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Ranieri jusqu’à la lie

Par Mathieu Rollinger
5 minutes
Ranieri jusqu’à la lie

Le coach italien du FC Nantes retrouve le stade Louis-II pour la première fois depuis son départ de l’AS Monaco en 2014. Et malgré des résultats plutôt encourageants avec les Canaris, Claudio Ranieri risque d'achever son mandat nantais dans des conditions similaires à celles qu'il a connues sur le Rocher : avec un goût d'inachevé.

« C’est comme la vigne. Le paysan travaille la terre de la même manière. Mais, une année, le soleil est parfait. Et la vendange révèle un vin exceptionnel. Le vigneron n’est pas devenu meilleur, mais le ciel l’a aidé. Je suis juste un vigneron du foot. » Telle est la définition du travail d’entraîneur selon Ranieri, développée dans les colonnes du Parisien en janvier dernier, en faisant évidemment référence au cru exceptionnel que fut Leicester 2016, restant à ce jour son seul titre de champion. Son passage à Monaco de 2012 à 2014, de la Ligue 2 à une place de dauphin en Ligue 1, reste lui dans la lignée de ce que l’Italien a le plus souvent réalisé dans sa carrière : faire progresser des équipes qui ne gagneront rien pendant son mandat, mais qui l’ont fait juste avant ou le feront juste après. Mais où placer son actuelle expérience nantaise sur le barème Ranieri ?

Un petit jaune aussi frais qu’un Monaco

Ranieri à Nantes, c’est d’abord l’histoire d’un gros coup réalisé par Waldemar Kita. Après s’être ouvert l’appétit avec Sérgio Conceição pendant six mois (passant d’une position de relégable à une seule marche des places européennes), il fallait alors mettre la barre un cran plus haut pour faire fructifier l’élan qu’avait su insuffler le Portugais. Convaincre un mastodonte des bancs européens de rejoindre la Jonelière a donné un crédit immédiat au projet nantais. De la même manière qu’en 2014, lorsque Dmitri Rybolovev l’avait investi de la tâche de permettre à Monaco de retrouver les sommets le plus rapidement possible. Sur ce point, la mission semble également réussie en Loire-Atlantique, puisque les Canaris squattent cette saison le premier tiers du championnat depuis la sixième journée avec une régularité devenue rare sur les bords de l’Erdre. La bagarre pour accrocher la cinquième, voire la sixième place, qualificatives pour la Ligue Europa sera rude (Rennes, Montpellier, Nice, Nantes et Sainté se tenant en quatre petits points), mais le pari de Ranieri peut encore se réaliser.

Entre bricoleurs du dimanche.

Une performance que le Romain doit à une légitimité acquise dès les premières semaines. Avec une série de huit matchs sans défaite, l’effet Ranieri s’est très vite fait sentir, le Romain obtenant rapidement l’adhésion de joueurs encore marqués par le départ brutal de son prédécesseur. « Il nous parle beaucoup et est très protecteur. C’est une chance et une fierté de l’avoir » , se réjouissait Valentin Rongier. Si bien que tout le monde semble sous le charme du Mister, véhiculant des valeurs humaines qui faisaient déjà l’unanimité dans le vestiaire de Monaco. Mais là où il avait pu profiter d’un recrutement cinq étoiles (Falcao, James Rodríguez, Moutinho, Kondogbia, Martial et Toulalan contre 150 millions d’euros en 2015), à Nantes, il a en plus réussi à tirer la quintessence d’un effectif certes équilibré, mais loin d’être clinquant. Sa recette : des renforts utiles dès l’été (Tătăruşanu, Pallois, Awaziem, Girotto, Khrin), le repositionnement heureux de Rongier en 10 ou de Lucas Lima au milieu, la responsabilisation de Léo Dubois, la confiance accordée à des jeunes comme Abdoulaye Touré ou Joris Kayembe et évidemment la mise en valeur du buteur Emiliano Sala. Un pragmatisme gagnant qui ne peut que justifier une nouvelle fois son surnom de « Tinkerman » , le bricoleur en VF.

Tête dure ou tête brûlée

La force de Ranieri est de rester droit dans ses bottes, d’appliquer les mêmes principes de jeu partout où il passe, sans jamais se renier. Cela avait payé à Monaco, affichant alors une moyenne de 2,06 points par match sur ses deux saisons. Mieux qu’un Leonardo Jardim (1,93). Mais son indissociable style défensif avait fini par exaspérer ses dirigeants. « Nous n’avions pas tout à fait la même vision du développement du club, justifiait Vadim Vasilyev au moment de son éviction. Nous voulons quelqu’un qui puisse apporter encore plus de plaisir et du beau jeu à nos supporters. » Et si l’impatience monégasque pouvait sembler abusive envers celui qui a établi le record de points en Ligue 1 du club, l’Italien n’a pas pour autant changé ses habitudes chez les Canaris. Le pressing très haut de Conceição a été troqué contre un bloc bas et efficace en contre. « C’est la vision italienne du foot, se défendait Ranieri dans Le Parisien. Sa maison, personne n’a envie de la voir cambriolée. Alors il faut la fermer pour éviter les voleurs. Ça veut dire d’abord avoir une bonne défense. Ensuite, quand ta maison est sécurisée, tu peux la décorer et la rendre belle. » Sauf que les émotions et certains points précieux sont restés dans la boîte à gant du bus.

Car le FC Nantes présente aujourd’hui la plus faible attaque du top 10, avec 30 buts inscrits, et n’a pris que 1,38 point en moyenne. Le plus faible ratio du Mister depuis son premier poste à Cagliari à la fin des années 1980. Surtout, Nantes patine sérieusement ces dernières semaines : depuis janvier, Nantes n’a pris que 11 points sur 36 possibles, quand Rennes en a engrangé 21. Un coup de mou qui coïncide avec les rumeurs de plus en plus persistantes de départ de son coach, sans que l’on ne sache sa prochaine destination. Envisagé un temps à la tête de la Squadra Azzurra, affirmant plus récemment son attrait pour Lyon, Claudio Ranieri a créé des remous qui ont visiblement secoué ses joueurs, se sentant comme abandonnés par leur général avant la fin de la bataille. Claudio Ranieri a souvent eu du mal à s’imposer sur le long terme dans ses clubs, ne passant la barre des 100 matchs qu’à la Fiorentina (170) et à Chelsea (184) et risque cette saison de brûler le bateau qu’il a lui-même mis à flot. Mais s’il veut encore mener le navire nantais à bon port, il pourrait avec une victoire à Louis-II couler un peu plus son ancien rafiot et rapprocher le Paris Saint-Germain d’un nouveau titre. Ce qui s’appelle un retour de flamme.

« Je vais devoir vous laisser monsieur. »

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Par Mathieu Rollinger

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