipes contre 12 à l’heure actuelle, alors que le format de la Seconde Ligue a été revu la saison dernière, passant à une poule unique au lieu de deux. Un pas de plus vers une compétitivité renforcée.


Un accord collectif qui reste à trouver

Il y a la définition très juridique émise par l’article L2221-1 du Code du travail et il y a celle détaillée de Fabien Safanjon, plus intelligible. « C’est un petit peu les droits et les devoirs que les joueuses ont vis-à-vis de leur employeur, explique le vice-président de l’UNFP. Mais c’est aussi les droits et les devoirs que l’employeur a vis-à-vis des joueuses. Donc, on peut parler de minimum salarial, de la mise en sécurité des salariés, des jours de repos obligatoires. Ce sont des acquis sociaux qui se négocient entre employeurs et employées, qui sont inscrits dans le marbre et qui font office de loi. » Un tel accord existe depuis 1973 dans le football masculin français.

Pour une plus grande équité, les joueuses professionnelles devraient pouvoir bénéficier d’un accord également, mais les négociations entamées depuis plus d’un an sont pour l’instant bloquées. D’abord annoncé en mai, repoussé au 1er juillet selon Jean-Michel Aulas, il n’est toujours pas ficelé en ce 20 septembre, date du premier match de la nouvelle saison d’Arkema Première Ligue. Seule une recommandation patronale octroyant une protection « en matière de santé, grossesse et maternité » a été annoncée de manière unilatérale par Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels et l’U2C2F, celui des clubs amateurs en mars dernier.


Un chantier loin d’être arrivé à son terme

Si un accord correspondant à la rémunération des joueuses a déjà été trouvé, plusieurs points continuent d’être débattus. « Ce qui coince le plus, ce sont des choses qui semblent tellement évidentes, regrette Fabien Safanjon. Les deux axes les plus importants aux yeux des joueuses, c’est le système du pécule qui existe chez les garçons, une forme de caisse de prévoyance solidaire que les joueurs touchent, peu importe le niveau dans lequel ils ont joué. Les filles faisant le même métier que les garçons devraient avoir les mêmes règles de jeu. Ça nous semble complètement équitable et égalitaire de mettre en place un mécanisme similaire, même s’il sera difficilement au niveau économique des garçons de manière immédiate. » Des dispositions que les clubs ont tenté de négocier à la baisse, selon le vice-président de l’UNFP, en proposant de cotiser à hauteur de 20 euros par mois par joueuse pour ce système de pécule, ce qui équivaut à 240 euros par an, soit une somme de 2400 euros pour une joueuse avec une carrière de dix ans.

Le dernier point de blocage reste le droit à l’image, le point le plus sensible des négociations face au refus de plusieurs clubs. Une ineptie pour Fabien Safanjon : « Le SMIC, c’est le minimum pour que les joueuses puissent jouer au football, selon leur contrat de travail. Donc, on ne peut pas, nous, accepter le fait que son image puisse être exploitée économiquement avec différents partenaires et que ce soit inclus dans le salaire, parce que le salaire minimum légal, c’est pour faire du foot, pas pour faire des photos. » À l’heure actuelle, des négociations sont toujours en cours, mais la mise en place d’un tel accord dès cette saison est déjà largement compromise. La situation pourrait se débloquer par d’autres moyens, comme le laisse entendre Fabien Safanjon : « Quand je discute avec les joueuses, elles sont vraiment déterminées. Elles n’ont pas envie de faire plus d’esclandres que ça, mais si jamais il y a une forte opposition de tous les clubs qui ont envie de banaliser la condition de la femme dans le football professionnel, croyez-moi que la grève sera l’outil à leur disposition pour pouvoir se faire entendre. Notre ambition, ce n’est pas d’y aller, mais ce n’est pas de l’occulter non plus. » La grève, voilà bien quelque chose qui risque d’arriver chez les femmes avant chez les hommes.

Ligue des champions féminine : un déclassement à la française

Par Léna Bernard

Propos de Fabien Safanjon recueillis par LB.

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