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Marc : « La passion a pris le dessus »

Propos recueillis par Mathias Edwards

Le 2 juin dernier, à la 22e minute de Bordeaux-Rodez, Marc poussait des joueurs de Rodez après que ces derniers avaient fêté leur but devant la tribune des supporters bordelais. L'incident entraînera l'arrêt de la rencontre et sera jugé lundi par la commission de discipline de la LFP. Une semaine après les faits, l'ultra tient à s'expliquer.

Marc : « La passion a pris le dessus »

Vous avez aujourd’hui 45 ans. Quel est votre parcours de supporter des Girondins de Bordeaux ?

Je joue au foot et suis amoureux des Girondins depuis tout petit. Lorsqu’on est relégué administrativement en D2 en 1991, je suis meurtri, mais on remonte tout de suite, et à l’été 1992, je rencontre un Isérois qui me connecte avec le Virage sud (la tribune du Parc Lescure, puis du Matmut, regroupant les groupes ultras bordelais, NDLR). À l’époque, je suis très jeune, et mes parents, qui sont étrangers à tout ce qui touche au foot, ne sont pas très rassurés. Mais ils ont l’intelligence de ne pas me bloquer. J’entre en contact avec le mouvement ultra, qui est encore jeune à Bordeaux comme en France, et j’adhère aux Devils (groupe dissout en 2006, NDLR). Très vite, les déplacements s’enchaînent, et mon implication au sein de la tribune grandit. Depuis, et malgré des obligations professionnelles et familiales assez soutenues, ma vie est rythmée par mon activité de supporter. Pour moi, elle se concentre en deux points : toujours œuvrer dans l’intérêt du club et la mentalité ultra Bordeaux. Je fais partie du directoire des Ultramarines, auxquels j’adhère depuis 2011, au sein de la section Haute-Savoie.

Est-ce que vous pouvez nous raconter votre journée du 2 juin dernier, avant le match Bordeaux-Rodez ?

Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas allé à la mise en place du tifo le matin. Je suis allé à notre local en début d’après-midi avant de rejoindre le stade dans notre cortège, comme d’habitude. Là, nous avons accueilli le bus des joueurs dans une très grosse ambiance. Tout le monde voulait croire à la montée des Girondins, même si nous étions conscients d’avoir hypothéqué nos chances la semaine précédente à Annecy (défaite 1-0). On sentait une ferveur, une énergie collective très puissante. L’atmosphère était particulière.

Deux heures avant le match, le virage est bondé. Les encouragements sont extrêmement intenses, les chants déjà très puissants. Cela fait penser au Bordeaux-Milan de 1996.

Quelle était l’ambiance dans le Virage sud jusqu’au but de Rodez ?

Deux heures avant le match, le virage est bondé. Les encouragements sont extrêmement intenses, les chants déjà très puissants. Cela fait penser au Bordeaux-Milan de 1996 (quarts de finale de Coupe de l’UEFA, NDLR). Une ambiance extraordinaire.

La chaleur, en plus du monde et de la ferveur, ajoute à la tension ?

Il fait chaud, mais rien d’extraordinaire. Personnellement, je suis stressé, car conscient que c’est notre dernière chance de monter en L1 cette saison. Je connais également les enjeux économiques autour de ce résultat, sachant que depuis la vente à la sauvette du club par M6 à GACP en 2018, nous sommes dans une instabilité financière très compliquée. Une remontée en L1 dès la première année est importante, car si Gérard Lopez a réussi à sauver l’essentiel in extremis, le désastre financier provoqué par les Américains est toujours latent.

Avec du recul, je peux dire que j’ai réagi instinctivement pour deux raisons : la première, c’est la colère. La deuxième, c’est que j’estime qu’ils représentent un danger pour eux et pour nous, car la tribune est électrique.

Après l’ouverture du score de Lucas Buades, que voyez-vous depuis la tribune et que se passe-t-il dans votre esprit ?

Après le but, je me dis que la montée est fichue, car nous devons l’emporter au minimum 6-1 pour dépasser Metz à la différence de buts. C’est la détresse absolue. Puis, je vois le buteur se diriger vers le poteau de corner en longeant la ligne de but et ensuite il revient en notre direction ! Je me demande ce qu’il fait. Je le vois avancer vers la tribune avec ses coéquipiers qui le rejoignent. Et là, la colère monte en moi. Pourquoi ces joueurs qui sortent de nulle part, pour qui nous n’avons aucune animosité particulière, viennent vers nous ? Je le prends comme une provocation. Avec du recul, je peux dire que j’ai réagi instinctivement pour deux raisons : la première, c’est la colère. La deuxième, c’est que j’estime qu’ils représentent un danger pour eux et pour nous, car la tribune est électrique. Quel est l’intérêt de venir fêter devant notre virage ? On parle d’intrusion sur le terrain, mais pour moi le terrain démarre derrière la ligne blanche. Alors OK, juridiquement je me trouvais peut-être sur le terrain et je vais le payer. C’est une erreur d’appréciation de ma part.

 

Vous vous trouvez dans un état second à ce moment-là ?

Absolument pas, je tiens à préciser que je n’ai pas consommé d’alcool avant le match. On peut cependant considérer que la passion a pris le dessus.

Je suis quasiment certain de ne pas avoir touché Lucas Buades. Je pousse le numéro 25 (Clément Depres, remplaçant ce soir-là, NDLR). Quand je lis des termes comme “agression” ou “violence”, je m’inscris en faux et les images parlent d’elles-mêmes. Je les repousse, mais pas dans le but de leur faire mal.

 Beaucoup qualifient votre geste « d’agression ». C’est un terme que vous acceptez ?

Je réfute totalement le terme d’agression. Cela fait 30 ans que je suis mon club partout, que ce soit en France ou en Europe. Des matchs à enjeu, j’en ai connu quelques-uns. J’ai voulu repousser le groupe de joueurs de Rodez pour les raisons déjà évoquées. Je n’ai frappé personne, je suis catégorique. Et je suis quasiment certain de ne pas avoir touché Lucas Buades. Je pousse le numéro 25 (Clément Depres, remplaçant ce soir-là, NDLR). Quand je lis des termes comme « agression » ou « violence », je m’inscris en faux, et les images parlent d’elles-mêmes. Lorsque j’arrive devant le joueur, on peut lire sur mes lèvres : « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il n’y a aucune insulte. Et effectivement, je les repousse, mais pas dans le but de leur faire mal. Alors, qu’on soit clairs : ce n’est pas à moi de le faire, je comprends qu’on ne puisse pas tolérer qu’un spectateur puisse s’approcher du terrain, mais la disproportion est déraisonnable. On parle de jeunes sportifs professionnels, habitués aux chutes et aux contacts, qui tombent comme des quilles après s’être fait légèrement bousculer.

Est-ce que vous vous considérez comme quelqu’un de violent, dans la vie en général ?

Non, je ne suis pas violent. Je n’ai pas de casier judiciaire. Et puis, quel est l’intérêt d’être violent contre Rodez, avec tout le respect que j’ai pour eux ? Une de mes règles de vie est de toujours partir d’un a priori positif face à l’inconnu. Je privilégie la bienveillance plutôt que l’animosité. Donc j’avais une indifférence sympathique envers Rodez et ses joueurs. J’avais…

À quel moment vous êtes-vous livré à la police ?

Une fois que je réalise mon erreur, je retourne dans la tribune et me fais discret. Pour moi, le match va reprendre tout de suite. Au bout d’un quart d’heure, on me dit que le match n’a toujours pas repris. Là, je suis choqué et étonné. Quand je comprends que le match ne va jamais reprendre, la stupeur est totale. Comment peut-on arrêter ce match ? Quelle est cette mascarade ? Je découvre les images sur mon téléphone, avec tous les messages qui vont avec, et je comprends l’ampleur que c’est en train de prendre. Étant un habitué de la tribune, connu des services de sécurité comme quelqu’un qui ne génère pas de violence inutile, je me dis que cela ne sert à rien d’essayer de quitter le stade incognito. Donc je décide de me rendre au poste de police du stade en compagnie de quelques proches du groupe, pour voir ce qu’il en est. Là, ils m’ont menotté et emmené en garde à vue. J’y suis resté 48 heures.

Dans quel état êtes-vous depuis le match ?

Ce n’est pas simple, car cette histoire a pris des proportions énormes. Mes proches sont choqués par le traitement médiatique. J’ai deux enfants. Certains journalistes, ainsi que l’UNFP, se permettent par exemple de parler de « crime ». Où est le sens de la mesure ? Les mots ont un sens, le vivre-ensemble également. Si on utilise ce genre de terme pour qualifier un individu qui a bousculé sans violence un groupe de joueurs, comment qualifie-t-on un acte plus grave ?

J’assume tout cela, ma réaction n’a pas été la bonne. Mais le match aurait dû reprendre quelques minutes après.

 Si vous deviez être condamné à une longue interdiction de stade, vous trouveriez cela juste ?

Je sais que je vais être interdit de stade et je considère que c’est normal, je connais le règlement. Une amende est également prévue pour les intrusions de personnes sur l’aire de jeu. J’assume tout cela, ma réaction n’a pas été la bonne. Mais le match aurait dû reprendre quelques minutes après. Que penser du parallèle avec le joueur de la Fiorentina qui s’est fait ouvrir le crâne par un projectile adverse et qui a continué à jouer en finale de Ligue Europa Conférence ?

Pour beaucoup de supporters, vous êtes responsable de la non-montée des Girondins en L1. Qu’est-ce que vous aimeriez leur dire ?

Je le répète : à partir du moment où nous prenons ce but, je considère – peut-être à tort – que les chances de montée sont réduites à néant, ce match va devenir un calvaire. Je suis désolé pour tous les gens qui ont dû quitter le stade prématurément et spécialement vis-à-vis des enfants, auxquels je suis sensible et pour qui la notion de résultat est moins importante que pour nous. L’objectif de ce match était la montée. Sans elle, c’était la tristesse, le désarroi. Je considère que chaque supporter des Girondins, quel qu’il soit, a un point commun avec moi. Dans la vie de tous les jours, où que je sois, lorsque je croise quelqu’un qui porte nos couleurs, je lui adresse un sourire, un mot sympathique. Vous pouvez donc imaginer ce que tous ces commentaires provoquent en moi… Je tâche de laisser passer l’orage. Et je me concentre aussi sur les messages de soutien qui sont arrivés par centaines. Le FCGB restera mon club jusqu’à la fin de mes jours, les ultras ma famille.

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