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Ali Abdi, paré au redécollage
Arrivé en Europe sur le tard après une première partie de carrière cabossée, chez lui, en Tunisie, Ali Abdi a enfin réalisé son rêve, cet été, en signant en Ligue 1. Et à Nice, après deux mois de convalescence, le piston de 31 ans n’attend qu’une chose : confirmer les belles choses montrées en début de saison.
Il n’a pas fallu bien longtemps aux supporters niçois pour voir à qui ils avaient affaire. Méconnu du grand public avant son arrivée en provenance de Caen dans les dernières heures du mercato, fin août, Ali Abdi a déjà mis tout le monde d’accord sur la Côte d’Azur. En Ligue 1, le Tunisien de 31 ans a déjà inscrit un but et délivré deux passes décisives en six petites titularisations, symbole d’une activité à donner le torticolis aux habitués des tribunes latérales de l’Allianz Riviera. Un garçon capable de finir un match contre le PSG avec une entorse sans broncher – « il boitait bas, mais à partir du moment où il a envie de jouer et qu’il est bon, je n’avais pas trop de raison de l’enlever », expliquait Haise – et déjà reconnu pour sa générosité dans le 06 – élu par exemple à 85% des voix Aiglon du match face à Brest début novembre. Enfin, ça, c’était avant de se faire une vilaine blessure aux ischios survenue lors de la défaite de la Tunisie face à la Gambie (0-1) en qualif à la CAN en novembre, qui l’a tenu éloigné du terrain pendant de nombreuses semaines et coupé dans son élan.
🫡 Ali Abdi 🇹🇳 Marquer son premier but dans l'élite face au champion de France en titre ✅ 👋 @ogcnice #OGCNPSG pic.twitter.com/UttRIEAT7Y
— Ligue 1 McDonald's (@Ligue1) October 6, 2024
Connaissant le parcours de l’international tunisien (32 capes), de retour dans le groupe niçois pour affronter Reims, il n’y aura pas besoin de grand-chose pour relancer la machine, tant ce besogneux a toujours trimballé sa faim de loup dans chacun de ses clubs. Né à Sfax, deuxième ville du pays, Ali Abdi n’a pas un parcours commun. Issu de la classe moyenne tunisienne, fils de parents fonctionnaires, le gaucher fait ses premières classes au Sfax RS, alors en troisième division tunisienne. Ce n’est qu’à la JS Kairouanaise, à partir de 2011, qu’il découvre, en deuxième division, l’univers professionnel. Alors entraîneur des U20 tunisiens, Chiheb Ellili se souvient bien de sa rencontre, en 2012, avec le latéral d’un mètre 83. « À l’époque, l’entraîneur de la JS Kairouanaise m’a conseillé de venir voir Ali. J’y suis allé, et en effet, c’était très intéressant. Mais surtout, j’ai été marqué positivement par l’aplomb avec lequel il s’est adressé à moi après le match. Ali était déjà ce garçon doté d’une grande confiance en lui qui savait où il voulait aller. » Appelé dans la foulée en sélection, Ali Abdi s’affirme très vite comme l’un des tauliers des Aiglons de Carthage. « Il s’est tout de suite imposé, poursuit Chehib Elili. Je me souviens d’un match compliqué face à la Libye. Comme un mort de faim, Ali était allé chercher le but vainqueur en fin de match, en opportuniste. Du Ali tout craché, attaquant dans l’âme, peu importe son poste ou sa position. »
Un joueur brut dans tous les sens du terme
Déterminé, Ali Abdi l’a toujours été. S’il n’est pas des joueurs les plus raffinés techniquement ni éveillés tactiquement, le Tunisien compense par des capacités physiques et une soif d’apprendre largement au-dessus de la moyenne. « Au départ, il s’orientait mal et ses prises de balle allaient toujours vers l’intérieur, ce qui facilitait le pressing adverse, explique Chehib Ellili. Je lui ai demandé de varier. Après explication, il a vite compris. Cette capacité d’aller chercher le conseil pour progresser et d’assimiler vite sont deux de ses deux grandes forces. C’est quelque chose que n’ont plus tous les joueurs d’aujourd’hui », poursuit le technicien de 60 ans.
Partenaire d’Ali Abdi au Paris FC pendant deux ans entre 2019 et 2021, Vincent Demarconnay se souvient lui aussi d’un joueur à qui il manquait encore pas mal de choses au moment de son arrivée en Europe, en 2019. « Il n’avait pas du tout la rigueur qu’exige le football européen. Il lui a fallu une grosse phase d’adaptation, se remémore le portier emblématique du PFC entre 2008 et 2023. Au début, ça a parfois chauffé à l’entraînement parce qu’il avait tendance à être trop agressif, à envoyer des tacles dans tous les sens, des semelles. Puis Ali était toujours très porté sur l’offensive. Dans les buts, je passais mon temps à le rappeler parce que tactiquement et défensivement, ce n’était pas possible. Je me souviens par exemple d’un 8-0 concédé à Nantes en Coupe de la Ligue. De son côté, c’était open bar. »
Sous les ordres de René Girard, le Tunisien intègre petit à petit ce que ses partenaires attendent de lui, jusqu’à basculer du fardeau défensif à l’arme offensive numéro 1 lors d’une seconde saison au Paris FC terminée à neuf buts en championnat au sein d’une équipe finalement éliminée par Grenoble lors du premier tour des barrages de fin de saison. « Une fois qu’il a eu cette rigueur, c’était parti, reprend Demarconnay. Il a toutes les qualités pour être un latéral de haut niveau. Le voir très performant à Nice ne me surprend pas. Mais je pense que la Ligue 2 était une bonne étape. Ça aurait été compliqué de passer tout de suite de la Tunisie à la Ligue 1. »
Syndicaliste apprécié de tous
D’Ali Abdi, Vincent Demarconnay garde aussi le souvenir de quelqu’un « d’adorable et attachant », parti en bons termes avec tout le monde malgré les quelques frictions survenues à ses débuts. « C’est l’exemple type du bon coéquipier. Quand on l’a rejoué avec Caen, tout le monde était content de le revoir. Pour se dire bonjour, ce n’était pas un petit check un peu froid, mais une grosse accolade et de la prise de nouvelles. » Entraîneur d’Ali Abdi à deux reprises au Club africain en 2016-2017 puis en 2018-2019 après leur première aventure commune en U20, Chiheb Ellili décrit lui aussi un garçon apprécié de tous malgré un caractère parfois limite. « En 2017, j’ai eu un incident avec lui, se remémore le technicien de 60 ans. À l’époque, on voulait recruter Ali Maâloul, le latéral gauche de la sélection. Quand Ali a vu ça, il est venu demander des explications de manière trop agressive à mon goût. On préparait un match amical contre le PSG, et j’ai décidé de l’écarter. Et là, tous ses coéquipiers sont venus me voir pour me demander de le réintégrer. Ça montrait ce qu’il représentait pour eux. J’ai fini par le réintégrer. Je connaissais le garçon, ça arrive à tout le monde de faire des erreurs. »
Il faut dire qu’au Club africain, tout le monde se range derrière celui qui n’hésite pas à aller négocier directement avec les dirigeants pour tout le monde en cas de retard dans le versement des primes et salaires. « Ali peut aller à la guerre pour les autres, assure Chiheb Ellili. Pourtant, à l’époque, il n’était pas parmi les plus expérimentés de l’effectif. Mais il prenait toujours ses responsabilités, quitte à ce que ça lui coûte. Une fois, les dirigeants ont décidé de l’écarter pour un match de Ligue des champions africaine à cause de ces demandes-là. »
Une anecdote qui n’étonne pas vraiment son grand ami Alexandre Mendy. « Je reconnais bien là Ali », s’amuse le meilleur buteur de l’histoire du Stade Malherbe de Caen. « C’est quelqu’un de très entier, qui n’y va pas par quatre chemins s’il a quelque chose à dire. Dans un vestiaire, c’est une grande gueule, mais dans le bon sens. Il est exigeant et tire tout le monde vers le haut. Quand tu l’as dans ton équipe, tu te sens obligé de faire les efforts. Par exemple, on est super proches, mais si je ne faisais pas le boulot sur le terrain, il pouvait m’incendier jusqu’à m’insulter. » Et de saluer le chemin parcouru par celui qu’il qualifie comme son frère : « Il mérite ce qui lui arrive aujourd’hui. Je suis content de le voir se régaler à Nice avec Franck Haise, dans un rôle de piston qui lui convient parfaitement. La Ligue 1, c’était son rêve, il m’en a toujours beaucoup parlé. » Et, avec à peine 300 matchs pros au compteur à 30 ans, pas dit qu’Ali Abdi n’ait pas la marge d’aller s’approcher encore un peu plus des sommets.
L’équipe type des CharliePar Adrien Cornu
Tous propos recueillis par AC, sauf Franck Haise en conférence de presse.