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Le jour où la France disputait un tournoi international de futsal au Brésil

Par Martin Fort

L’équipe de France de futsal s’apprête à participer à sa première Coupe du monde, en Ouzbékistan (14 septembre-6 octobre). Pourtant, en 1980, une dizaine de footballeurs de Cannes représentaient déjà la France officieusement pour la première fois lors d’un tournoi international de la discipline, au Brésil. Quarante-quatre ans plus tard, les principaux concernés racontent ce voyage.

Le jour où la France disputait un tournoi international de futsal au Brésil

Quarante-quatre ans après son voyage au Brésil, Jean-Marc Lopez se souvient d’y avoir « beaucoup transpiré ». En 1980, il faisait partie de la première équipe de France officieuse de futsal à participer à un tournoi international, à Belo Horizonte, au Brésil. « Je crois avoir perdu plusieurs kilos », ajoute-t-il même au volant de sa voiture, à Cannes. Alors trentenaire, il a en effet passé trois matchs à courir après le ballon. Jean-Marc égrène de tête les résultats des matchs contre le Paraguay, le Mexique et la sélection brésilienne de l’État du Minas Gerais, les trois autres équipes engagées dans ce tournoi amical. « On a perdu 20-0, 23-0 et 21-0 », croit-il se souvenir. « Le seul score que jai pu retrouver est celui de 14-1 entre le Paraguay et la France », nuance le doctorant Jonathan Réveillé, auteur d’une thèse à venir sur l’émergence de la discipline en France. Une chose est sûre : la France prend trois raclées et n’arrive à inscrire qu’un seul but, signé… Jean-Marc Lopez. « Un pointu », sourit-il. À l’époque, le Cannois, solide joueur de football à onze (« stagiaire professionnel » à l’AS Cannes dans sa jeunesse) venait d’apprendre quelques mois plus tôt les règles de cette discipline encore inconnue en France. C’était le cas, aussi, de ses partenaires de galère.

Football de salon

Alors, comment ces Français amateurs se sont-ils retrouvés à disputer un tournoi de futsal contre le Mexique, le Paraguay et le Brésil, trois des meilleures équipes du monde à l’époque ? La réponse est apportée par un vieux monsieur de 89 ans, assis dans le canapé de sa belle maison de Nîmes en train d’écouter de la grande musique. Devant lui, un classeur de pochettes plastifiées contenant des coupures de presse qui rappellent toutes la même chose : Christian Botto a importé le futsal en France. Dans les années 1970, le désormais retraité aimait notamment deux choses : le foot et les affaires. Sa première passion l’a d’ailleurs mené en « équipe de France scolaire » au début des années 1950. La seconde a fait de lui un homme à l’affût des opportunités économiques, qui, à cette époque, traitait depuis Cayenne, en Guyane. Là-bas, il découvre le Brésil – et le futsal, sport populaire encore circonscrit à un large périmètre autour des deux pays qui se disputent son invention : le Brésil et l’Uruguay.

J’avais la conviction que la France était un pays de football et que cette variante pouvait séduire.

Christian Botto

Botto y voit immédiatement une opportunité commerciale. Il imagine exporter en France ces indispensables ballons qui rebondissent peu, alors introuvables en Europe. Le businessman voit qu’Adidas, alors considéré comme la marque emblématique du football européen, ne s’est pas encore positionné sur le marché. Mais avant de vendre des ballons, encore faut-il des joueurs capables de les maîtriser. Or, en France, le « futebol de salão » – littéralement « football de salle », dénomination utilisée avant que la FIFA fasse pression pour que le terme « football » ne soit pas utilisé pour qualifier la discipline – est inconnu. « Javais la conviction que la France était un pays de football et que cette variante pouvait séduire », retrace-t-il aujourd’hui.

L’ex-footballeur envoie des cassettes vidéo de matchs à une connaissance cannoise, Amador Lopez – le père de Jean-Marc Lopez. Éducateur emblématique de la MJC du quartier populaire de La Frayère, le paternel, aujourd’hui décédé, est séduit par les règles du jeu plus strictes : contacts prohibés, tacles interdits et impossibilité de parler à ses coéquipiers sur le terrain. Il entend les utiliser comme un outil pédagogique auprès des gamins parfois turbulents de La Frayère. « Elles permettaient à des jeunes qui nont pas de cadre den avoir un », estime Jean-Marc qui dit qu’à l’époque, « tout le monde voulait y participer ». C’est donc auréolé de ces vertus éducatives que le futsal – les pionniers l’appellent « le brésilien » – commence à se diffuser à Cannes à la fin des années 1970.

« Au début, le public nous a sifflés, car nous étions nuls »

Dans le même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, Christian Botto continue de réseauter. « Javais rencontré le président brésilien de la Fédération internationale de futsal (FIFUSA, aujourd’hui dissoute) qui, lui, souhaitait diffuser le sport hors du continent sud-américain, se souvient Botto. En février 1980, jai reçu de sa part une invitation pour un tournoi international à Belo Horizonte, que jai mise à disposition de la MJC La Frayère. » Sur place, tout est pris en charge par les Brésiliens, mais les Français doivent quand même payer leur billet d’avion. Amador Lopez, l’entraîneur tout trouvé de l’équipe, se décarcasse pour emporter des joueurs valables, disponibles pour partir au pied levé une semaine pendant le mois de mars. « Mon père na pas pu prendre l’équipe quil voulait », regrette Jean-Marc. Finalement, ils seront seize – dont quelques femmes venues accompagner leur mari pour « le voyage de leur vie », selon Botto – à atterrir à Belo Horizonte. 20 000 spectateurs les attendent dans le nouveau Palais des sports de la ville, le « Mineirinho », inauguré à l’occasion de ce tournoi.

Le niveau des Français désarçonne les spectateurs brésiliens. « Au début, le public nous a sifflés car nous étions nuls », raconte Jean-Marc avant de savourer l’anecdote suivante : « Un de mes coéquipiers ma mis au défi de faire une roulette contre le Brésil. » Le 21 mars 1980 – date de naissance de Ronaldihno, un signe –, Jean-Marc s’exécute : « Les spectateurs mont applaudi. » Lors de cette partie, Christian Botto, alors âgé de 45 ans, disputera également une mi-temps. « Javais dit aux Brésiliens : “Si vous venez en France pour jouer au rugby à XV, vous prendrez aussi une raclée” », compare-t-il, encore vexé. La presse locale, elle, restera indulgente et dira que les Français ont laissé une bonne impression, notamment grâce à « la précision de leurs passes ».

Cassette, engouement et MMA

Après avoir été finalement roustés par le Mexique, le 22 mars, les Français assistent à l’affrontement entre le Paraguay et le Brésil – affiche qui sera celle de la finale de la première Coupe du monde de futsal deux ans plus tard. « Quel match !, s’exclame Jean-Marc Lopez. Ça allait à 3 000 à lheure alors que nous, nous allions à 45. » Si l’un des Français a filmé la rencontre, le visionnage de la cassette a été rendu impossible par… Didier Roustan. Proche de la famille Lopez, l’ancien présentateur de Téléfoot l’avait empruntée à l’époque pour en diffuser des extraits dans son émission.

Le tournoi a créé un engouement à Cannes. En 1982, un championnat local voit le jour avec plusieurs équipes issues de la MJC La Frayère.

Jonathan Réveillé

Après avoir goûté la différence de niveau, et réalisé quelques excursions touristiques, les Français rentrent au pays. « Le tournoi a créé un engouement à Cannes, assure le doctorant Jonathan Réveillé. En 1982, un championnat local voit le jour avec plusieurs équipes issues de la MJC La Frayère. » La famille Lopez reste au centre de la diffusion du jeu en France en appuyant sur sa dimension éducative. La mère de Jean-Marc, professeure, souhaite l’introduire à l’école et en parle au recteur de l’académie de Nice. Amador tente de structurer la discipline. « Il prétendait devenir le président de la fédération française de futsal », propose Botto.

Alors que la France va participer à son premier Mondial de futsal en septembre, le vieux monsieur dit s’être désintéressé du football. « Jai décroché », lance-t-il, accusant « les intérêts financiers » et « la contestation des décisions arbitrales ». Reste quand même la satisfaction « davoir créé quelque chose qui nexistait pas et qui a réussi à prospérer ». Jean-Marc Lopez, lui, nous a emmenés avec émotion visiter le gymnase du Ranchito à Cannes où, il y a 40 ans, les premiers ballons de futsal ont rebondi sur le sol français. À l’intérieur, le terrain de hand, qui a également accueilli les premières fulgurances d’un certain Zinédine Zidane, a depuis longtemps disparu. Au beau milieu de l’ancien rond central trône désormais une cage de MMA.

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Par Martin Fort

Tous propos recueillis par MF

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