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Pierre Aristouy, la bonne tambouille

Par Jérémie Baron
7 minutes

Propulsé en catastrophe à la tête du FC Nantes en mai, sauveteur du club en juin, déjà sur la sellette en août, Pierre Aristouy a redressé la barre avec ses idées, ces dernières semaines, clouant le bec des Kita. Novice en Ligue 1, ce produit de la Jonelière est en train de faire de ce pari une réussite.

Pierre Aristouy, la bonne tambouille

« Pierre, c’est l’ADN du FC Nantes. Il va pouvoir faire ce lien entre la formation et les professionnels, ce qui n’était pas trop le cas depuis quelques années. L’ambition est de retrouver un projet et une identité de jeu nantais, c’est-à-dire une culture, un état d’esprit, ces valeurs propres à notre club. » Ces doux éloges à l’intention de Pierre Aristouy, signés du directeur général du FC Nantes Franck Kita, sont datés du 6 juillet – date de reprise à la Jonelière. Un mois plus tôt, le jeune entraîneur (43 ans) avait validé sa mission de quatre matchs à la tête de l’équipe en sauvant le club à l’issue d’une dernière journée miraculeuse face à Angers (1-0), et sa direction avait conforté à son poste ce bizut sorti de l’académie. Malgré un test d’entrée réussi et ce discours de façade du board annonçant le début d’une belle histoire, les premiers nuages pour le coach sont apparus dès le début du mois d’août, entre la fin d’une phase de préparation – il est vrai – mollassonne et l’entame du nouvel exercice, sur fond de guéguerre entre Franck – derrière la désignation d’Aristouy – et le retour au premier plan du père et président, Waldemar Kita.

Une titularisation en Ligue 1

Dans ce contexte ubuesque, les premières défaites en Ligue 1 (contre Toulouse et à Lille) ont véritablement placé l’ancien attaquant sur un siège éjectable, avant que deux nuls contre Monaco (3-3) et l’OM (1-1) ne fassent souffler tout le monde. Depuis la sortie de la trêve internationale, Aristouy et son équipe ont pris leurs marques, les recrues ont fait leurs preuves, Nantes a ouvert son compteur de victoires avec brio (0-1 à Clermont et 5-3 contre Lorient) et il n’est plus question d’aller sonder Christophe Galtier ou qui que ce soit du côté des Kita. Soutenu par les tribunes et le vestiaire, le technicien peut enfin travailler sereinement, ce qui est devenu un luxe chez l’octuple champion de France. Un club où est « né » le Pierre Aristouy joueur, monté dans la cité des ducs de Bretagne depuis les Landes pour y être formé pendant cinq ans et lancé en professionnel (1999), sans jamais réussir à y trouver sa place jusqu’à son départ en 2004. Le temps, tout de même, d’évoluer en Ligue 1 (une titularisation, en 2003, et deux autres en coupes), de faire partie des champions de France 2001 avec un certain Raynald Denoueix (avec 18 minuscules minutes jouées) et de goûter à la coupe d’Europe pendant 55 minutes.

La première qualité primordiale chez un joueur, c’est l’intelligence de jeu. Je crois que Pierrot avait ça.

Raynald Denoueix

Mais c’est surtout en Ligue 2 (Grenoble) et National (Bayonne, Entente Sannois Saint-Gratien, Pau) qu’il a performé, trouvant son rythme de croisière en troisième division et bouclant sa carrière dans sa ville natale et son premier club, le Stade montois, entre CFA et CFA2. « Il n’avait pas énormément joué avec moi, admet aujourd’hui Denoueix. Il était jeune. Il jouait avant-centre et était là pendant la période de Viorel (Moldovan), c’était un concurrent difficile à déloger. » Cette histoire inachevée n’a pas empêché le bonhomme de conserver un fort attachement au FC Nantes, où il est revenu en 2017 avec le survêtement de coach, après avoir potassé ses premières compositions d’équipe chez lui à Mont-de-Marsan. « Personne ici ne peut douter de l’amour que j’ai pour le FC Nantes », posait-il en juillet. « J’étais là quand le club a eu de très beaux résultats, déclarait-il également dans des propos relayés par Le Parisien. Je n’ignore rien de son histoire, de sa culture ou de ses traditions. Tout cela est bien ancré en moi. Je me lève chaque matin en l’ayant à l’esprit. »

Pierre Aristouy, ici en 2008, sous le maillot de Pau
Pierre Aristouy, ici en 2008, sous le maillot de Pau

Sa nomination en première ligne ne vient pas de nulle part : avec la réserve, puis les U19, Aristouy a fait des merveilles, réussissant une remontée immédiate en National 2 (2018), puis obtenant une première place de groupe en quatrième division (2019) avant d’emmener les moins de 19 ans aux sommets avec deux titres de champion de France consécutifs (2022, puis 2023 sans officier lors de la fin de saison à cause de sa promotion en mai). « La première qualité primordiale chez un joueur, c’est l’intelligence de jeu. Je crois que Pierrot avait ça, estime de son côté Denoueix. Et quand on comprend le jeu, les déplacements et ceux qui sont proches de soi, on a des chances de devenir un bon entraîneur. » « Quand on voit certains de ses anciens joueurs qui ont percé au haut niveau, ce n’est pas anodin, rappelle Anthony Walongwa, ex-soldat d’Aristouy avec l’équipe bis du FCN. Randal (Kolo Muani), il a tout fait pour qu’il monte en équipe pro. Imran (Louza), pareil. »

L’ovalie, l’héritage et le contrôle

Wesley Moustache, qui a lui aussi été sous les ordres du Basque en équipe réserve, se souvient d’un coach « qui sait ce qu’il veut » et d’un « changement de schéma de jeu, à cinq derrière et avec des pistons très haut pouvant apporter beaucoup de centres », qui a « changé la saison » de la réserve, en 2018-2019. « Il fait partie de cette nouvelle génération de jeunes coachs, avec cette vision du foot, ce foot de transition, de jeu rapide, vers l’avant, avec des blocs beaucoup plus haut, continue Walongwa. Il me fait penser au coach (Régis) Le Bris de Lorient. En réserve, on rencontrait souvent Lorient. Et maintenant, voir ces deux coachs à ce niveau, ça ne m’étonne pas. » « Le foot, comme tout sport collectif, axe aujourd’hui l’efficacité sur les phases de transition, comme on le voit encore plus au rugby par exemple », expliquait en mai Aristouy, qui tient son prénom d’un grand-oncle rugbyman et international français, décédé en 1974.

À son arrivée, on s’est empressé de faire d’Aristouy le nouvel apôtre d’un jeu à la nantaise perdu, dans la lignée de ses glorieux prédécesseurs du siècle dernier. Denoueix, qui en fait partie, nuance et le décharge de cette pression : « Le passé, c’est le passé. C’est fini. Le passé, on s’en sert, mais chacun va apporter son petit truc. Pierrot, il a dû prendre à Nantes ce qui lui correspondait. Et il a dû prendre ailleurs ce qui lui correspondait. À Nantes, on n’a jamais cherché à faire passer la manière avant tout. Par contre, c’est indispensable d’en avoir une. Dans ce que fait Pierre, il y a de la cohérence. Après le match contre Lorient, je lui ai juste envoyé “Vous avez fait très très fort”. C’est tout. Je lui ai donné des encouragements quand il a pris l’équipe. Mais je n’ai pas de conseils à lui donner. Si on a été champions en 2001, c’est grâce à ce que le club a fait avant pendant 40 ans. On a fonctionné avec un modèle qui commençait à s’essouffler. Pierrot, il ne peut pas faire la révolution. »

Il est chiant sur le banc. C’est quelqu’un qui parle, qui prend souvent des cartons. En réserve, il aimait bien titiller l’arbitre ou l’entraîneur adverse.

Anthony Walongwa

Denoueix reste une inspiration certaine pour le tacticien, comme le prouvaient ses déclarations pleines de panache au moment où il était sur la sellette, il y a un mois et demi : « Raynald Denoueix disait le jeu avant le je. À l’époque, on était allés chercher notre maintien au Havre (1999-2000, un an avant le titre), et il n’avait pas changé de cap. Je ne changerai pas de cap non plus. » Mais de quel cap parle-t-on, alors ? « Je m’appuie sur ce que j’ai connu, vécu et expérimenté au travers de mes années nantaises. À savoir un football offensif, fait de mouvements, de dynamisme et d’interactions entre les joueurs. J’aime bien avoir un certain contrôle du jeu. Ça ne sous-entend pas d’avoir constamment la possession, mais d’essayer d’être jusqu’au-boutiste dans ses convictions. […] Je dirais que je préfère gagner 4-3 plutôt que 1-0, en voyant mon équipe produire du jeu et marquer des buts. » Les Merlus de Romain Faivre peuvent en témoigner.

Un football agité à l’image de son tempérament ? « Il est chiant sur le banc, avoue Walongwa. C’est quelqu’un qui parle, qui prend souvent des cartons. Maintenant il se contrôle, car avec les micros qu’il y a sur le banc, tu ne peux pas dire n’importe quoi non plus. En réserve, il aimait bien titiller l’arbitre ou l’entraîneur adverse. C’est un gars du Sud avec le sang chaud. » Denoueix préfère discuter ballon, encore : « Dans ma définition du jeu, ma première idée, c’est le plaisir de se comprendre. Dans ce qu’il dit, c’est ce que Pierrot veut faire passer. Ça passe par le profil de joueurs qu’il est en train de choisir. Notamment les deux qui sont devant la défense la plupart du temps, actuellement. » Le capitaine Pedro Chirivella, qui parle de son compère Douglas Augusto comme d’un joueur au « style de jeu similaire au (s)ien », peut en attester.

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Par Jérémie Baron

Propos de Raynald Denoueix, Wesley Moustache et Anthony Walongwa recueillis par JB

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