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La FIFA compte ses billets, les supporters dégoûtés

Par Quentin Ballue
6 minutes

Les tarifs de la Coupe du monde 2026 réservés aux groupes officiels de supporters ont suscité l’indignation, partout en Europe, ce week-end. En repoussant les limites de la cupidité, la FIFA privera des centaines (voire des milliers) de fidèles de la possibilité de suivre leur équipe l’été prochain. Merci Gianni...

La FIFA compte ses billets, les supporters dégoûtés

Entre 180 et 520 euros pour Angleterre-Panama. Entre 155 et 430 euros pour Allemagne-Curaçao. Entre 150 et 430 euros pour Écosse-Haïti. Entre 191 et 518 euros pour voir la France contre la Bolivie, le Suriname ou l’Irak. Pas choquant pour des formules d’hospitalité… sauf que ces tarifs sont ceux des simples tickets destinés aux supporters officiels des équipes concernées. Des prix exorbitants qui ont provoqué une levée de boucliers, et qui ont d’ores et déjà mis fin aux rêves de certains de vivre la Coupe du monde sur place.

« Une vraie trahison »

L’association Football Supporters Europe s’est dite « choquée » en voyant les prix « imposés par la FIFA aux supporters les plus fidèles ». Son communiqué dézingue logiquement la stratégie de l’instance : « La catégorie de prix la plus basse ne sera pas accessible aux supporters les plus fervents par l’intermédiaire de leurs associations nationales, car la FIFA a choisi de réserver le nombre limité de billets de catégorie 4 à la vente générale, soumis à une tarification dynamique. Il s’agit là d’une trahison monumentale de la tradition de la Coupe du monde, qui ignore la contribution des supporters à ce spectacle. » Les supporters officiels n’ont en effet que trois catégories de prix à leur disposition.

Quand on a une finale à partir de 3 600 euros, même si on a économisé, est-ce qu’on a envie de dépenser autant pour voir un match de foot ? La FIFA sait pertinemment que la plupart des supporters ne pourront pas faire cet effort-là.

Guillaume Auprêtre, membre des Irrésistibles Français

Pour la France, ils devront ainsi payer entre 191 et 535 euros contre le Sénégal, entre 191 et 518 euros face au barragiste intercontinental, et entre 229 et 604 euros contre la Norvège. La note est salée. « C’est une vraie trahison par rapport aux tarifs annoncés dans le dossier de candidature, déplore Guillaume Auprêtre, membre des Irrésistibles Français depuis 2013 et porte-parole de l’association. Quand on a une finale à partir de 3 600 euros, même si on a économisé, est-ce qu’on a envie de dépenser autant pour voir un match de foot ? La FIFA sait pertinemment que la plupart des supporters ne pourront pas faire cet effort-là. » 

Dans la majorité des catégories, les prix ont augmenté de plus de 100% par rapport à ceux du dossier de candidature. Certains ont même été multipliés par trois, quatre ou cinq. « Le dossier de candidature publié en 2018 promettait des billets à partir de 21 dollars, rappelle Football Supporters Europe. Où sont ces billets aujourd’hui ? Selon ce même dossier, le prix total pour assister au tournoi jusqu’à la finale était censé être de 2 242 dollars dans la catégorie la moins chère. Cette promesse est loin d’être tenue. » Les hommes mentent (surtout à la FIFA), mais pas les chiffres.

Une enveloppe de 10 000 euros

Guillaume Auprêtre a sorti la calculatrice : « Si on va jusqu’en finale, rien que les tickets, c’est 6 000 euros. » Et ce n’est que la formule la moins onéreuse, avec uniquement des billets de catégorie 3. « Si on chiffre tout, en prenant en compte la traversée aller-retour, les logements et le temps passé sur place, on dépasse largement les 10 000 euros. On n’a jamais eu à dépenser autant pour vivre une Coupe du monde. On était plutôt autour de 4 000 ou 5 000 euros en Russie et au Qatar. »

Ce qui va de facto éliminer de nombreux supporters de l’équation. « On a fait un sondage sur notre groupe WhatsApp : une centaine de personnes sont intéressées pour assister à chaque match du premier tour, et elles sont trois fois moins pour la finale, poursuit le porte-parole des IF, qui est lui-même en réflexion sur sa présence en Amérique du Nord. On a aussi 90 personnes qui voulaient aller sur place, peu importe le match, mais qui ont d’ores et déjà renoncé à cause des tarifs. D’autres avaient déjà pris leurs billets d’avion et ils iront aux États-Unis, mais en simples touristes, sans aller au stade, parce que c’est trop cher. »

Le constat est partagé à l’étranger. Membre historique de l’England Supporters Travel Club (ESTC), Russell a suivi les Three Lions lors de neuf tournois majeurs, y compris au Japon en 2002 et en Afrique du Sud en 2010. Il ne traversera pas l’Atlantique l’été prochain, préférant déjà se tourner vers la Ligue des nations et le prochain Euro. « En 2002, pour le huitième de finale Angleterre-Danemark, j’avais payé 150 dollars pour un billet de catégorie 1. L’équivalent l’année prochaine, ce serait un seizième de finale à 610 dollars ou un huitième de finale à 770 dollars. Est-ce que je paierais ce prix ? Certainement pas, nous confie le quadragénaire, qui travaille dans le bâtiment au nord de Londres. J’ai un crédit immobilier à rembourser et une famille à charge, deux choses plus importantes qu’un match de football ponctuel. Il y a une formule qui revient beaucoup pour résumer la situation : “créé par les pauvres, volé par les riches”. Les prix sont délirants. »

« Même aller au Club Med, c’est moins cher »

Parmi les nombreux groupes de supporters à avoir réagi, l’association écossaise ATAC s’est désolée que la FIFA ait « tué le rêve de nos jeunes fans, désespérés d’aller à une Coupe du monde », alors que la Tartan Army vient de se qualifier pour son premier Mondial depuis 1998. Timothée, 20 ans, se retrouve dans cette situation, lui qui a vécu son premier grand tournoi lors de l’Euro 2024 avec les IF. « J’avais le projet de faire la Coupe du monde parce que je pars en échange au Mexique en janvier. Mais quand je vois les prix, c’est inabordable en tant qu’étudiant. Même aller au Club Med, c’est moins cher. Je peux envisager de voir un match, à la limite, mais toute la compétition, comme j’aurais aimé, ce n’est pas possible. Si les prix ne bougent pas, je regarderai les matchs dans un bar à Mexico, tant pis. »

Si on ne se bat pas, ça risque d’être la même chose lors des prochaines éditions.

Timothée, supporter des Bleus

Coincée dans sa bulle, la FIFA a préféré communiquer sur les cinq millions de demandes de tickets enregistrées en 24 heures, en provenance de plus de 200 pays. La Fédération anglaise a assuré à ses supporters qu’elle ferait remonter leur inquiétude. Philippe Diallo aussi, lui qui a commenté le sujet samedi lors l’assemblée fédérale de la FFF : « Le football, c’est un sport populaire. Nous avons l’habitude d’accueillir tous les publics dans nos stades, de faire en sorte que l’argent ne soit pas un facteur discriminant pour l’accès au football. C’est pour ça que je relaierai cette préoccupation de nos supporters vis-à-vis de la FIFA. »

« On se félicite qu’il prenne le sujet au sérieux, c’est une bonne nouvelle, estime Guillaume Auprêtre. On ne peut pas laisser passer ça. Il faut aussi parler de l’accompagnement des personnes en fauteuil roulant. Habituellement, l’accompagnateur bénéficie d’un tarif réduit. Là, il paye plein pot comme n’importe quel autre supporter. Il faut que la FIFA s’explique. On sait qu’il y a peu de chances qu’on obtienne gain de cause, mais on se doit de porter cette voix. » Un combat déterminant pour que le football reste accessible au plus grand nombre. « Si on ne se bat pas, ça risque d’être la même chose lors des prochaines éditions, reprend Timothée. C’est peut-être le début de la fin en matière de prix… J’espère vivre ce rêve à fond, un jour, en économisant. Mais j’ai peur que ça devienne la norme. »

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Par Quentin Ballue

Tous propos recueillis par QB sauf mentions.

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