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Hugo Capron : « Il ne faut pas attendre qu’il y ait un arbitre dans le coma pour se réveiller »
Willy Delajod, l’arbitre de la rencontre entre l’OM et le LOSC, n’est pas le seul homme en noir à avoir passé un sale week-end. Hugo Capron, arbitre amateur depuis 8 ans dans l’Artois, a lui aussi été confronté à des menaces. Il revient sur cet événement et donne sa vision sur la sécurité des arbitres en France.

Peux-tu nous raconter la situation que tu as vécue ce week-end et ce qui t’a poussé à exprimer ton ras-le-bol dans une lettre ouverte sur tes réseaux sociaux ?
Dimanche dernier, les leaders de D2 seniors affrontaient le troisième. Le match se déroulait normalement jusqu’au moment où j’ai décidé d’exclure deux joueurs : l’un pour avoir poussé le coach visiteur qui ne voulait pas lui rendre le ballon sur une touche, et l’autre (un joueur de l’équipe visiteuse, NDLR) pour avoir poussé un délégué bénévole. Peu après, j’avertis un autre joueur visiteur à la suite d’une faute incontestable. Pourtant il conteste et me dit « vous êtes nul », je décide donc de l’exclure. Le match prend fin, et l’un des coachs adjoints passe à côté de moi. Il me prend de haut. Il dit que « ce n’est pas possible d’être aussi mauvais », que j’ai « tué le match ». Je lui demande donc de se calmer et il me répond : « Je te parle calmement. Je te le dis car je peux t’insulter. Tu as été honteux. Tu as été nul. » Je décide de l’exclure. À ce moment surgit le coach principal qui retient son collègue qui s’approchait de manière véhémente et me dit : « De toute façon, t’inquiète pas, on va se retrouver. » S’ensuivent des supporters (de l’équipe extérieure) qui nous empêchent de sortir et nous insultent, dont un qui m’a dit : « T’as peur, tu sais que t’as été mauvais », avant de rajouter : « Je vais le frapper, ce connard, t’inquiète, je vais te retrouver, fils de pute, espèce de merdeux. » Le lendemain, j’ai appelé une personne de la commission des arbitres. Pour échanger sur les faits qui se sont passés.
C’est la première saison où j’ai pensé à arrêter, mais ce serait donner raison à ces personnes.
Quelle a été la suite des événements ?
Dans l’après-midi, j’ai tenté de déposer une plainte auprès du commissariat. Ils m’ont juste dit que, quand j’ai porté plainte, ils savaient déjà que ça n’allait pas aboutir à quelque chose et que je devrais songer à faire une pause pour ne pas affecter ma santé mentale. C’est la première saison où j’ai pensé à arrêter, mais ce serait donner raison à ces personnes. Ce n’est pas du tout le but. Cela fait huit ans que j’arbitre et je suis tellement passionné par ce que je fais que je n’ai pas envie d’arrêter. En revanche, j’ai un ami qui a arrêté. On avance avec les contestations, on a l’habitude. Mais après, c’est des insultes, c’est des coups, cela est inacceptable.
Est-ce que ton cas personnel est selon toi symptomatique des relations entre les arbitres et certains supporters ?
Nous, en tant qu’arbitres, on n’a pas forcément une relation à avoir entre les supporters. Parce qu’on est vraiment concentrés sur les joueurs et les dirigeants. Les supporters, on le voit, c’est de pire en pire, ils se permettent plus de choses qu’auparavant. Que ce soit dans le niveau amateur ou même chez les jeunes. Parfois, il y a des matchs qui vont très bien se passer, et il suffit que quelques supporters enveniment le match, et cela va avoir un impact sur l’entraîneur et les joueurs, et donc sur notre arbitrage.
S’attaquer à un arbitre, c’est comme si on s’attaquait à un policier finalement.
Selon toi, les arbitres amateurs reçoivent-ils suffisamment de soutien ou de protection ?
Auprès de mon district, je sais qu’ils font le maximum, il y a énormément de sensibilisation. Il y en a d’autres qui ont instauré une charte au niveau de la civilité permettant de stopper une rencontre si des insultes sont prononcées à notre égard. Pour ce qui est de la FFF, je sais qu’elle travaille sur le dossier, qu’elle essaie de faire bouger les choses, mais je pense que ça prendra beaucoup de temps. Pour moi, les sanctions devraient être beaucoup plus strictes. Au niveau pénal, parfois, on peut voir des dossiers qui, malheureusement, sont classés sans suite, sans sanctions pénales. Il ne faut pas attendre qu’il y ait un mort ou qu’il y ait un arbitre qui soit dans le coma pour se réveiller. S’attaquer à un arbitre, c’est comme si on s’attaquait à un policier finalement. Malgré tout, on a l’AFAF et l’UNAF, qui sont des associations pour les arbitres qui viennent nous aider sur tout ce qui est le plan juridique. Et justement, ils ne peuvent pas faire, malheureusement, tout le travail si, derrière, les instances ne suivent pas.
Que penses-tu de la décision de Willy Delajod, l’arbitre de la rencontre OM-LOSC qui a décidé de porter plainte après avoir été harcelé ?
Cela montre encore une fois que maintenant, ça ne s’arrête même pas qu’au foot amateur. Ça veut même dire que ça prend de plus en plus d’ampleur. Si cela arrive jusqu’au football professionnel, c’est qu’il y a un problème quelque part. Qu’il ait décidé de porter plainte, c’est totalement logique et je le soutiens totalement. C’est pas parce que c’est un arbitre professionnel, qu’il y a les médias, qu’il doit se taire. Surtout qu’il a reçu des menaces de mort. La FFF a informé qu’elle se portera partie civile auprès de Willy Delajod. C’est l’exemple à suivre. Il ne faut pas que les arbitres hésitent à déposer plainte. À un moment donné, il faut qu’on soit pris au sérieux.
Propos recueillis par Hugo Geraldo