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Arnaud Balijon : « À mes débuts, on tirait les 6 mètres et c’est tout »

Par Ulysse Llamas
8 minutes

Arnaud Balijon a rangé les gants à 41 ans, après avoir connu dix clubs professionnels, 500 matchs et trois des prochains demi-finalistes de la Coupe de France. Un parcours qui valait bien la peine de ranger son violon.

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Tu as pris ta retraite début mars, tu fais quoi de tes journées ? 

Le temps de me réinstaller en famille, d’effectuer les démarches pour les factures, la mutuelle, ça m’occupe déjà beaucoup. On ne fait pas gaffe quand on est professionnel, mais c’est du sport. Je m’occupe de mes enfants, je prends un peu de temps pour moi, je fais du sport. Je vais aussi voir beaucoup de matchs à Lille, à Dunkerque, à Valenciennes, au Red Star… Puis je travaille depuis cinq ans sur la data. J’ai beaucoup de visios pour peaufiner ce projet. J’aimerais aussi faire un master à l’université de Lille, donc je finalise les inscriptions en ce moment.

Pourquoi faire un master ? 

Il me permettrait de me structurer, de développer l’aspect théorie, autour du marketing dans l’animation sportive. C’est aussi personnel. J’ai eu une longue carrière, ça serait un diplôme pour me structurer, m’instruire.

Tu faisais déjà tes études quand tu as commencé ta carrière…

Ouais, c’était marrant, mais ça remonte… Ça a forgé ma jeunesse. Je suis parti de chez moi, j’avais ma piaule universitaire, j’allais jouer avec l’équipe 3 de Reims le dimanche matin. Je faisais des semaines de fou : je m’entraînais avec la réserve, j’allais à la fac, je faisais du sport à la fac et je ne voyais pas le jour. Mais c’étaient les meilleures années, même si je ne gagnais pas un radis !

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Comment étaient tes journées ? 

J’avais de la chance que la fac de STAPS soit collée au centre d’entraînement. J’allais en cours magistral à 8 heures, j’avais entraînement à 9 heures, donc je demandais à quelqu’un qu’il me prenne la deuxième heure du CM pour aller à l’entraînement. Je mangeais au restaurant universitaire, puis je faisais mes courses en début d’après-midi. Je faisais ensuite du sport à la fac. Du judo, de la natation… Le pire, c’est l’escalade. Quand t’en fais deux heures, tes bras sont tétanisés. Le soir à l’entraînement, je ne levais même plus mes bras pour aller chercher les ballons. T’es à la petite cuillère, mais tu dois jouer en Ligue 2 contre Emmanuel Adebayor et Mamadou Niang ! Mon plaisir de la semaine, c’était le samedi. Le matin, j’allais faire ma lessive à la laverie. L’après-midi, j’allais dans un bar, je m’achetais un petit paquet de cacahuètes grillées pas chères, et je matais les matchs. Puis Reims a fini par me dire qu’il fallait peut être arrêter la fac. C’est sûr que c’était à l’ancienne. Aujourd’hui, on calibre les entraînements.

J’étais doué au violon, alors qu’il n’y avait aucun musicien dans ma famille, par l’école. Ma vie, ça a été les mains.

Arnaud Balijon

La légende raconte que tu as aussi fait du violon, c’est vrai ? 

Ouais, c’était mon petit truc secret. J’avais une certaine aisance dans la musique. Je devais rentrer au conservatoire de Lille, mais j’ai choisi le foot. J’ai arrêté à 11-12 ans, quand je suis entré en centre de préformation. J’étais doué, alors qu’il n’y avait aucun musicien dans ma famille, par l’école. Ma vie, ça a été les mains.

Tu y joues encore ? 

Non, je le regrette. Peut-être que je m’y remettrai. J’ai encore en mémoire des parties de morceaux que je jouais. De la musique classique, mais des morceaux très costauds techniquement. Je jouais sur deux cordes, la position des mains, des trucs qui se font à un haut niveau. Mais il faut s’entraîner, c’est super dur. J’aurais du mal s’il faut jouer trois notes en même temps.

Tu dirais que ça t’a servi pour être footballeur professionnel ?

Pour la prise d’information et la concentration, oui ça m’a aidé, mais sur les mains et les doigts non. Le violon, c’est de la vitesse gestuelle avec les doigts, alors qu’au foot, il faut de la fermeté. Au foot, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Au violon, je pense aussi !

Tu as choisi le football et une grosse carrière de Ligue 2. Tu joues presque 500 matchs professionnels… 

J’ai passé treize ans seulement dans deux clubs : six à Reims et sept à Laval. Je marque un peu deux époques : jeune, je suis présélectionné en Espoirs avec Reims. Si ça avait été en 2025, j’aurais signé un joli contrat de cinq ans dans un club. Je me retrouve ensuite à Laval. Je fais des bonnes saisons, je passe des bons moments. Ensuite, j’ai la bougeotte : Istres, Orléans, le Red Star… Et la fin, c’est magnifique : Le Havre avec des barrages pour monter en Ligue 1, trois ans à Bastia-Borgo en Corse, magnifique, puis à Dunkerque pour me rapprocher de ma famille et encadrer des jeunes. Et à 41 ans je monte en Ligue 2 ! La saison est folle : on démarre très mal. On fait un maintien historique, après 13 points à la trêve. Un truc a beaucoup changé pour nous, les gardiens, c’est le jeu au pied. À mes débuts, on tirait les 6 mètres et c’est tout.

 

Pour Ouest-France en 2013, tu racontais que tu lisais aussi Le Canard enchaîné.

Ça remonte ! Je le lis beaucoup moins maintenant qu’il y a dix ans. Avec l’arrivée des enfants, j’ai moins le temps, ça me chagrine un peu. J’aimais beaucoup leurs dessins.

Tu as laissé tomber la lecture ? 

Non, je lis beaucoup de bouquins autour du foot, même si ce n’est pas de la philo. Le dernier en date, c’est La Pyramide inversée, mais je lis aussi des bouquins en anglais sur l’utilisation de la data, ou Soccernomics. Je m’étais aussi tapé des livres sur des coachs, par exemple Ancelotti. J’ai aussi lu celui de Rudi Garcia (Tous les chemins mènent à Rome, NDLR). Il y a une anecdote, quand j’étais à Reims et qu’il coachait Dijon. Le coach m’avait sorti juste avant une séance de tirs au but, on avait perdu les pénos. Le coup de poker raté !

C’est facile de voir que Kylian Mbappé est exceptionnel, mais certains joueurs sont très mal jugés. J’ai croisé des joueurs forts sans allure que les clubs ne voulaient pas.

Arnaud Balijon

Revenons sur ton projet de reconversion… C’est quoi ? 

J’étais branché sur le recrutement. Quand je jouais avec des bons joueurs, j’aimais parler d’eux à des coachs ou des dirigeants. Avec l’âge, on est encore plus dans l’analyse, et ça m’a poussé à faire un constat : dans le foot, les décideurs ne voient pas tout. C’est facile de voir que Kylian Mbappé est exceptionnel, mais certains joueurs sont très mal jugés. J’ai croisé des joueurs forts sans allure que les clubs ne voulaient pas. Donc j’essaye de lier mon expérience et mes connaissances en fonctionnement de clubs avec l’utilisation de la data, notamment avec StatsBomb, une plateforme anglaise de données. Je ne suis pas un data scientist, mais un data analyst. Un traducteur de données sur le football.

Tu penses à des joueurs que tu aurais recrutés avec ta patte ? 

Certains ont mis trop de temps à être pros. J’ai joué avec Jérôme Hergault au Red Star, c’est l’exemple type : l’anti-pro par excellence, sans teinture ni straps au poignet, et pourtant très bon… Un mec comme Xavier Chavalerin pareil, je tannais les clubs pour le prendre. Une fois en Ligue 1, il a performé.

Tu es forcément un spécialiste de la Ligue 2 ?  

Les clubs aux moyens surdimensionnés, comme Paris ou Monaco, sont moins intéressants. Ça a plus de sens pour moi de bosser dans un club de Ligue 1 ou de Ligue 2. Et puis il y a un peu d’économie : les joueurs niches, que les gens ne voient pas, coûtent moins chers.

Tu trouves que les clubs français ne travaillent pas assez cet aspect ?

La data est déjà bien arrivée dans le foot, attention, mais son utilisation n’est encore pas optimale. Le but de la data, c’est de surperformer. Aujourd’hui dans le foot, un classement final est un classement de budgets, à peu de choses près.

Dunkerque, un de tes anciens clubs, est un exemple ?  

Déjà, les dirigeants connaissent le foot. Ils ont des idées et travaillent. C’est la base, mais beaucoup oublient. Il y a beaucoup de compétences au sein du club. Dunkerque avait beaucoup de retard dans le monde pro et est encore en construction, mais tout va dans le bon sens. Après, sur le sportif, pour moi la réussite majeure du club est le coach, Luis Castro. On est sur un phénomène. Pour moi, il a 15 ans d’avance.

Pourquoi ? 

C’est un coach qui arrive à surperformer. La force collective de l’équipe devient telle que les joueurs sont tous meilleurs. Attention, je ne dis pas que les joueurs de Dunkerque ne sont pas bons, mais la force collective est impressionnante. Le milieu de terrain avec Raghouber, Bardeli et Skyttä est très fort. Eux peuvent aller au-dessus.

Cannes, autre club en demi-finales que tu as côtoyé, est dans un autre contexte que Dunkerque…

C’est un club richissime, et le mot est faible. On est sur des propriétaires très costauds, dans une ville avec une belle histoire et un gros passif de club formateur. Tôt ou tard, on les verra au-dessus, si les propriétaires restent. Quand on a cinq fois plus de budget que les autres, on y arrive.

Tu sais pourquoi on te surnomme Baba ? 

Aujourd’hui, et ça fait pas longtemps que j’ai réalisé, mais quand on pense à Baba c’est moins bien, mais moi c’est resté parce qu’à Reims, David François m’amenait en voiture quand j’avais pas le permis, et m’appelait comme ça. Puis les jeunes m’appelaient comme ça, c’est un synonyme de « papa ».

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