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Pologne : turbulences en tribunes
Enfant tabassé, fight nocturne, insultes dans les stades, drapeau brûlé... Le mois de décembre n’aura pas été à la fête dans les tribunes polonaises. Longtemps réputés pour leur insécurité, les gradins avaient retrouvé ces dernières années un certain calme. Et c’est encore en partie le cas. Mais en ce début d’hiver, quelques fans ont repris de mauvaises habitudes.
Comme quoi, il n’y a pas qu’à Nice. En Pologne, le match entre le Legia Varsovie et le Piast Gliwice, ce dimanche, s’est joué dans une ambiance de cimetière : « Vends le club et casse-toi ! », « Vous avez détruit notre Legia. » Pas de fumigènes ni de tifos, alors qu’un groupe d’ultras devait fêter ses 20 ans. Seules des banderoles et des insultes visant le président Dariusz Mioduski ont résonné dans le Stadion Wojska Polskiego. Le malaise est profond : plus gros budget du championnat, le Legia a été éliminé de la Coupe de Pologne, le sera sans doute en Ligue Conférence et pointe à l’avant-dernière place de l’Ekstraklasa, la première division polonaise. De quoi raviver la colère des kibice (supporters en VF).
« Je ne pense pas qu’on en arrivera aux extrêmes d’il y a quelques années », tempère Szymon Janczyk, journaliste pour le média sportif Weszlo.com. Il y a quatre ans pourtant, des supporters avaient attaqué le bus de l’équipe et passé à tabac deux joueurs, symbole de la sauvagerie du supporterisme polonais. Après des années de turbulences, clubs, ligue, fédération et autorités ont repris la main, notamment grâce à une meilleure communication entre les parties. « On se sent beaucoup plus en sécurité aujourd’hui », rappelle le journaliste. Pourtant, ces dernières semaines, les supporters ont davantage brillé par leur violence que par leurs tifos.
Menaces et guet-apens
Et ce qui s’est passé au Legia n’est rien comparé au reste. Le Pogoń Szczecin traverse lui aussi une période sombre. Éliminés de la Coupe de Pologne et en difficulté en championnat (10e place), les coéquipiers de Benjamin Mendy et Kamil Grosicki ont subi une véritable remontrance, une pluie de menaces. Il y a une semaine, au coup de sifflet final du match contre le Radomiak Radom (2-2), le capo des Ultras Pogoń s’est alors violemment emporté devant des joueurs stoïques : « Si on apprend encore une fois que l’un d’entre vous a fait la fête et tourné autour de nos filles, on débarque à l’entraînement et on vous démonte tous. Peu importe que tu sois blanc ou noir, défenseur ou attaquant, vous êtes une seule équipe et vous prendrez tous une raclée. » Une référence à une sortie nocturne, trois jours avant un match, du joueur gambien Musa Juwara. La réaction du nouveau propriétaire du club n’en est pas moins surprenante. Le Canadien Alex Haditaghi a condamné les propos des ultras… avant d’assurer que l’affaire était réglée, par crainte de froisser les supporters. Comme quoi, certains fans semblent encore avoir tous les droits.
„Kolejny k**** sezon bez niczego”. Portowcy nasłuchali się co nieco od swoich kibiców. Po meczu większość piłkarzy oddała swoje koszulki. @sport_tvppl #POGWID pic.twitter.com/LQOfQfTLDV
— Jakub Kłyszejko (@jakubklyszejko) December 2, 2025
C’est à Gdynia, au bord de la Baltique, que la violence a franchi un cap. Un jeune supporter de 12 ans du Bałtyk Gdynia, club amateur, en a fait les frais le 4 décembre dernier. Le garçon, qui tenait une page Facebook en l’honneur de son équipe favorite, a été sauvagement battu par cinq hooligans de l’Arka Gdynia. Ces pseudo-supporters, âgés d’une vingtaine d’années, ont forcé l’enfant à les suivre dans un petit bois situé à quelques pas de son école, avant de le rouer de coups. Inquiète de ne plus avoir de nouvelles, la mère du jeune supporter a retrouvé son fils inconscient. Il s’en sort avec une commotion cérébrale et des lésions à la colonne vertébrale. « C’est l’incident le plus répugnant de ces dernières semaines », souffle Szymon Janczyk.
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Le 10 décembre, à la veille du match de Ligue Conférence entre le Jagiellonia Białystok et le Rayo Vallecano, des supporters du club polonais, armés de battes et cagoulés, s’en sont pris aux bus des fans espagnols. Un véritable guet-apens nocturne contre des Espagnols jugés « trop à gauche » par les locaux. Ambiance.
Karol Nawrocki, un ancien hooligan au pouvoir
Pour enrayer les violences entre supporters, certains clubs serrent la vis. C’est le choix de Grégoire Nitot, propriétaire français du Polonia Varsovie (deuxième division), après un incident survenu le 29 novembre dernier. Ce jour-là, des membres des Ultras Enigma ont brûlé une banderole de leur adversaire, le Pogoń Siedlce, proche du club rival, le Legia Varsovie. Quelques échauffourées avec la sécurité ont suivi, sans gravité, obligeant néanmoins l’intervention des forces de police. Une raison suffisante pour que le dirigeant tape du poing sur la table.

Désireux d’affirmer son autorité – et de préserver ses relations avec le maire pro-européen de la capitale en vue d’un nouveau stade – le businessman a publié un communiqué très critique envers ses supporters. En plus des actes survenus pendant la rencontre, il a condamné tout propos conservateur, patriotique ou anti-Legia dans l’enceinte, ainsi que la vente de goodies aux couleurs du club par les supporters. Lors du match suivant, les ultras lui ont répondu avec un message clair : « Le Polonia c’est nous. »
La culture ultra polonaise peut toutefois compter sur des soutiens de poids : celui du président de la République, Karol Nawrocki, récemment élu, ainsi que de plusieurs figures de l’ultradroite. « Ils le soutiennent parce que c’est l’un des leurs », explique le journaliste sportif. Ancien hooligan du Lechia Gdańsk, le chef de l’État avait été filmé lors d’un fight organisé en forêt en 2009. Depuis son investiture, il a même reçu des demandes de grâce de supporters interdits de stade. Réponse du président : « Je traiterai ces dossiers début 2026. » Imaginez Emmanuel Macron faire de même.
Les ultras du Legia ont mis le feu dans les tribunes de Stamford BridgePar Kilian Bigogne, en Pologne



























