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Entre la Saudi Pro League et la Ligue 1, c’est qui le plus fort ?
C’est une petite musique entonnée par ses stars qui sont aussi des ambassadeurs, à savoir Cristiano Ronaldo et Neymar : la Saudi Pro League, ce serait plus fort que la Ligue 1. Mais alors, le championnat saoudien a-t-il vraiment un meilleur niveau que le nôtre ?

Ce n’est pas encore une tradition, mais ça pourrait presque le devenir. Chaque année, Cristiano Ronaldo coche la date de la cérémonie des Globe Soccer Awards, qui se tient à Dubaï depuis sa création en 2010, pour s’adonner à l’un de ses loisirs favoris : ramasser des récompenses individuelles dont tout le monde se fout (meilleur joueur de l’année du Moyen-Orient, meilleur buteur de tous les temps, etc.). Ces deux dernières années, la star portugaise a profité de ses speechs pour taper sur la Ligue 1, au point d’énerver très fort Adil Rami.
Le 27 décembre, il a donc récidivé après un premier tacle douze mois plus tôt. « La Saudi Pro League est-elle meilleure que la L1 ? Facile, bien sûr. Je ne dis pas ça parce que je joue là-bas, je me fiche de ce que les gens disent, a déroulé CR7. Les joueurs devraient venir et jouer là-bas. Essayez de sprinter par 38, 39, 40 degrés, transpirer… Tout ce qu’il y a en France, c’est le PSG. Ils ont les meilleurs joueurs. Les autres sont finis, c’est un fait. Je ne sais pas pourquoi les gens sont surpris. » Un avis timidement partagé quelques jours plus tard par Neymar, lui aussi ambassadeur à peine déguisé du football saoudien depuis sa signature à Al-Hilal, assurant dans un entretien donné à CNN que « le niveau de la Saudi Pro League augmente et, de ce que je vois, c’est meilleur que la Ligue 1, qui a aussi des aspects positifs. J’y ai joué, donc je connais le sujet. » Alors, sérieusement, lequel des deux championnats est le plus fort ?
Climat et grands écarts
Jean-David Beauguel, formé au TFC et qui a disputé une vingtaine de matchs avec Al-Wehda entre 2022 et 2024, met les pieds dans le plat : « Quand j’entends Neymar et Cristiano dire ça, c’est de l’hypocrisie, du foutage de gueule. On sait que ce sont des égéries. Je ne le cache pas, je suis aussi allé là-bas pour l’aspect financier, mais quand on sait tout ce qu’ils représentent pour le foot, je trouve ça ridicule de dire des choses comme ça. » Surtout qu’un an plus tôt, en septembre 2023, Neymar prenait plutôt la défense de son ancien terrain de jeu : « Ils disaient que la L1, c’est faible, mais c’est là où j’ai le plus souffert. »
Quand on devait faire des courses, beaucoup de joueurs étaient rapidement KO, ce n’est pas la même façon de travailler. J’ai vu des matchs avec des joueurs qui avaient des crampes dès la 60e minute.
Les conditions ne sont d’abord pas les mêmes entre la France et l’Arabie saoudite, où le climat a un impact sur la manière de s’entraîner et les performances. Cédric Yambéré, passé par Al-Ettifaq en 2019-2020, se souvient avoir connu « deux ou trois mois de galère à cause de la chaleur et des horaires qui changent, les séances étant le soir plutôt que le matin ». Une difficulté confirmée par Beauguel : « Quand on arrive vers août, septembre, octobre, c’est très humide, donc c’est très dur. Même sur la préparation physique, les Saoudiens n’aiment pas trop courir ou aller à la salle de gym, ce n’est pas dans leur mentalité. Quand on devait faire des courses, beaucoup étaient rapidement KO, ce n’est pas la même façon de travailler. La chaleur n’aide pas. J’ai vu des matchs avec des joueurs qui avaient des crampes dès la 60e minute. »
Le niveau athlétique, d’accord, mais les connaisseurs de la Saudi Pro League pointent également un écart très important entre les meilleures équipes et les autres. Par exemple, l’exercice 2023-2024 avait vu Al-Hilal rafler un nouveau trophée avec 14 points d’avance sur son dauphin Al-Nassr et surtout 31 unités de plus que le troisième Al-Ahli. Une hégémonie à la Paris Saint-Germain, même si la course au titre a le mérite d’être plus serrée actuellement en Arabie saoudite qu’en France, Al-Hilal et Al-Nassr comptant le même nombre de points après 16 journées. « En Ligue 1, le 15e ou le 16e peut battre le 3e ou le 4e, c’est beaucoup moins le cas en Arabie saoudite. Al-Hilal est resté invaincu pendant 56 matchs l’année dernière et ils mettent des scores qu’on ne trouve quasiment plus en France, explique Laurent Bossa, chef d’édition foot chez Canal +, diffuseur de la Saudi Pro League. Je pense que des équipes comme Al-Ittihad, Al-Hilal ou Al-Nassr pourraient figurer sans problème en première partie de tableau en France, voire jouer l’Europe, mais pour le reste, ce n’est pas le même niveau d’intensité ni d’homogénéité. »
L’avantage en France, c’est qu’on a des championnats nationaux très durs et exigeants, même dans les divisions inférieures. Ils n’ont pas ça en Arabie saoudite, seulement la ligue pro.
Cédric Yambéré pense aussi que mettre les deux championnats sur un pied d’égalité serait « exagéré », estimant qu’à son époque, une grande partie des pensionnaires de première division saoudienne avaient un niveau « plus équivalent à la Ligue 2 ». « En dehors d’Al-Hilal et Al-Ittihad où il y a vraiment des bons joueurs, pour le reste, il n’y a pas photo, abonde Beauguel. Tactiquement parlant, parfois, il y avait de ces trous… C’était une autoroute. Il n’y avait pas de gestion des espaces. En France, c’est beaucoup plus serré et il y a d’ailleurs beaucoup de joueurs et d’entraîneurs qui sont surpris par la qualité du jeu et l’aspect tactique. » Pour Laurent Bossa, cela vient aussi du fait que les clubs « recrutent beaucoup de stars offensives et donc défensivement, c’est plus faible, car ce sont majoritairement des joueurs locaux avec des qualités techniques et tactiques en dessous de celles que l’on peut trouver en Ligue 1. »
Un écart culturel et structurel
C’est comme souvent une histoire de culture : le foot n’a pas la même place en Arabie saoudite qu’en Europe, ni le même passé. Il n’est pas pratiqué de la même manière, pas enseigné de la même manière, même. « On n’a pas le même apprentissage du foot entre les deux pays, j’ai pu le constater en arrivant et j’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à m’adapter, continue Beauguel. Par exemple, les latéraux et les ailiers centrent au sol et fort devant le but, il fallait s’arracher pour reprendre le ballon. On faisait parfois des toros, on n’arrivait même pas à faire cinq passes d’affilée après cinq minutes. Ce n’est pas la même technique pure que tu peux trouver chez certains joueurs amateurs en France. » L’ancien Toulousain et Yambéré ont tout de même vu passer des bons joueurs saoudiens, le second en cite une ribambelle, sans être trop sûr des noms, dont fait partie Salem Al-Dawsari, capitaine de la sélection. « L’avantage en France, c’est qu’on a des championnats nationaux très durs et exigeants, même dans les divisions inférieures, poursuit Yambéré. Ils n’ont pas ça en Arabie saoudite, seulement la ligue pro. »
Sepasang gol Cristiano Ronaldo membawa Al-Nassr menang 3-1 atas Al-Khaleej. ⚽️⚽️ Ia pun memimpin daftar topskor sementara Saudi Pro League dengan 13 gol. 🔝#SPL #AlNassr #Megabintang pic.twitter.com/2pYIyBPgMO
— GOAL Indonesia (@GOAL_ID) January 23, 2025
Laurent Bossa considère quand même que la Saudi Pro League « est en progression depuis un an et demi », alors que le contrat la liant avec la chaîne cryptée expire à la fin de la saison en cours. « Au départ, il y avait beaucoup de joueurs en fin de carrière, aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas, pose-t-il. Moussa Diaby, Steven Bergwijn, Gabriel Vega, Marcos Leonardo sont loin de la retraite. Il y a aussi des coachs européens avec une grosse expérience, avec une culture tactique qui contribue à l’évolution du championnat. » À l’heure actuelle, 35% des joueurs de la première division sont étrangers, quand 11 des 18 entraîneurs sont européens (dont Laurent Blanc et Sabri Lamouchi pour les Français ; aucun coach local). « Il faudrait qu’ils investissent davantage sur l’aspect hors foot, conclut Beauguel, le médical, la formation pour qu’il y ait moins de gros écarts entre les Saoudiens et les étrangers une fois arrivés au haut niveau. Ils devraient surtout investir dans les structures. » Avec un peu de chance, Al-Hilal croisera la route du PSG en juin prochain à la Coupe du monde des clubs, où ni Cristiano Ronaldo ni Neymar ne pourront malheureusement se produire.
Par Clément Gavard et Hugo Geraldo
Tous propos recueillis par CG et HG, sauf mentions