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Daniel Ollivier : « Le jeu à la nantaise n’est pas une histoire passée »

Propos recueillis par Jérémie Baron
Daniel Ollivier : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le jeu à la nantaise n&rsquo;est pas une histoire passée<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À travers le livre L'Alchimie du jeu à la nantaise publié mi-octobre, Daniel Ollivier raconte les 40 ans qui ont fait la légende du FCN, via le parcours des quatre coachs historiques du club : José Arribas (1960-1976), Jean Vincent (1976-1982), Jean-Claude Suaudeau (1982-1988 et 1991-1997) et Raynald Denoueix (1997-2001).

Que retenez-vous de ce voyage à travers l’histoire du FC Nantes ?La première chose, c’est le plaisir que mes différents interlocuteurs ont à chaque fois renvoyé de leurs propres expériences du jeu à la nantaise. Le fait que ça reste quelque chose de très vivace dans leur mémoire. Ça s’est traduit par des interviews d’une grande richesse. Ça m’amène à considérer que le jeu à la nantaise n’est pas une histoire passée et non reproductible. Ça reste possible pour un club de football, à condition d’y mettre les ingrédients : un projet de jeu qui s’inscrit dans un projet de club, qu’on puisse avoir le temps de construire. C’est cette envie de communiquer, de transmettre, qui a transparu chez ces personnes.

Gérard Houllier me disait : Nantes ne pourra jamais prétendre être un des quatre ou cinq plus grands clubs, en revanche il n’y a aucune raison que Nantes ne puisse pas être le Leipzig de demain.

L’une des bases de ce qui a fait la force du FCN, pendant toutes ces années, est de toujours faire primer le collectif sur les individualités. Est-ce une vision utopiste, aujourd’hui ?J’ai réalisé une interview avec Gérard Houllier, malheureusement quelques jours avant son décès. Je lui avais demandé s’il y avait pour lui, derrière le jeu à la nantaise, une réalité en tant coach, s’il trouvait une légitimité à utiliser ce terme, car il avait été contemporain de Coco Suaudeau et de Raynald Denoueix. Il m’avait confirmé qu’il y avait une vraie philosophie de jeu. Et à la question de savoir si c’était reproductible, il m’avait évoqué sa propre expérience personnelle avec Red Bull, notamment pour les clubs de Salzbourg et plus particulièrement Leipzig, et le fait qu’ils avaient utilisé des ingrédients que lui-même avait mis en œuvre à Lyon.

Lesquels ?Créer une académie, c’est-à-dire un centre de formation avec une philosophie de jeu, le fait que toutes les équipes vont jouer de la même manière avec les mêmes options d’éducation, donner le temps aux joueurs pour se construire… Il m’avait détaillé tout cela en me disant : Nantes ne pourra jamais prétendre être un des quatre ou cinq plus grands clubs, en revanche il n’y a aucune raison que Nantes ne puisse pas être le Leipzig de demain. Sachant que Leipzig démarrait de pas grand-chose et que le propriétaire a toujours fait les choses en construisant sur la durée et en s’appuyant sur la compétence plutôt que sur le pouvoir de l’argent.

Raynald Denoueix

Houllier a aussi entraîné à Liverpool, dont l’équipe de Bill Shankly a été une influence pour le jeu à la nantaise. C’est vrai pour Arribas, ça a aussi été vrai ensuite pour Suaudeau. Il y avait en commun à Liverpool et Nantes une vraie identité de jeu et de club. Et pour Suaudeau, pour qui c’était intéressant pour s’ouvrir à d’autres formes de jeu, ça a été une vraie révélation.

Le jeu à la nantaise au départ, on peut le réduire à trois fondamentaux. Mais on voit bien que ce projet de jeu va entraîner un projet de club, avec une réflexion autour de la détection des joueurs, et Nantes a été un club précurseur en la matière.

Ce qui se dégage de votre ouvrage, c’est aussi les nombreux domaines dans lesquels le FC Nantes a fait figure de précurseur, dans le jeu, mais pas que.Le jeu à la nantaise au départ, on peut le réduire à trois mots clés, trois fondamentaux : la technique, plutôt collective qu’individuelle ; la vitesse qui va traduire le mouvement et le jeu sans ballon ; l’intelligence collective, le fait de construire ensemble et la manière de s’entraîner, car on attend que les joueurs proposent quelque chose, ce n’est pas seulement le coach qui doit être le « sachant » . Mais on voit bien que ce projet de jeu va entraîner un projet de club, avec une réflexion autour de la détection des joueurs, et Nantes a été un club précurseur en la matière.

De quelle manière ?En commençant avec des joueurs très jeunes, en se dotant de structures, même avant la Jonelière, avec les jeunes qui vivaient à proximité des installations sportives. C’était les premiers à faire cela, bien avant que les centres de formation n’existent en France. Et ça va progressivement s’ouvrir à d’autres choses : la problématique de la santé, de la nutrition, de la diététique, de la performance, car le jeu à la nantaise requiert beaucoup de condition physique. Se posait la question de la préparation athlétique, comment l’optimiser. Il y a eu tout un travail fait avec le CHU, le club de Nantes a été l’un des premiers à travailler avec des médecins sur ces questions-là, et à s’outiller après aussi avec le « Doc Bryand » (Fabrice Bryand, arrivé en 1987), qui a été novateur dans ce domaine, mais toujours en relation directe avec les coachs.

Coco Suaudeau en pleine bamboche post-titre de 95

On parle beaucoup du jeu à la nantaise pour tout l’aspect technicotactique, mais il se traduisait aussi par une préparation physique intense.Oui, j’aime beaucoup l’anecdote de Jean-Paul Bertrand-Demanes qui dit qu’il a mis deux ans à s’adapter aux montées et descentes dans le parc de Procé, avec sa taille et son poids. Au bout de deux ans, quand il a fini parmi les meilleurs, l’équipe l’avait applaudi. Cette réflexion sur la capacité à répéter les efforts et les actions à un haut niveau d’intensité, Arribas l’avait comprise, Suaudeau l’a poursuivie, et grâce à l’aide du doc Bryand, à un moment, on a mené une réflexion qui n’était plus seulement empirique, mais aussi médicale et professionnelle, voire scientifique. Des clubs sont venus et se sont intéressés à ce qui se passait à Nantes, parce qu’ils avaient là aussi un temps d’avance.

Ce qui frappe aussi, c’est la filiation qui réunit les quatre entraîneurs du livre. Ils se sont tous quasiment passé le relais.Magnifique. Ça n’existe nulle part ailleurs, on a beau chercher. Il y a des coachs qui se sont inscrits dans la durée, comme Arsène Wenger ou Alex Ferguson, mais derrière il n’y a pas eu de filiation. Pour Arribas, Jean-Claude Suaudeau était préparé pour prendre la relève. Derrière, Suaudeau a préparé Denoueix, et il y a eu (Jean) Vincent qui a eu l’intelligence de s’inscrire dans ce mouvement pour lequel il était moins préparé que les autres, par rapport aux 40 ans au FC Nantes de Suaudeau ou aux 35 de Denoueix. Il avait l’intelligence du jeu et a su comprendre tout le profit qu’il pouvait tirer de cette équipe, en lui apportant sa valeur ajoutée. Car il savait développer le niveau d’engagement et de combativité des joueurs, et leur apporter du plaisir dans le travail.

Jean Vincent

Les premiers préceptes d’Arribas ont été visibles dans la Sarthe, où il coachait un petit club. Peut-on finalement dire que le jeu à la nantaise est né à Noyen-sur-Sarthe ?C’est malheureusement le constat qu’on doit faire. (Rires.) C’est remarquablement expliqué dans le livre d’André Jaunay consacré à José Arribas (José Arribas, la fabuleuse histoire du jeu à la nantaise). Il a réussi à appliquer ce jeu, avec beaucoup de patience, de minutie et de progressivité, à des joueurs qui étaient des praticiens du dimanche.

Il a par ailleurs amené ses influences espagnoles pour créer le jeu à la nantaise, qui a ensuite inspiré le foot espagnol et notamment l’école barcelonaise. La boucle est bouclée ?(Rires.) Ça lui aurait fait énormément plaisir d’entendre ça. À l’époque, le Barça et le Real jouaient d’une manière beaucoup plus physique. Il y a eu cette révolution, et Nantes a joué son rôle : ça n’est pas qu’une seule fois que le Barça est venu à la Jonelière, voire même avant l’époque de la Jonelière, pour voir ce qui se passait du côté du FC Nantes.

José Arribas

Le livre se termine malheureusement au début des années 2000. Avec les changements de direction et le tournant pris par le club, est-ce la mort du jeu à la nantaise ? J’ai l’espoir que ce n’est pas le cas. On sait comment il a perduré dans le temps, on sait comment il y a eu cette transmission. Et on sait aussi comment en très peu de temps, un dirigeant qui n’y connaissait rien au football a été capable de détruire la machine formidable qu’était ce club, dans lequel nombre de dirigeants avaient précédemment eu l’intelligence de comprendre que le domaine technique, il ne faut pas y toucher. C’est vraiment un fondamental pour Arribas, Suaudeau, Vincent et Denoueix : c’est leur domaine. Et Jean-Luc Gripond (président de 2001 à 2005) n’avait malheureusement pas l’intelligence pour comprendre qu’il devait laisser la possibilité à Denoueix de travailler comme il l’entendait.

Pourquoi ?Tout ce qu’il a pu entendre sur le jeu à la nantaise, ça lui paraissait entrer en contradiction avec sa propre légitimité : qu’il ne puisse pas entrer dans un vestiaire, que les coachs puissent décider avec qui ils travaillent, qu’ils puissent avoir un mot à dire sur le choix des joueurs recrutés… Tout ça, du jour au lendemain, ça s’est effacé. Et en moins de deux ans, il a complètement disparu. Depuis de nombreuses années, son défaut était son incapacité à s’adapter au monde économique dans lequel il était. Ça lui a permis de garder ses valeurs, son identité. L’Olympique de Marseille, ça n’est pas Saint-Étienne ; Saint-Étienne, ça n’est pas Nantes. Et tous ces clubs ont une histoire et une identité. Et c’est en cette identité que les supporters se projettent, que les joueurs peuvent aussi se réaliser. Nantes peut renaître, et va renaître, parce que les grands clubs ne meurent jamais.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Jérémie Baron

À lire : L'Alchimie du jeu à la nantaise de Daniel Ollivier, aux éditions Solar (2022, 288 pages).

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