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Mais pourquoi Grenoble est-il leader de Ligue 2 ?
Auteur d’une bonne première partie de saison sur le plan comptable (34 points grattés en dix-sept journées), le Grenoble Foot 38 est leader de Ligue 2 au moment d'attaquer 2021. Une situation étonnante pour beaucoup de monde, mais compréhensible au moment d’analyser la trajectoire ascendante du club isérois.
Pour beaucoup, 2020 sonnera comme une année peu propice aux sourires et aux célébrations. Malgré cela, le Grenoble Foot 38 est parvenu à apporter ses lots de consolation. Le 28 février, Brice Maubleu, auteur d’une relance foireuse face à Caen, a d’abord offert un buzz sur les réseaux sociaux à son club à une semaine de l’arrêt temporaire – qui sera ensuite définitif – du championnat. Puis, le 22 décembre, Mamadou Diallo, pyromane en chef lors de la victoire contre l’ESTAC au stade des Alpes (2-0), a à son tour enflammé la toile après avoir voulu embarquer le socle du prix adressé à l’homme du match par beIN Sports. « Ça se voit que c’est la première fois ! » a alors ironisé le joueur formé à l’AS Dakar Sacré-Cœur. À Grenoble, on enflamme, on se poile, mais un fait est là : aujourd’hui, le GF38 est leader de Ligue 2.
« Un puzzle où les pièces s’emboîtent parfaitement »
Capitaine de l’équipe depuis le début de la saison 2019-2020, Maubleu convoque d’ailleurs la dernière sortie médiatique de Diallo pour évoquer le bon début de saison de son équipe : « C’est clair qu’il nous a fait bien rire. Cette scène est un peu révélatrice de notre état d’esprit. On se marre ensemble, on se charrie comme il faut. Là, il était encore dans son match quand le journaliste s’est mis à lui poser les questions. Il ne faisait pas attention au reste ! J’espère qu’il aura l’occasion de récupérer un nouveau prix bientôt. Ce serait bon signe… » Au-delà de l’esprit de camaraderie, un bon paquet de feux sont aujourd’hui au vert à Grenoble, que ce soit sur le terrain ou dans les coulisses. La dégringolade liée à Index Corporation, puis la liquidation judiciaire combinée à la rétrogradation administrative du club en CFA2 semblent avoir servi de leçon pour bâtir sur des bases plus pérennes. « La grande différence, c’est la stabilité de l’actionnaire principal (Provencia, N.D.L.R.) et du président, Stéphane Rosnoblet, qui est issu de notre région, analyse le manager général Max Marty, déjà passé par le club entre 1997 et 2006. Cela se raréfie de nos jours. Quand je l’ai rencontré la première fois, je lui ai dit que je pouvais l’aider à comprendre comment un club marchait, mais que je n’allais pas me remarier avec une femme avec laquelle j’avais divorcé… Finalement, son discours m’a fait changer d’avis. J’avais l’impression de me retrouver face à un dirigeant que le football ne rendrait pas fou. Son apport amène de la sérénité pour gérer notre entreprise, et la passion s’associe à la raison. Il s’évertue à dire : « On meurt de nos résultats financiers, jamais de nos résultats sportifs. » »
Revenu en Ligue 2 lors de l’été 2018, le GF38 s’est ainsi solidifié grâce à un triangle fort où chaque homme gère son secteur d’activité avec poigne : Rosnoblet définit le cadre budgétaire avec minutie, Marty bénéficie d’une « grande liberté dans la construction du groupe » et Philippe Hinschberger, sous contrat avec le club jusqu’en juin 2022, offre le « surplus d’expérience en Ligue 2 » sur lequel s’appuie volontiers Grenoble, qui a bouclé les deux derniers exercices à la neuvième place du championnat. « Nous gérons 9 millions d’euros de budget et 2,7 millions de masse salariale, énumère Marty. Nous avons construit une espèce de puzzle où les pièces s’emboîtent parfaitement. C’est un mélange de travail et de réussite. Cela dit, nous savons que si nous sommes à cette première place aujourd’hui, cela est lié à un concours de circonstances. Les gros clubs comme Toulouse, Auxerre, Troyes ou Clermont ne sont pas encore à plein régime. Ils n’ont absolument pas à avoir peur de nous. C’est à eux de faire ce qu’il faut. » Le GF38 a beau être un leader par défaut, ce statut ne tombe pas non plus du ciel : la bande à Hinschberger se balade avec la meilleure défense du championnat (10 buts encaissés), l’une des meilleures attaques (25 buts marqués, soit autant que l’ESTAC) et n’a plus perdu depuis le 17 octobre dernier, soit une série de dix matchs sans défaite (six victoires, quatre nuls).
Tinhan, Ravet, Pérez : l’appel de la meute
« Cet ajustement entre défense et attaque est venu assez naturellement, confesse Maubleu. Au départ, nous étions portés sur une attaque dynamique (neuf buts marqués lors des quatre premières journées, N.D.L.R.) quitte à encaisser plus de buts. Je me suis dit que j’allais connaître des difficultés, mais finalement, nous avons su retrouver une solidité (trois buts encaissés seulement sur les dix dernières journées, N.D.L.R.). Les années précédentes, on se disait que sans prendre de but, on assurait au moins le match nul. Cette saison, nous sentons que nous avons les armes offensives pour faire la différence. Nos trois défaites cette saison sont d’ailleurs toutes sur le même score : 1-0. » Marquer est un enjeu majeur à Grenoble, et un avant-centre comme Moussa Djitté, muet durant huit matchs consécutifs, renoue progressivement avec le chemin des filets, lui qui a planté deux buts lors des quatre dernières journées. « Le football Kleenex, il y en a assez, tranche Marty. Ici, nous humanisons les joueurs. Quand nous faisons un recrutement dans notre équipe, nous l’assumons. Si le joueur n’a pas le rendement escompté, nous cherchons à comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas comme prévu. Se débarrasser d’un joueur six mois plus tard, ce n’est pas dans notre manière de procéder. D’ailleurs, les joueurs ne sont pas dupes : ils sentent eux aussi qu’il se passe quelque chose de carré. »
Conséquence : cette dynamique positive grenobloise a permis de rapatrier des joueurs d’expérience formés au club comme Jonathan Tinhan (ailier la saison passée et aujourd’hui dans l’organigramme en tant que conseiller en responsabilité sociale des entreprises), Yoric Ravet ou Manuel Pérez, encore joueur du RC Lens en début de saison. De quoi apporter l’expérience du haut niveau, honorer le travail de formation du club et retrouver le bien-être du foyer familial sans perdre de vue l’objectif commun : faire grandir le club. « Grenoble est une ville où le football possède un ancrage fort. Le club aspire à être un jour dans les 20 meilleurs de France, ambitionne Marty. Pour l’instant, nous sommes heureux d’être dans le top quarante et nous ne faisons pas de la montée une obligation, car notre vision est à long terme. Nous croyons encore en un football à l’ancienne fait de racines. Quand je vois Châteauroux racheté par des Saoudiens, c’est un autre choix… Je considère que ce club est avant tout une âme, ils sont parvenus dans le monde professionnel par une certaine forme de travail. Il ne faudrait pas qu’ils perdent cette âme-là. L’argent n’est qu’un élément de la réussite, il faut aussi du mérite. Nous n’achèterons pas la montée en Ligue 1. Soit nous la mériterons, soit nous serons contents de poursuivre notre développement et nous aspirerons à toucher ce Graal plus tard. » Et tant pis si Diallo n’a pas attendu pour se mettre à rêver plus grand.
Le coffio est chargé, bonnes vacances à tous Mamaaad https://t.co/tuCSeelinl pic.twitter.com/6iCGMfjO1p
— Grenoble Foot 38 (@GF38_Officiel) December 23, 2020
Par Antoine Donnarieix
Propos de BM et MM recueillis par AD.