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États-Unis : sentez-vous pas comme chez vous
La Coupe du monde des clubs débute aux États-Unis dans un climat tendu. Cette répétition générale avant le Mondial 2026 s’ouvre alors que les restrictions de voyage de l’administration Trump remettent en question l’ambition d’un tournoi "ouvert au monde".

À Los Angeles, l’agitation a remplacé la circulation habituelle. Une foule dense, vêtue de playeras de fútbol aux couleurs vives des sélections latino-américaines, hurle. Ici, ce ne sont pas des chants de supporters mais des slogans revendicatifs, des appels à la justice, entrecoupés par le son strident des sirènes. Dans la nuit californienne, les voitures en flammes ne célèbrent pas une cérémonie d’ouverture, elles incarnent une pyrotechnie de colère, pour s’opposer à la politique migratoire du président Trump.
L’Amérique accueillera le monde. Tous ceux qui souhaitent venir ici pour profiter, s’amuser et célébrer le football pourront le faire.
Pendant ce temps, la FIFA déroule le tapis rouge pour le lancement de son dernier-né, la Coupe du monde des clubs, et dans quelques jours, à peine à 11 miles du centre de Los Angeles (pour parler comme les locaux), le Paris Saint-Germain foulera la pelouse du Rose Bowl Stadium à Pasadena. Cette compétition, souvent considérée comme une répétition générale avant de laisser le champ libre à sa grande sœur la Coupe du monde – des nations – dans un an, s’ouvre dans une atmosphère tendue. Aux relations devenues glaciales entre Washington, Mexico et Ottawa, capitales des coorganisateurs du tournoi, s’ajoute la récente politique de restriction des voyages imposée par l’administration Trump. Un frein supplémentaire qui fragilise l’ambition d’un tournoi « ouvert au monde ».
Mondial ouvert, frontières fermées
Ce rêve était pourtant porté avec ferveur par Gianni Infantino, président de la FIFA et nouveau « best friend » de Donald Trump, qui assurait : « L’Amérique accueillera le monde. Tous ceux qui souhaitent venir ici pour profiter, s’amuser et célébrer le football pourront le faire. » C’était avant que l’administration américaine relance son travel ban pour 12 pays, étendu à une restriction pour l’obtention de visas pour 7 autres nations.
Sur le papier, les équipes sont censées être protégées. Le décret prévoit des exemptions spécifiques pour les athlètes, leurs entraîneurs et les membres du staff technique. Pourtant, dans les faits, l’administration américaine pourrait très bien appliquer un « arbitrage maison ». Plusieurs joueurs attendus au Mondial des clubs risquent ainsi de rester sur le banc de touche : le Soudanais Mohamed Awadalla (Al-Ain), l’Iranien Mehdi Taremi (Inter Milan) ou encore les Vénézuéliens Matías Lacava (Ulsan), Salomón Rondón (Pachuca) et Jefferson Savarino (Botafogo). Ces inquiétudes ne sont pas sans fondement : en 2019, neuf jeunes joueurs guatémaltèques avaient déjà été refoulés à la frontière avant le championnat CONCACAF des moins de 15 ans. La même année, Yordan Santa Cruz, capitaine de l’équipe de Cuba, s’était vu refuser un visa pour la Gold Cup.
Dans les tribunes, pour les supporters, le climat reste empreint d’incertitude. L’Iran, déjà qualifié pour la Coupe du monde 2026, figure parmi les pays visés par le controversé travel ban, et il est possible que d’autres nations inscrites sur cette liste noire décrochent elles aussi leur billet pour ce tournoi inédit à 48 équipes. Ce contexte concerne également Haïti, qui participera cet été à la Gold Cup, toujours sur le sol des États-Unis, affrontant notamment l’USMNT lors de la phase de groupes. Aujourd’hui, seulement 42 pays peuvent profiter d’une exemption de visa pour visiter les États-Unis. Toutefois, de nombreuses inquiétudes persistent quant à la durée nécessaire à l’obtention d’un visa, de quoi mettre « hors jeu » de nombreux fans de nations qui jouent souvent des rôles principaux sur la scène du football mondial, comme le champion en titre argentin, le Brésil, quintuple vainqueur, la Colombie, l’Uruguay, mais aussi le Mexique, pourtant coorganisateur du tournoi. L’ironie d’un tournoi « ouvert au monde » mais aux portes verrouillées.
Les États-Unis mettent le bus
Le contexte de tronçonneuse budgétaire lié au DOGE, présidé par Elon Musk jusqu’à sa rupture retentissante avec Donald Trump, a poussé le département d’État, chargé de la délivrance des visas, à annoncer la fermeture de 10 ambassades et 17 consulats et à réduire ses effectifs de 3 400 personnes, alors que dans certains pays, l’attente moyenne pour obtenir un rendez-vous de demande de visa dépasse désormais une année entière. Et la situation pourrait encore se détériorer selon Pamela Monroy, assistante juridique pour les démarches administratives des Colombiens voulant visiter les États-Unis : « Le taux de refus pour cette catégorie de visa a considérablement augmenté. Nous pensons que c’est le résultat des politiques en cours et des changements en matière d’immigration mis en œuvre par l’administration de Donald Trump. » Il faut aussi rappeler que pour les éditions de 2018 et de 2022, les pays hôtes (la Russie et le Qatar) exemptaient tous les supporters munis d’un billet pour un match de l’obligation d’obtenir un visa, facilitant ainsi grandement leur accès aux stades.
Nous voulons qu’ils fassent la fête. Nous voulons qu’ils regardent le match. Mais quand le temps sera écoulé, ils devront rentrer chez eux.
Et ce ne sont pas les déclarations provocatrices du vice-président JD Vance qui rassureront les touristes : « Nous voulons qu’ils fassent la fête. Nous voulons qu’ils regardent le match. Mais quand le temps sera écoulé, ils devront rentrer chez eux. Sinon, ils devront s’adresser à la secrétaire à la sécurité intérieure (Kristi) Noem. » Ce département comprend notamment l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), chargé des expulsions et au cœur des manifestations actuelles.
Tout cela plonge les villes hôtes de la Coupe du monde 2026 dans une profonde inquiétude, particulièrement dans un contexte où le tourisme vers les États-Unis connaît un effondrement sans précédent (en mars 2025, l’Office national du voyage et du tourisme a rapporté une chute de 9,7% des visiteurs étrangers en un an). Celles-ci se sont réunies dernièrement, déclarant qu’elles « surveillaient de près » la situation politique des États-Unis. La porte-parole de la ville de Philadelphie a même déclaré : « En tant que ville hôte, nous reconnaissons que notre mission est d’être prêt à accueillir qui que ce soit dans notre ville. […] Il y a certainement des choses qui se passent au niveau national, au niveau international. Il y aura des questions géopolitiques que nous ne connaissons pas encore et qui affecteront le tournoi l’année prochaine. » Cette situation laisse imaginer que de nombreux supporters espéreront ardemment que le tirage au sort leur réserve des matchs se déroulant au Mexique ou au Canada. Un but contre son camp politique qui pourrait coûter cher aux États-Unis.
Chez les Bleues, pas de nuage à l’horizonPar Jonathan Leblanc