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Mondial des clubs : des stades vides, des matchs chiants mais en 4K
Alors que la compétition a commencé ce samedi par un terne 0-0 entre Al Ahly et l’Inter Miami de Leo Messi, la FIFA et ses diffuseurs ont mis les petits plats dans les grands. Entre réalisation léchée, micros embarqués, sonorisation des arbitres et plans dans les coulisses, la production est exceptionnelle, sans pour autant garantir un vrai spectacle.

Ref cam, GoPro, animations 3D… rien à dire, la FIFA a mis le paquet. Cette Coupe du monde à la mode américaine est la parfaite illustration de ce que voulait Gianni Infantino en matière de spectacle télévisuel moderne. Alors que l’entrée individuelle des joueurs s’est fait remarquer et que l’apparition de la « ref cam » (une caméra portée sur l’arbitre qui offre une vue subjective) est plébiscitée par tous les suiveurs, le contraste entre la traditionnelle diffusion européenne et la production spectaculaire américaine s’avère saisissant.
En tout et pour tout, 23 caméras sont présentes à chacun des matchs de groupes, alors que 28 suivront les phases éliminatoires pour monter à 30 lors de la finale, où des formes encore plus modernes verront le jour (super loupe, drones, Flycam…). La diffusion, couverte intégralement par DAZN, offre également une définition en HDR, tout droit sortie du futur comparée à une résolution HD en temps normal lors des compétitions européennes. Une première planétaire pour un événement sportif.
Un bond technologique
Chez DAZN, l’objectif est de rendre la compétition la plus immersive possible pour le téléspectateur, et pour ça, la chaîne s’appuie sur un énorme dispositif. Stefano Bernabino, directeur des contenus et de la production à DAZN, explique la démarche entreprise : « Nous avons des équipes pour les 32 clubs, on appelle ça les Embedded Crews, elles produisent régulièrement, tous les jours, du contenu, soit en direct, soit post-produit. » Des équipes de tournage au plus près des clubs pour rendre le contenu attractif, et des évolutions technologiques pour filmer les rencontres d’une autre manière. Une chose est sûre : la boîte anglaise met les petits plats dans les grands. Quand on sait les difficultés connues par la plateforme pour avoir accès aux écuries de Ligue 1 cette saison, on peut regretter d’être passé à côté de sacrés contenus.
On a la volonté de proposer une expérience améliorée du foot, tant sur l’aspect de la captation que sur l’enrichissement du live.
Ces pratiques sont surtout teintées du savoir-faire local. « On s’inspire de ce que fait la NBA avec ses fameuses cooling breaks, pauses fraîcheur, avec la sonorisation pendant ces time-out. On souhaite proposer une expérience plus immersive, plus accessible, plus exhaustive aussi », poursuit-il. Toutes ces innovations technologiques tendent à rendre l’événement le plus scénarisé possible, pour privilégier une expérience visuelle aussi importante que le contenu sportif. « On a de la spider cam, la captation aérienne avec les drones, des hélicos à tous les matchs… Ce n’est pas que technique, mais ces aspects technologiques doivent être au service du produit. On a la volonté de proposer une expérience améliorée du foot, tant sur l’aspect de la captation que sur l’enrichissement du live, résume Stefano Bernabino. Et ce n’est pas fini, on n’en est qu’au troisième jour. »
À la sauce américaine, jusqu’à l’indigestion
Ce show à l’américaine, aussi prometteur soit-il, peut tout de même perturber les consommateurs de football européen, au vu du rythme des plans plus proche de celui d’une bande-annonce Marvel que d’un tunnel de Ligue 1. Surtout, malgré la multitude d’investissements pour créer un contenu « premium », le résultat n’arrive pas à masquer le gros défaut visuel de ce tournoi : les sièges vides. Les images d’un stade rempli au quart lors du match de Chelsea face à Los Angeles ce lundi ont été encore plus criantes. Et si l’on a pu admirer l’enchaînement supersonique de Pedro Neto lors de l’ouverture du score des Blues grâce à la « ref cam », peu de personnes ont pu le constater au vu des tribunes.
Ref cam’s of Neto’s goal is AMAZING 🤯 Watch the @FIFACWC | June 14 - July 13 | Every game. Free. | https://t.co/i0K4eUu4lJ | #FIFACWC #TakeItToTheWorld #CHELAF pic.twitter.com/rvyja1JcQ2
— DAZN Football (@DAZNFootball) June 16, 2025
Si l’engouement dans les stades s’avère donc défaillant, celui derrière les postes ne saute pas particulièrement aux yeux. Des rencontres diffusées la nuit, entre 2 et 3 heures, des affiches peu excitantes et des écarts abyssaux entre les équipes n’aident pas à susciter l’enthousiasme d’un public suralimenté en football cette saison. Malgré la bonne audience du premier match du Paris Saint-Germain face à l’Atlético de Madrid (3,8 millions de spectateurs), portée par le premier titre en Ligue des champions, et la ferveur des supporters de Boca Juniors ce lundi lors du match nul face à Benfica, où les tribunes du Hard Rock Stadium ont ressemblé à la Bombonera le temps d’un match, la compétition tarde à décoller. La FIFA espère inverser cette tendance lors de la phase finale, lorsque les gros clubs s’affronteront si l’on en croit la logique sportive. Mais pour l’instant, cette Coupe du monde des clubs représente bien un public qui ne s’attendait à rien, mais qui est quand même déçu.
Souviens-toi la Coupe du monde 1994
Pourtant, le passif des États-Unis pouvait augurer de grandes choses. Des stades gigantesques, un soleil de plomb et une atmosphère planante, une qualité d’image révolutionnaire pour l’époque : la Coupe du monde 1994 a marqué toute une génération, bien avant cette Coupe du monde des clubs. Comme cette dernière, la World Cup de soccer était bien mal engagée. Trop fabriquée, trop chaud, trop « show ». Tous les observateurs faisaient part de leurs réticences avant la cérémonie d’ouverture, et le penalty manqué de Diana Ross a été vu comme une prémonition.
Les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Si on regrette aujourd’hui l’absence de grands calibres européens, à commencer par le FC Barcelone ou Liverpool, cette Coupe du monde sur le sol américain avait vu également de grandes nations manquer à l’appel, comme l’Angleterre, l’Uruguay et évidemment la France – on ne rappellera pas pourquoi. Dominique Grimault, auteur d’un ouvrage sur le Mondial 94, calme le jeu : « On ne peut pas faire de parallèle. C’est beaucoup trop tôt, trop prématuré. Au niveau de la diffusion, de la production, on sent quand même qu’il y a une espèce de show à l’américaine qui veut être mis en œuvre. » Alors que cette Coupe du monde 1994 a vu le Brésil être couronné d’une 4e étoile, lors d’une séance de tirs au but devenue historique face à l’Italie, elle avait surtout réussi à gagner les cœurs des fans au fur et à mesure de la compétition, grâce notamment à la ferveur américaine. Mais malgré tout, ce Mondial des clubs aura du mal à prendre, selon Dominique Grimault : « Aux États-Unis, la mayonnaise ne prend pas. En 1994, elle est retombée vite. Ne condamnons pas sportivement cette compétition, mais le foot n’est pas dans leur ADN. C’est une question d’argent, rien de plus. » Et en dépit de tout ce que la FIFA a bien pu investir en équipement high-tech ou en outils de communication sophistiqués pour cette Coupe du monde des clubs… La vraie, elle, arrive dans moins d’un an (11 juin – 19 juillet). Celle que tout le monde attend, et pas seulement les caméras.
C’était Diogo JotaPar Titouan Aniesa
Propos recueillis par TA.