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Tours FC : le crépuscule d’un être Cher
Pensionnaire de Régional 1 (6e division), le Tours FC pourrait perdre sa structure professionnelle dans les jours à venir si les tribunaux actaient la liquidation judiciaire du club indroligérien. Mais comment cette institution historique du football français a bien pu en arriver là, elle qui évoluait encore en Ligue 2 en 2018 ? Éléments de réponse.

Voilà déjà plusieurs années que les supporters ciel et noir ont appris à vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Placé en redressement judiciaire en 2021 et bénéficiaire d’un plan d’apurement de ses dettes sur dix ans, le Tours FC est surveillé de près par la justice depuis un bout de temps. Le début des ennuis date du printemps 2018, lorsque les Tourangeaux quittent la Ligue 2 au terme d’un exercice complètement raté, après dix saisons de rang dans l’antichambre de la Ligue 1. Le premier des déboires de l’autre TFC, celui qui devra ensuite faire face à une relégation en N2 et une rétrogradation administrative en N3 en 2019, une interdiction de montée en N2 en 2020, ainsi qu’une rétrogradation en R1 en 2021. Et tandis que le club de la Cité des Turones semblait à peine se stabiliser, l’été dernier est venu comme un boomerang rappeler à tous les suiveurs du Tours FC que sa situation financière était toujours aussi critique, en témoignent sa nouvelle rétrogradation administrative en R1, ainsi que sa mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Tours. Si les engagements financiers pris en urgence par le nouveau repreneur du club Ivan Desmet ont permis de suspendre les sanctions et d’inscrire l’équipe dirigée par Bryan Bergougnoux en R1, l’encéphalogramme du TFC n’est à l’heure actuelle plus très loin d’être complètement plat.
Dettes cachées, bras d’honneur et querelles intestines
Cette lente descente aux enfers ne serait que « le résultat logique d’une gestion calamiteuse du club », selon une source proche du dossier : « Monsieur Jean-Marc Ettori a repris le club en Ligue 2 il y a près de 12 ans maintenant, et regardez où il l’a amené ! À deux doigts de monter en L1 à l’époque de Giroud et Koscielny, on se retrouve aujourd’hui dans les tréfonds du foot français ! » regrette cette personnalité bien connue du microcosme tourangeau, qui préfère garder l’anonymat. Selon lui, le futur ex-propriétaire du club (la vente du club par Jean-Marc Ettori est en attente de finalisation auprès de M. Desmet, NDLR) a démontré pendant tout ce temps « son absence d’intérêt pour le club et sa méconnaissance totale du monde du football. […] M. Ettori ne s’est entouré que de mauvaises personnes : les partenaires économiques sont tous partis en courant, et aujourd’hui il est fâché avec la Terre entière. C’est simple, sa présidence est un immense bras d’honneur à toutes les forces vives de la Touraine. »
Une banderole "Ettori démission" à été deployée durant quelques minutes pendant Avoine-Chinon et @RCSA. Une référence au président du @ToursFC #Tours #CDF pic.twitter.com/n8XKBAeBtO
— Matthieu Unvoas (@MatthieuUnvoas) January 6, 2024
Jean-Marc Ettori – qui n’a aucun lien de parenté avec le gardien Jean-Luc –, lui, pointe régulièrement du doigt la responsabilité de créanciers incapables d’honorer leurs engagements. Ceux des acteurs privés, mais aussi la FIFA – trop lente à activer les contributions de solidarité destinées aux clubs formateurs – ainsi que la mairie de Tours, coupable selon l’homme d’affaires de lui « savonner la planche » depuis des années, et avec qui la fracture définitive date certainement du soutien de la municipalité au projet de reprise (avorté) de la famille Da Fonseca.
Les nouveaux dirigeants, on ne les voit pas. On communique avec un intermédiaire. Nous, on subit la situation, alors qu’on n’y est pour rien dans tout ce foutoir !
La reprise du flambeau par l’investisseur belge Ivan Desmet l’été dernier ne semble pas non plus faire l’unanimité, comme le confirme Léo Schwechlen, le capitaine ciel et noir qui a récemment décidé de claquer la porte du club : « Les nouveaux dirigeants, on ne les voit pas. On communique avec un intermédiaire, qui nous dit qu’ils ont découvert des dettes cachées à la suite de leur rachat du club, et qu’ils ne s’attendaient pas à en trouver autant en fouillant dans les tiroirs. Et nous, on subit la situation, alors qu’on n’y est pour rien dans tout ce foutoir ! »
« J’ai vu des joueurs pleurer »
Les engagements pris en début de saison ne semblent pas plus convaincre l’administrateur judiciaire du club. Celui-ci a initié une nouvelle procédure de mise en liquidation au vu de la cessation de paiements supposée du TFC depuis septembre, finalement reportée dans l’attente du premier verdict – chaque chose en son temps. Les déboires financiers du club semblent loin d’être terminés, au grand regret de Léo Schwechlen, revenu au bercail l’été dernier, mais rapidement dégoûté par les promesses non tenues. « J’ai pris la décision de partir, car le fonctionnement interne était devenu trop compliqué, explique le désormais ex-capitaine tourangeau. J’ai dû avancer des loyers à mes jeunes coéquipiers qui n’étaient pas payés. Moi, j’ai ma carrière, je peux voir venir. Lorsque des gars sont menacés d’expulsion, ça me paraît logique de leur venir en aide. »
À 35 ans, le défenseur historique du TFC déplore aujourd’hui la décrépitude d’un club avec lequel il luttait pour monter en Ligue 1 dans un passé pas si lointain, aux côtés de Delort, Gradit et Santamaria : « En début de saison, le prestataire est venu nous retirer les douches des vestiaires. C’était la seule façon pour lui de protester, car lui non plus n’était pas payé. Pareil pour l’électricité l’autre jour. Pour moi qui marche beaucoup à l’affect, trop c’est trop : je ne pouvais plus continuer, car je ne m’y retrouvais plus dans le projet », regrette-t-il, amer.
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Au-delà du « manque général de considération pour les personnes investies dans le projet sportif » des Tourangeaux, le traumatisme le plus marquant de la saison pour les joueurs comme pour les salariés du club reste l’annulation du 32e de finale de Coupe de France qui devait opposer le TFC au FC Lorient, finalement perdu sur tapis vert. « On apprend le jour même que le match est annulé, mais on ne veut pas y croire. C’était la consécration de la saison : un évènement censé rapporter de l’argent au club, un stade de la Vallée du Cher à guichets fermés, un match face au leader de Ligue 2, c’était un rêve auquel on méritait de participer ! Et là, on nous raconte que c’est la faute de la société de sécurité, des explications toujours plus vaseuses… J’ai vu des joueurs pleurer : des occasions comme ça, certains n’en revivront peut-être plus jamais », déplore Schwechlen. Un fiasco monumental et un nouveau camouflet pour le club, incapable de trouver un terrain d’entente avec la société privée en charge de la sécurité pour assurer la tenue d’un simple match de Coupe dans son stade.
« Aujourd’hui, j’en veux aux dirigeants. Le Tours FC souffre depuis des années, et récupérer des dettes n’est jamais facile. Mais reprendre un club, c’est un travail long, fastidieux, il faut être prêt ! Trop de promesses n’ont pas été tenues », témoigne le joueur désormais en quête d’un nouveau challenge, lui qui ne ferme pas la porte à un retour si l’organigramme du club venait à changer. Cela pourrait être le cas plus rapidement que prévu, si la Cour d’appel d’Orléans décide d’envoyer pour de bon le TFC au purgatoire le 30 janvier prochain.
Par François Goyet
Tous propos recueillis par FG, sauf ceux de Jean-Marc Ettori sur France Bleu.