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Reims, un modèle de gâchis
Il faut « revenir à la primeur du foot, retrouver un état d’esprit et du jeu ». La formule est lâchée, presque dans un souffle, par Samba Diawara, l’entraîneur intérimaire du Stade de Reims. Elle résume à elle seule le naufrage d’un club qui a vu sa saison virer au cauchemar en l’espace de quelques mois. La finale de Coupe de France, si longtemps fantasmée, n’est plus qu’une virgule entre deux matchs couperets face à Metz pour sauver ce qui peut encore l’être : sa place en Ligue 1.

« Nos adversaires directs ont fait le travail, pas nous. On a mérité de se retrouver dans cette situation. » Pour Samba Diawara, il n’y a pas de surprise : cette place en barrage au soir de la 34e journée est la conséquence logique d’une lente dérive. Le mal rémois ne date pas d’hier ni du dernier week-end. En réalité, cela fait depuis novembre que la maison tangue. Une crise sportive qui s’est concrétisée avec le limogeage de Luka Elsner début février, six mois seulement après son arrivée. L’ancien entraîneur du Havre payait alors des résultats décevants et une ultime défaite à domicile contre Nantes, mais aussi un vestiaire de moins en moins uni derrière son coach.
Pour le remplacer, pas de révolution : Samba Diawara, adjoint déjà présent sous Will Still, a repris le flambeau. Il avait déjà assuré l’intérim la saison passée, pour un bilan correct (deux victoires et un nul en trois matchs), mais cette fois, la mission était d’une tout autre envergure. Quand il prend les commandes à reculons, Reims est 13e avec quatre points d’avance sur la zone rouge. Moins de quatre mois plus tard, le club n’a pris que 11 points en 14 journées et se retrouve à la frontière entre l’élite et la Ligue 2, où le club champenois n’a plus mis les pieds depuis 2017-2018. Entre désillusions et naufrages collectifs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : trois victoires, deux nuls et surtout neuf défaites. Un bilan terriblement prévisible.
Une Coupe de France pour masquer le désastre
Pourtant, dans ce marasme, Reims s’est trouvé une échappatoire : la Coupe de France. Un parcours presque irréel, tant il contraste avec la Ligue 1. Mutzig, Monaco, Bourgoin-Jallieu, Angers, Cannes… Reims a su se frayer un chemin jusqu’au Stade de France. Mais à y regarder de plus près, ce conte de fées est bancal : cinq victoires dont trois aux tirs au but, des matchs poussifs, des adversaires souvent inférieurs (voire amateurs), et une dépendance permanente à ses gardiens Alexandre Oliero (face à Bourgoin-Jallieu) et Yehvann Diouf.
Contre Monaco, l’équipe s’est fait rejoindre à la 70e et a serré les fesses. Face à Angers, même scénario. Et contre Cannes, pensionnaire de National 2, les Rémois ont laissé la possession, concédé 17 tirs et n’ont dû leur salut qu’à un éclair de Teddy Teuma. Teuma, capitaine… envoyé en vacances prématurément avant les matchs les plus importants de la saison car considéré comme un joueur qui tire vers le bas le collectif.
— Alexandre AUDABRAM (@AlAudabram) May 18, 2025
Pour Jean-Pierre Caillot, président du club, cette finale représentait pourtant un rêve éveillé. « On a fermé des bouches », clamait-il après la qualification en finale, fier d’une équipe qui, selon lui, allait au-delà des attentes. Lui qui avait promis de se rendre au Stade de France à vélo a depuis annulé son périple. Car désormais, la finale n’est plus la fête qu’elle devait être : elle est reléguée en arrière-plan, coincée entre deux matchs cruciaux pour le maintien. Un match de gala devenu fardeau.
De l’aveuglement au retour sur terre
La dégringolade de Reims trouve aussi ses racines dans une forme d’aveuglement collectif. Début de saison convaincant (4e à la 7e journée), budget confortable (8e de Ligue 1), ambition européenne espérée : le maintien semblait acquis d’office. Une certitude qui aura été fatale quelques mois plus tard. Car pendant que Le Havre, avec deux fois moins de budget, se battait jusqu’à la dernière minute, Reims avançait comme si tout allait bien. Comme si faire nul contre Montpellier en marchant ne coûtait rien. Comme si le maintien viendrait tout seul.
On a eu face à nous des morts-vivants.
Dans cette tempête, un homme surnage : Yehvann Diouf. Que ce soit face à Lens (il réalise 14 arrêts, un record), ou les autres matchs, c’est toujours lui qui maintient Reims à flot. Un symbole criant d’une équipe trop souvent inoffensive et désorganisée. Le jeu, lui, a disparu. « On ne peut pas faire les difficiles, on prend les points et on avance », répétait Diawara il y a quelques semaines. Une philosophie minimaliste qui a permis de glaner quelques succès chanceux : Toulouse à dix, Lens sans inspiration, Marseille à côté de la plaque… mais qui a surtout précipité la chute. Reims ne propose plus rien. Laisse le ballon, subit, espère un éclair. Contre Metz et encore plus Paris, cela risque de ne pas suffire.
Ce samedi soir, après l’annonce officielle du barrage, les joueurs sont rentrés tête basse au centre d’entraînement. Une cinquantaine de supporters les y attendaient, espérant un mot, un signe. « Mais on a eu face à nous des morts-vivants, confie Matteo, 22 ans, présent sur place. Les joueurs sont arrivés aux alentours de 2 heures du matin au centre de vie. On a dû les appeler plusieurs fois pour qu’ils viennent nous parler. Finalement, c’est le coach Diawara, Diouf et Siebatcheu qui sont venus, laissant tous les autres derrière, toujours la tête basse. Le capo était là aussi, il a pris la parole pour essayer de les encourager, leur disant qu’ils avaient quand même gâché une fin de saison qui aurait dû être une fête. »
Le fan rémois retient une scène, pour illustrer l’état de ce Stade de Reims, attendu à Saint-Symphorien ce mercredi soir pour le barrage aller de la peur : « À un moment, le capo se tourne vers nous, les supporters, et lance : “Bon les gars, les Messins on va les éliminer, non ?” Tout le monde a répondu oui en chœur, avec envie et hargne. Puis, il se retourne vers les joueurs et pose la même question. Là, c’est le silence total. Un gros blanc. Têtes baissées. Aucun son. » En l’espace de quelques mois, Reims a vu fondre ses espoirs de fin de saison tranquille, s’est mis en danger à force de ne pas regarder en face la réalité de la Ligue 1. Et s’apprête à disputer une finale de Coupe de France sans illusion, entre deux matchs où se jouera sa survie. Le feu d’artifice a viré au cauchemar. Alors le club va devoir retrouver ce qu’il a perdu : du jeu, de la lucidité, et surtout un état d’esprit. Dans dix jours, il sera trop tard.
Metz et Reims remettent ça à plus tardPar Célien Vauthier