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Espagne-France : trois mois trop tard

Par Clément Gavard
4 minutes
Espagne-France : trois mois trop tard

En remportant la Ligue des nations contre l'Espagne ce dimanche soir, l'équipe de France a réveillé les regrets de ne pas l'avoir vue triompher à l'Euro l'été dernier pour asseoir son hégémonie sur la planète foot. Cette semaine, les Bleus ont prouvé qu'ils avaient beaucoup de talent et énormément d'orgueil, mais ces seuls ingrédients ne suffiront pas en 2022 pour retrouver les vrais sommets.

Ce n’est pas exactement le trophée argenté qu’Hugo Lloris espérait recevoir des mains d’Aleksander Čeferin en 2021. Ce qui n’a pas empêché les Bleus de sortir les sourires, les drapeaux tricolores et d’adresser quelques baisers à leur nouveau bébé, la Coupe de la Ligue des nations, au moment de célébrer leur victoire en finale contre l’Espagne (1-2) ce dimanche soir, à Milan. Qu’on s’en moque ou non, l’équipe de France est devenue ce week-end la première nation à remporter la Coupe du monde, l’Euro et la toute fraîche Ligue des nations (on pourra même y ajouter la regrettée Coupe des confédérations pour la route). Il ne faut pas cracher sur les victoires, même quand elles sont petites, Didier Deschamps l’expliquera mieux que n’importe qui. Reste que cette petite fête improvisée par les Bleus sur la pelouse de San Siro laisse quelques regrets quasiment trois mois jour pour jour après que l’Italie a soulevé le trophée le plus prestigieux, celui du champion d’Europe, le vrai, à Wembley.

Une génération pour régner

Pour les plus présomptueux, l’histoire semblait même écrite à l’avance : l’équipe de France championne du monde en 2018 était destinée à réaliser un nouveau doublé historique cet été. Il ne pouvait pas en être autrement, aucune autre sélection n’était en mesure de rivaliser. Le succès inaugural contre l’Allemagne avait d’ailleurs donné du poids à cette idée d’un groupe invincible. Puis, la bande emmenée par Deschamps s’est délitée, laissant le doute s’installer et ses adversaires, dont la Suisse, se dire que le supposé impossible était possible (bienvenue dans ce monde merveilleux qu’est le football). Avec le recul, le gâchis reste immense.

Entre un réservoir impressionnant (à l’exception d’un ou deux postes), une génération épatante et le retour d’un Karim Benzema en état de grâce, il ne devait rien arriver à la France. Le sacre de 2018 devait être le point de départ d’une hégémonie digne de celle de l’Espagne entre 2008 et 2012, peut-être même le début d’une domination sans précédent. Plus facile à écrire qu’à accomplir, c’est vrai. Problème : l’échec face à la Suisse ne peut pas se résumer à un simple accident. Peut-on d’ailleurs vraiment répéter que ce huitième de finale s’est joué à dix minutes près, comme n’a cessé de le faire le sélectionneur depuis la rentrée ? « Oui, parce qu’il aurait suffi de trois fois rien pour être en quarts de finale. Non, parce qu’il y avait des prémices. On était quand même plus vulnérables, analysait Kylian Mbappé dans L’Équipe cette semaine. Avant, il fallait se lever de bonne heure pour nous marquer un but. Maintenant, on en prend, des buts… Les Suisses, à l’Euro, nous ont attaqués tout de suite. Est-ce qu’il y a deux ans, ils nous auraient attaqués comme ça ? »

Du talent, de l’orgueil… et après ?

La page Euro 2020 est tournée, mais l’idée d’une hégémonie de l’équipe de France sur la planète football n’a pas disparu. Elle a même fait son retour sur le devant de la scène cette semaine après deux rencontres loin d’être abouties, mais lors desquelles les Bleus ont retrouvé une force mentale pour renverser la Belgique et l’Espagne, deux adversaires qui comptent sur l’échiquier du football mondial. «  Nous avons toujours soif de trophées, nous ne sommes jamais rassasiés. Nous avons affronté une grande équipe belge en demi-finales, et une très grande équipe d’Espagne ce soir. Nous pouvons être fiers de ce nouveau trophée remporté, s’est réjoui Paul Pogba au micro de M6 après la victoire. Nous avons mal commencé, dans une première période dominée par l’Espagne. Nous sommes plus sur une réaction, mais on veut la victoire avant tout. Si c’est comme ça qu’on doit gagner, pourquoi pas. On va continuer comme ça. » Vraiment ? Dans les deux cas, le talent des individualités tricolores (Benzema, Mbappé, Pogba, voire même Lloris sur sa ligne en fin de match) et l’orgueil dingue de ce groupe sont venus sauver un collectif défaillant. Il était même parfois douloureux de voir ce dimanche soir une équipe composée de joueurs de cette trempe ne pas parvenir à faire circuler le ballon. Voilà peut-être la marge de progression de l’équipe de France dans son 3-4-1-2 encore très perfectible : mettre en place une stratégie collective plus consistante pour ne pas systématiquement s’en remettre aux exploits des uns et aux ego de tous pour gagner. En 2022, Hugo Lloris et ses copains ne pourront pas se tromper de trophée.

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