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Le Stade de Reims nage en plein paradoxe
Le Stade de Reims s’apprête à disputer, ce mercredi à 21h, une demi-finale de Coupe de France face au petit Poucet de la compétition, l’AS Cannes. Avec une position de favori, dans une saison pourtant très compliquée.

Une demi-finale de Coupe de France, la première depuis 1988, même face à un pensionnaire de National 2, forcément ça a tout d’un rendez-vous historique. Et ça a encore plus de saveur quand elle intervient au milieu d’une saison pourtant désastreuse. En effet, si le Stade de Reims aborde ce match en position de favori, il reste aussi une équipe en plein doute, en quête de maintien en Ligue 1 après une série noire de 15 matchs sans victoire, brisée seulement samedi dernier contre Marseille (3-1).
Le modèle Caillot en bout de course
Au centre de cette situation paradoxale, un homme : Jean-Pierre Caillot. Le président rémois vit une saison particulière, tiraillé entre des ambitions qu’il n’a jamais cachées et une réalité bien plus compliquée. « Depuis plus de 20 ans, je n’ai qu’un rêve : qu’on fasse un jour une finale ! », confiait le PDG des Transports Caillot après la qualification en demi-finales. Son vœu pourrait enfin se réaliser, mais il arrive au moment où sa gestion, autrefois louée, est aujourd’hui critiquée de toutes parts.
Depuis plus de 20 ans, je n’ai qu’un rêve : qu’on fasse un jour une finale !
Longtemps perçu comme un président à la gestion rigoureuse, Caillot a vu son modèle vaciller ces derniers mois. Le Stade de Reims était l’un des bons élèves de Ligue 1, avec une stratégie basée sur la formation, la post-formation et la revente de joueurs à forte valeur ajoutée. Hugo Ekitike, Axel Disasi, Marshall Munetsi ou encore Emmanuel Agbadou ont tous permis de belles plus-values. Mais à quel prix ? Aujourd’hui, la machine semble grippée. Reims ne vend plus par choix, mais par obligation.
Selon RMC, près de 50% des revenus du club proviennent des droits TV, une manne financière que Caillot pensait voir augmenter… avant que la réalité ne le rattrape. En misant sur une explosion des revenus audiovisuels promise par son grand copain Labrune, le président du collège de Ligue 1 a pris des risques : la masse salariale a bondi de 27 à 57 millions d’euros en deux ans. Une double casquette bien lourde à porter pour « Jean-Bière », surtout depuis que les masques sont tombés avec la fuite de la visio entre dirigeants sur le sujet du diffuseur et quand on voit à quel point ce coup de poker s’est avéré perdant.
Et pour cause : aux problèmes de trésorerie s’est adjointe une crise sportive, qui a conduit au limogeage de Luka Elsner début février. Pour tenter d’éteindre l’incendie, c’est Samba Diawara, adjoint d’abord de Will Still puis d’Elsner, qui a été propulsé sur le banc. Un choix par défaut, assumé à demi-mot par l’intéressé : « Je n’ai jamais demandé à être dans cette position-là. Je le fais parce que c’est mon travail. » Quelques jours plus tard, il était confirmé comme entraîneur principal jusqu’à la fin de la saison… sans posséder les diplômes requis, ce qui oblige le club à payer une amende de 25 000 euros à chaque match. Une anomalie de plus dans une saison déjà bien chaotique. Malgré cette instabilité et cette lutte pour le maintien (les Rouge et Blanc pointent à deux points de la place de barragiste), Reims a tenu bon en Coupe. Trois qualifications arrachées aux tirs au but contre Monaco, Bourgoin-Jallieu et Angers ont prouvé que cette équipe, aussi fébrile en championnat soit-elle, savait aussi faire preuve de caractère. Une forme de rédemption, ne serait-ce que momentanée.
Une fracture avec les supporters mise de côté ?
D’autant plus que, depuis plusieurs semaines, la gronde se fait entendre en tribunes. Messages affichés au centre d’entraînement ou lors des matchs, départs précipités en tribunes comme lors de Reims-Auxerre… Le divorce avec les supporters semble consommé. « Il sait qu’on n’aime pas sa manière de gérer le club et que le trading n’est pas la solution. La preuve, cette saison, on perd tous nos cadres et on se retrouve avec une équipe sans repères ni leader », confie un ultra rémois. Mais pour une soirée, tout ce contexte explosif pourrait être mis entre parenthèses. Le parcage visiteurs sera bien rempli malgré les plus de 8 heures de route et un match en pleine semaine. Même le prix exorbitant des places (40 euros) imposé par Cannes n’a pas freiné l’enthousiasme. Le club rémois a choisi d’offrir le déplacement en bus à ses supporters et, en collaboration avec la ville, une fan zone avec écran géant sera installée à Reims. Les supporters ne vont tout de même pas louper l’un des moments forts de ce siècle à cause d’un dirigeant aux choix douteux.
Dans ce climat chargé d’émotions, la pression est palpable. Lors de la conférence de presse d’avant-match ce mardi, Samba Diawara est apparu détendu, mais l’entourage du club n’a pas su cacher l’enjeu immense. Tous ont conscience que cette opportunité d’atteindre une finale ne se représentera peut-être pas de sitôt. Le Stade de Reims est à 90 minutes d’un exploit. À 90 minutes du rêve de Jean-Pierre Caillot. À 90 minutes de retrouver au Stade de France le PSG de son ami Nasser al-Khelaïfi. Mais aussi à 90 minutes d’un désastre, si jamais cette équipe en difficulté venait à se faire surprendre par un club de National 2. Dans une saison où tout semble si fragile, cette demi-finale sera bien plus qu’un simple match. Ce sera un tournant, tant pour l’avenir de l’équipe que pour la crédibilité de son président.
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