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Totò Schillaci, pour une nuit éternelle

Par Eric Maggiori

Il a été le héros de l’Italie lors de l’été 1990. Salvatore Schillaci, dit Totò, est décédé ce mercredi 18 septembre d’un cancer du côlon. Meilleur buteur du Mondial 1990, il connut une ascension fulgurante, et une carrière atypique.

Totò Schillaci, pour une nuit éternelle

Si vous dites Totò Schillaci à n’importe quel Italien de plus de 30 ans, il vous répondra les mêmes mots : « Notti magiche. » Nuits magiques. En juin 1990, l’Italie accueille le Mondial pour la deuxième fois de son histoire. Avec ses artistes Roberto Baggio, Roberto Mancini et Gianluca Vialli, elle fait partie des favoris. Et pourtant, pendant ce mois de compétition, ce ne sont pas les fuoriclasse qui vont faire vibrer l’Italie. C’est un attaquant de 25 ans, numéro 19 sur les épaules. Salvatore Schillaci. Mais personne ne l’appelle Salvatore, pour tous les Italiens, c’est Totò. Il est la surprise du chef d’Azeglio Vicini, qui le convoque pour le Mondial, alors que le nouvel attaquant de la Juve ne compte qu’une seule sélection et à peine 30 matchs de Serie A dans les pattes. Le 9 juin, lors de son entrée en lice dans son Mondial, l’Italie bute sur une Autriche qui tente de la prendre à son propre jeu. 0-0. À la 75e minute, Vicini décide de faire entrer Schillaci. Trois minutes plus tard, sur un centre de Vialli, il catapulte le ballon de la tête sous la barre et fait chavirer le stadio Olimpico. La Nazionale s’impose 1-0. C’est le début des Nuits magiques.

« Dans une autre vie, j’aurais été mécanicien »

La suite est un conte de fées pour Schillaci. Sceptiques quant à sa présence quelques jours plus tôt, les Italiens s’amourachent d’un footballeur qui, finalement, leur ressemble. Totò n’a pas la grâce de Mancini ou la beauté de Maldini. Il a un début de calvitie à 25 ans, ses gestes ne sont pas très élégants, il avance plutôt la tête dans le guidon quand ses talentueux coéquipiers ont le menton levé. « Dans une autre vie, j’aurais été mécanicien », a-t-il toujours dit, lui qui a grandi dans la pauvreté du quartier San Giovanni Apostolo de Palerme. Le football l’a, en quelque sorte, empêché de prendre des mauvais chemins et lui a « évité les problèmes ». Totò avait la dalle. La dalle de jouer au foot, la dalle de s’en sortir. Son maestro à Messine, Franco Scoglio, disait de lui qu’il avait « une envie de marquer des buts qu’il n’avait jamais vue chez personne d’autre ».

J’aime à croire que quelqu’un, là-haut, avait décidé que Totò Schillaci devait devenir le héros d’Italia ’90. Dommage que ce quelqu’un se soit ensuite déconcentré lors de la demi-finale contre l’Argentine.

Toto Schillaci, lui-même

À Messine, justement, Schillaci gravit les divisions. À coups de buts, il participe grandement à l’ascension de son équipe, qui passe en quatre ans de la Serie C2 à la Serie B. Et c’est justement en Serie B que tout s’emballe : Totò plante 23 buts lors de l’exercice 1988-1989 et termine meilleur buteur du championnat. Il tape dans l’œil des dirigeants de la Juventus, qui le recrutent pour 6 milliards de lires, l’équivalent de 3 millions d’euros.

À Turin, le Sicilien ne met pas bien longtemps à se faire accepter par ses nouveaux tifosi : dès sa première saison, il plante 15 buts en Serie A, et termine 4e meilleur buteur derrière Marco van Basten, Roberto Baggio et Diego Maradona… Rien que ça. Sa belle saison turinoise, ponctuée par un doublé Coupe UEFA-Coupe d’Italie, convainc donc Azeglio Vicini de l’embarquer pour le Mondial à la maison. Le début d’un été qui va définitivement changer sa vie.

Le refrain ? 1-0, but de Schillaci

Retour, donc, au mois de juin 1990. Malgré son but libérateur lors de la première journée, Schillaci est à nouveau laissé sur le banc lors du deuxième match contre les États-Unis. L’Italie s’impose 1-0 et assure déjà sa qualification. Lors du troisième match, il est titularisé, et marque dès la 9e minute. La Totò-mania est lancée, et l’Italie réclame sa titularisation pour le huitième de finale face à l’Uruguay. Vicini craque. Schillaci est titulaire et, devinez quoi, c’est lui qui ouvre le score à l’heure de jeu, encore. Ses bras levés dans le ciel de Rome et ses gestes bringuebalants après chaque but deviennent le symbole d’un espoir. Lors de ces chaudes nuits estivales, emportée par la passion du ballon, la Botte n’a plus qu’un surnom à la bouche : Totò. Cette Italie qui ne prend pas de but (Zenga-Bergomi-Baresi-Maldini), et qui finit toujours par débloquer la situation par le même homme. Le schéma se reproduit encore en quarts de finale, face à l’Irlande. 1-0, but de Schillaci. Un but de renard, comme souvent.

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Ça y est, l’Italie tout entière y croit. La quatrième étoile n’est plus qu’à deux matchs. En demi-finales se dresse l’Argentine de Maradona. Pour la première fois depuis le début de la compétition, l’Italie ne joue pas à Rome, mais à Naples, le fief de Diego. Le public napolitain est divisé. D’un côté, Diego, de l’autre Totò. Schillaci inscrit son cinquième but de la compétition, mais après 517 minutes d’invincibilité dans la compétition, la Nazionale encaisse son premier but, signé Caniggia. Elle s’incline aux tirs au but, et dit adieu à son rêve. « J’aime à croire que quelqu’un, là-haut, avait décidé que Totò Schillaci devait devenir le héros d’Italia ’90. Dommage que ce quelqu’un se soit ensuite déconcentré lors de la demi-finale contre l’Argentine. »

Quatre jours plus tard, à Bari, Schillaci a encore le temps d’inscrire son sixième but lors de la petite finale contre l’Angleterre, remportée 2-1. Il termine meilleur buteur du tournoi, 6 buts, comme Paolo Rossi en 1982, et en est même élu meilleur joueur du tournoi. Mais contrairement à Pablito, il ne terminera que deuxième du Ballon d’or, derrière Lothar Matthäus.

L’homme d’un été

Les Nuits magiques prennent donc fin, et, mystiquement, la magie qui accompagne Totò Schillaci aussi. Lors de la saison qui suit, il ne marque que 5 buts, et plusieurs affaires viennent entacher sa carrière. D’abord une embrouille sur le terrain avec le joueur de Bologne Fabio Poli, terminée par une menace, « je vais te faire assassiner », qui ternira clairement son image. Puis une embrouille bête avec Roberto Baggio, idole du peuple, et enfin la médiatique rupture avec sa femme Rita. Schillaci connaît sa dernière sélection avec l’Italie en septembre 1991, et quitte la Juve à l’été 1992. Après un passage express à l’Inter, il file au Japon, au Júbilo Iwata, où il sera accueilli en roi. « Totò-san » retrouve ses sensations, plante 56 buts en 78 matchs. Pas suffisant, toutefois, pour que Sacchi ne daigne lui redonner sa chance. Totò restera éternellement l’homme de 1990, l’homme d’un été, l’homme d’un rêve dont les Italiens se souviennent avec nostalgie et émotion.

Son après-carrière sera à l’image de sa vie : un peu chaotique. Schillaci n’a jamais souhaité devenir entraîneur, il préférait gérer une école de football à Palerme pour aider les enfants des quartiers sensibles. Il s’est également brièvement engagé en politique pour le parti Forza Italia de Berlusconi, et a participé à la téléréalité L’Isola dei Famosi. Récemment, il avait également participé à la version italienne de Pékin Express.

En 2022, on lui détecte une tumeur au côlon. Il subit une opération chirurgicale puis se soumet à une chimiothérapie. Tout s’était bien passé, il semblait tiré d’affaire. Mais à l’été 2024, le cancer fait son retour. Et cette fois-ci, il est dévastateur, sans pitié. Le 8 septembre, Totò est hospitalisé en pneumologie à Palerme. C’est grave. Toute l’Italie s’émeut et envoie une onde d’amour à son champion. Ce 18 septembre, la terrible nouvelle tombe : Totò s’en est allé. Quelques mois après Vialli, l’Italie perd un autre de ses héros de 1990. Les nuits étaient magiques, elles sont désormais éternelles.

Dans cet article :
Totó Schillaci hospitalisé dans un état grave
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Par Eric Maggiori

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