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  • Journée mondiale contre la douleur

Vous voulez un soin ?

Par Florian Cadu
6 minutes
Vous voulez un soin ?

Gattuso qui joue quarante minutes avec les ligaments du genou broyés, Beckenbauer qui termine une demi-finale avec l’épaule en vrac, Čech qui garde ses cages avec neuf doigts… Parfois, certains footballeurs oublient la douleur pour continuer à taper le ballon. D’où la question : ces joueurs sont-ils des surhommes ?

Décembre 2008. Gennaro Gattuso, alors patron de l’AC Milan, chute au sol lors d’une rencontre banale de Serie A contre Crotone. Le milieu se relève et repart manger de la cheville, terminant le match sans souci. Sauf que quelques jours plus tard, le staff médical fait passer des examens au joueur et annoncent la mauvaise nouvelle : victime d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit, Gattuso sera absent de nombreux mois. « Les médecins du club n’arrêtent pas de me demander comment j’ai pu jouer avec une rupture du ligament croisé, réagit-il sur Telelombardia. Ça ne fait pas si mal que ça et je ne crois pas vraiment que je me suis arraché quelque chose, même si c’est ce que montre le scanner. » Depuis, la question des médecins est restée en suspens. On connaît l’abnégation du bonhomme, mais de là à penser qu’il ne ressent rien, comme les personnes atteintes d’insensibilité congénitale à la douleur capables de placer leurs mains dans l’eau bouillante de vos pâtes en se marrant, c’est un peu gros.

Gattuso n’a pas à se plaindre…

Non, l’explication est ailleurs. Au vrai, Gattuso n’a pas tort quand il assure que ça ne fait pas si mal que ça. « En fait, le ligament croisé ne possède pas beaucoup de récepteurs à la douleur. Il est beaucoup plus riche en capteurs proprioceptifs qui sont essentiels à notre équilibre, éclaire Erwan Lucas, kinésithérapeute et diplômé d’une formation sur la prise en charge du sportif. S’il y a une atteinte simple du ligament et que rien n’est touché autour, la douleur perçue n’est pas énorme. Le joueur n’est donc pas forcément conscient qu’il est blessé. Il sent que quelque chose ne va pas, que ses muscles de la cuisse répondent mal, mais ce n’est pas forcément une sensation de douleur. Regarde Nabil Fekir, quand il se blesse avec l’équipe de France, il ne comprend pas ce qu’il a et il réessaye. » Voilà pourquoi Gattuso ne peut finalement pas trop se vanter d’être resté sur le terrain avec son petit problème.

… et aurait peut-être dû réfléchir

Surtout que cela peut s’avérer dangereux, toujours selon le kiné : « Le mec peut continuer à jouer, mais risque de s’exploser le genou, qui n’est plus stable, sur un geste anodin. Au risque de s’écrouler comme une vieille crotte sans qu’il ne comprenne pourquoi. » Si le spécialiste est un peu dur dans ses propos, c’est parce que les footeux n’en font parfois qu’à leur tête devant l’avis du médecin : « Franchement, c’est compliqué de faire comprendre à certains simplets qu’absence de douleur ne veut pas dire absence de blessure. Dans le cas de Gattuso, il y a deux situations possibles. Soit le médecin n’a pas pu diagnostiquer la rupture du ligament sur l’action parce qu’à chaud, le test est compliqué à réaliser sur des cuisses de mammouth. Soit le médecin lui a dit qu’il y avait un problème et qu’il ferait mieux de sortir, mais le joueur ne l’a pas écouté. Dans ce dernier cas, à mon humble avis, Gattuso n’est pas franchement courageux, il a juste un QI de mouche. »

Ronaldo est un escroc

Ok pour l’épisode Gattuso. Maintenant, comment expliquer que Mohammed Ali Khan, outre son nom qui l’oblige à refuser le statut de victime, ait pu jouer quelques minutes avec une fracture du péroné ? Ou que Lionel Messi puisse supporter une douleur sur un terrain durant plusieurs semaines ? Au-delà des substances médicamenteuses qui shuntent le mécanisme de la douleur, notre mental tient un rôle important. « Le joueur est tellement focalisé sur son match que l’influx douloureux perçu est ressenti comme moindre, car traité par le cerveau de façon « auxiliaire », expose Romain Daniel, infirmier libéral spécialisé dans la douleur. Pour faire simple, le cerveau ne peut pas traiter toutes les infos en même temps et fixe des priorités. En schématisant à l’extrême, on se met en mode reptilien, en mode survie, et on ne pense plus à la douleur. La douleur est censée nous protéger, mais dans des conditions « extrêmes », on l’oublie. » En d’autres termes, si Cristiano Ronaldo s’était véritablement concentré sur sa finale à l’Euro 2016 et pensait un peu moins à sa petite personne, il aurait continué et ne se serait pas déguisé en entraîneur.

Bernard Lama avait tout compris

Autre aspect à prendre en compte : la production d’hormones. Lorsque N’Golo Kanté joue au football, il est tellement heureux qu’il synthétise énormément de molécules de bonheur. Comme tous ses confrères. Des molécules qui diminuent la sensation de douleur. Romain : « Ces hormones, les endorphines, sont sécrétées en nombre lors de l’activité physique et ont un pouvoir anesthésiants. Elles se fixent sur les récepteurs du cerveau dédiés à la douleur et bloquent donc cette dernière. À titre de comparaison, on synthétise aussi des endorphines quand on fume un joint. C’est pourquoi, dans certains pays, le cannabis est utilisé comme un traitement anti-douleur assez puissant. » De là à croire que Bernard Lama aurait pu rester sur la pelouse lorsqu’il se broie le genou en arrêtant un penalty contre Cannes en septembre 1996 ? Pas forcément puisqu’au fur et à mesure, les messages de douleur se multiplient et arrivent tout de même à réveiller la conscience. Et ce, même si la personne concernée vient de taper une douille.

Pepe le loser, Čech number one

D’autre part, tout le monde n’est pas égal face à la douleur. « Certains sont plus résistants, note l’infirmier. C’est génétique, tu n’as pas le même nombre et le même type de fibres nerveuses que moi, par exemple. » Pepe n’est donc pas un simulateur invétéré, mais seulement un homme qui n’a pas été gâté par son patrimoine génétique. Ce qui est sûr, c’est que n’importe quel joueur blessé connaît, à un moment ou un autre, l’instant où il devient tout blanc et gémit de douleur. « Il y a des sportifs qui vont se péter la cheville et ne pas franchement le sentir de suite. En revanche, une fois à froid, ils douillent à mort. Dès qu’ils s’arrêtent, ils ne sont plus soumis à cette production d’hormones due à l’exercice physique. Du coup, le cerveau reçoit de nouveau les messages de douleur et le blessé a mal. De plus, en levant l’attention sur le match, le signal douloureux sera perçu comme principal. »

L’un des héros toutes blessures confondues reste en tout cas Petr Čech. En jouant plusieurs matchs avec un doigt pété, le portier a fait fort. Car d’après Romain Daniel, « le cerveau a moins de sensibilité pour la partie basse du corps que pour les mains ou la tête. En gros, théoriquement, si tu te casses le pouce, tu le ressentiras plus que si tu te casses l’orteil. » Franz Beckenbauer et son bras en écharpe peuvent aller se rhabiller.

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Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki
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Par Florian Cadu

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