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Le football doit-il vraiment s’inspirer de l’arbitrage du rugby ?

Par Félix Barbé
Le football doit-il vraiment s’inspirer de l’arbitrage du rugby ?

Alors que l’équipe de France de rugby se déplace ce dimanche en Écosse pour y disputer la quatrième journée du Tournoi des Six Nations, dans l’objectif de poursuivre sa quête de Grand Chelem, la différence de traitement de l’arbitre entre le football et le rugby n’a certainement jamais été aussi grande. Un problème apparu il y a longtemps déjà, qui persiste et s’amplifie même d’année en année. Le temps serait-il enfin venu pour le sport le plus populaire du monde de s’inspirer de son collègue du ballon ovale ?

Il y a une quinzaine de jours, l’équipe de France de rugby s’imposait à Cardiff face au pays de Galles (27-23), dans un match où les Bleus s’étaient vus refuser un essai pour un en-avant plus que douteux. Ce même essai que l’arbitre, M. Carley, accordait pourtant quelques instants plus tard aux locaux dans une action au moins tout aussi floue. Deux décisions qui n’avaient pourtant pas fait sourciller d’un millimètre les hommes de Fabien Galthié. Un contraste saisissant avec une scène qui se déroulait dans le même temps à près de 1 500 kilomètres du Millennium Stadium, où André Villas-Boas ne trouvait rien de mieux à faire que d’invectiver M. Miguelgorry et ses assistants dans les couloirs du stade Vélodrome, se plaignant d’un pseudo geste déloyal du Nantais Moses Simon sur Duje Ćaleta-Car. Un exemple criant de la différence de traitement de l’homme en noir entre les deux sports, qui ne date pas d’hier.

Un contexte économique du foot qui n’aide pas à prendre de lourdes sanctions

Depuis plusieurs dizaines d’années, l’arbitre de football connaît des difficultés pour se faire respecter. « Quand j’ai démarré l’arbitrage à la fin des années 1960, j’ai moi-même été insulté, chahuté et agressé. C’est une particularité du foot » , concède Joël Quiniou, qui a notamment arbitré la finale de la Coupe de l’UEFA 1991. Une singularité particulièrement visible sur les terrains amateurs, où de plus en plus d’arbitres sont fréquemment violentés. Le côté historiquement populaire du football fait évidemment partie des sources d’explication. Ce n’est pas la seule. « C’est une vraie question sociétale et philosophique générale de l’approche d’un sport, estime Saïd Ennjimi du haut de ses près de 400 matchs dirigés. Les parents emmènent leur enfant au rugby pour l’éthique, l’esprit et le jeu, alors qu’au foot, seule la culture du résultat prime sur tout le reste. » Pour commencer à remédier au problème, l’éducation dès le plus jeune âge au respect de l’arbitre, extrêmement ancrée dans le rugby, doit redevenir une priorité.

Pour ce faire, les sanctions prises à l’encontre des joueurs professionnels en cas de remise en cause claire des décisions de l’homme en noir, qui déteignent ensuite sur les jeunes et les clubs amateurs, pourraient notamment être alourdies.

On prend position très rapidement sur des comportements qui peuvent se généraliser, cela évite de mettre en danger tout le rugby au niveau national. C’est peut-être historiquement ce qui manque au foot.

En 2016, le rugbyman Silvère Tian, mécontent d’une décision, avait totalement dégoupillé, lançant à l’arbitre Romain Poite un « Tu fais chier ! Je vais te choper après, fils de p*** ! » Une scène captée par le micro que portait celui aujourd’hui considéré comme l’un des tout meilleurs arbitres de la planète, qui officiait d’ailleurs sur la touche lors de la finale du dernier Mondial. Pour ce comportement, l’arrière d’Oyonnax avait écopé de près d’un an et demi de suspension. Même si la sanction avait été réduite de quelques mois en appel, elle est le signe d’une vraie dureté des peines dans le monde de l’ovalie.

Poite l’explique : « Cet épisode avait choqué tout le monde. C’est quelque chose à quoi on n’avait jamais été confronté. À titre de valeur d’exemple, la Ligue s’était positionnée très durement vis-à-vis du joueur. On prend position très rapidement sur des comportements qui peuvent se généraliser, cela évite de mettre en danger tout le rugby au niveau national. C’est peut-être historiquement ce qui manque au foot. » Encore faut-il que le football, dont la portée économique est aujourd’hui beaucoup plus importante que dans le rugby, puisse prendre de telles décisions. Ennjimi détaille ce cercle vicieux dans lequel est entré le monde de l’arbitrage : « Les gens aiment venir voir Mbappé ou Neymar. Si l’un des deux prenait trois matchs ou plus de suspension, car il a mal parlé à l’arbitre, les autres y retourneraient moins souvent. Dans l’autre sens, si ces joueurs sont suspendus, ce sont des millions d’euros de perdus. Donc quand l’arbitre veut être plus dur en sortant des cartons comme le contexte général pourrait l’exiger, c’est lui qui se met à l’écart. » Éternel problème.

L’humain, problème majeur

Aux yeux du grand public, les deux sports se différencient également par l’écart de pédagogie et de dialogue qui apparaît entre les arbitres et les joueurs. Une nuance qui se justifie par un règlement beaucoup plus simple et clair dans le football, qui lui permet par ailleurs d’être pratiqué par le plus grand nombre. « Au vu de la complexité d’une mêlée, je peux comprendre que les joueurs aient besoin d’un éclairage en direct, souligne Quiniou. C’est pour ça qu’on voit un arbitre discuter. Dans le football, les règles sont assez claires en revanche, et ne donnent pas lieu à trop d’interprétations. » « Au rugby, il y a trois, quatre ou cinq façons de voir une faute, alors que dans le foot, le jeu est très simple : faute ou pas faute, c’est binaire, confirme Saïd Ennjimi. Quand c’est binaire, ça suscite énormément de contestations. » Des protestations de joueurs, d’entraîneurs, de dirigeants, et même (surtout) de supporters, amplifiées notamment par l’absence de micro sur l’arbitre, ou encore par l’interdiction de la Direction technique de l’arbitrage (DTA) de laisser l’un des siens s’exprimer dans les médias après un match pour expliquer une décision, là où les instances du ballon ovale laissent au contraire une relative liberté d’expression à leurs hommes.

Mais le retard le plus important pris par le football sur son compère réside certainement dans la simple relation humaine, symbolisée au rugby par le lien entre l’arbitre et le capitaine de chaque équipe : « On construit une relation privilégiée avec lui dès les vestiaires et on capitalise beaucoup dessus tout au long du match, puisqu’elle nous permet d’avoir un échange constant » , affirme Romain Poite. En dehors du capitaine, il est même de coutume de voir les arbitres sourire et blaguer avec les différents acteurs du match, pour maintenir une ambiance chaleureuse sur le pré. Des gestes de plus en plus rares dans le foot, où ce lien humain qui pouvait exister auparavant est désormais battu en brèche. « Nous avons besoin de moments d’échanges plus importants entre les clubs et les arbitres, pour récréer du liant, plaide Ennjimi. Si on se connaît davantage, on se respectera plus. Aujourd’hui, il n’y a plus de bienveillance, l’arbitre est devenu uniquement un robot, et il en souffre. Si ce lien n’est pas reconstruit, le problème ne va que s’amplifier dans le mauvais sens du terme. » Tous les intervenants sont pourtant unanimes : cet écart de traitement de l’arbitre entre ces deux sports amis peut encore être comblé. Par l’instigation de politiques fortes et plus poussées, d’abord. Par une prise de conscience générale des acteurs du foot, surtout.

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Par Félix Barbé

Tous propos recueillis par FB

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