S’abonner au mag
  • Ligue 1
  • J6
  • Strasbourg-Marseille

À la Meinau, le jour de grève est arrivé

Par Baptiste Brenot
6 minutes

Au moment de recevoir l’OM ce vendredi, le Racing Club de Strasbourg retrouvera une Meinau qui silencieuse, puisque les ultras alsaciens ont annoncé qu'ils resteraient muets jusqu’à nouvel ordre. Un nouvel épisode dans leur conflit avec la direction et son multi-propriétaire BlueCo, une semaine après l’annonce des mesures de rétorsion à l’encontre de quatre associations de supporters.

À la Meinau, le jour de grève est arrivé

Il paraît qu’une image vaut mille mots, même si parfois, elle en suscite bien plus. À Strasbourg, difficile de mieux illustrer la perte de souveraineté du club face à son grand frère résident à Chelsea qu’en montrant son capitaine tout sourire portant la liquette de son futur employeur trois matchs après la reprise du turbin. Réaction en chaîne oblige, l’annonce précoce du transfert – pourtant attendu – de Emmanuel Emegha a donc mis le feu aux poudres, entraînant une passe d’armes entre plusieurs groupes de supporters et le coach adoubé par Blueco, Liam Rosenior, suivi de l’annonce d’une série de mesures de rétorsion à l’encontre ces quatre mêmes associations de supporters (les Ultra Boys 90, le Kop Ciel & Blanc, Pariser Section et la Fédération des supporters du Racing).

Quatre jours après un communiqué co-signé par leurs soins appelant à reprendre le dialogue avec la direction, laissé lettre morte, elles ont annoncé une grève des encouragements « jusqu’à nouvel ordre ». Après le raffut, les conférences de presse, les banderoles, les communiqués et des panières entières de linge sale balancées à la gueule de part et d’autre, l’ignorance reste donc la meilleur des mépris.

Minorité turbulente, Retailleau et porte-monnaie

Le tacle appuyé envers son attaquant vedette et Marc Keller, l’ancien milieu de terrain devenu président et idole populaire, a suscité l’ire de ce dernier. Ces banderoles sorties sous les huées de la Meinau et l’incitant personnellement à « s’en aller » en le remerciant pour cette « décennie dorée », après avoir appelé Emegha à « rendre [son] brassard », sont à ses yeux « inacceptables », et « ne respectent plus les règles ». Plus d’un an après le début du quart d’heure de silence décrété par les ultras strasbourgeois en signe de protestation contre le propriétaire BlueCo, ces quelques mots ont joué le rôle de la goutte d’eau faisant déborder le vase présidentiel. Keller a donc convoqué une conférence de presse pour défendre le projet du fonds d’investissement américain, appeler à l’ostracisme des supporters qui osent le critiquer et teaser des sanctions à leur encontre.

« C’est la preuve qu’on a touché un point sensible », analyse Alexandre, représentant des quatre associations ciblées par la direction strasbourgeoise. « Marc Keller, ce n’est pas quelqu’un qui aime faire de la communication de crise, il a au contraire une comm’ très normée, très posée, et là, il convoque une conférence de presse entouré de tous ses cadres dirigeants… C’était une première anicroche sur son image très lisse, à laquelle il est fermement attaché : celle du gars qui fait l’unanimité dans le football français, de l’ancien international qui a relevé Strasbourg. Et ça, on dirait que ça lui a fait mal. »

que nos membres subissent des répercussions pour des critiques émises via un communiqué ou des banderoles, c’est inacceptable.

Alexandre, porte-parole des associations de supporters sanctionnées

En guise de riposte, l’ancien international (six sélections, un but) a décrété la fin du libre accès des quatre associations de supporters à leurs locaux à l’intérieur du stade ainsi qu’au stade lui-même pour installer les tifos. Une manière de mettre des bâtons dans les roues aux turbulents, mais la répression ne s’arrête pas là, avec l’obligation d’un contrôle préalable des tifos et banderoles affichées. Une disposition certes inscrite dans la convention pour la sécurisation de l’organisation des rencontres de football professionnel signée en juin dernier entre Bruno Retailleau, Gérald Darmanin, Marie Barsacq et la LFP, mais qui constitue surtout un revirement de taille dans la relation, passée de fusionnelle à glaciale, entre la direction et ses ultras.

Autres mesures, plus mesquines, la fin des facilités de billetterie lors des déplacements, la fin de la gestion des Ecocups au bénéfice des associations dans la tribune Ouest, qui leurs permettaient de tirer profit des consignes à la buvette afin de financer les animations, l’application de la billetterie nominative ainsi que la facturation de la remise en état des parcages en cas de dégradations lors des déplacements… Autant de manières de taper au portefeuille et d’entraver la vie des associations de supporters contestataires, pour la simple raison d’exprimer des opinions critiques envers la direction et la main de BlueCo qui la nourrit. Pas vraiment de quoi inciter à reprendre les chants dès le coup d’envoi donné.

Avant Marc Keller, le seul président qui a pété un plomb de la sorte, c’est Jafar Hilali

Alexandre, porte-parole des associations de supporters sanctionnées

« Les représailles sur nos membres ont rapidement commencé, avec l’annulation de billets prévus en Coupe d’Europe, alors que des gens avaient réservé leurs billets d’avion, leurs hôtels, et se retrouvent le bec dans l’eau », se plaint Alexandre. Plus grave, il dénonce des « prises d’identité illégales réalisées par une sécurité privée sur des supporters du Racing dont le seul tort était d’avoir un drapeau “BlueCo Out” ». Outre les huées de la Meinau, la pelletée de messages véhéments à leur encontre sur les réseaux sociaux, les opposants à BlueCo ont également dû affronter nombre de sorties médiatiques houleuses contre ces « supporters les plus ingrats du monde ». « On ne fait que défendre des opinions. Que les gens soient d’accord ou pas, que ce soit impopulaire, que ça suscite de l’incompréhension, il n’y a aucun problème avec ça. En revanche, que nos membres subissent des répercussions pour des critiques émises via un communiqué ou des banderoles, c’est inacceptable. »

Une vision quelque peu autoritaire de ce que doit être la liberté d’expression, avec l’interdiction de « tout support à des fins politiques, idéologiques, philosophiques, injurieuses (…) vexatoires… » Une disposition fourre-tout pour interdire et faire taire toute critique envers la direction, qui rappelle à Alexandre des heures sombres. « Avant Marc Heller, le seul président qui a pété un plomb de la sorte pour un contenu de banderoles puis voulu faire fermer des locaux et faire des contrôles de police, c’est Jafar Hilali (président au moment de la rétrogration en Nationale en 2010, NDLR). Le comparatif, il est lourd, mais je le pose là. »

Au milieu de tout cela, le club a choisi d’incendier ses propres ultras, traités en preneurs d’otages pour leur volonté de faire grève. Pourtant, si des milliers de spectateurs ont su copieusement siffler l’apparition des banderoles polémiques, difficile d’imaginer comment ces supporters pourtant majoritaires feront pour rendre à nouveau la Meinau incandescente, lancer les chants, animer ses travées et ainsi compenser le déficit d’ambiance qui s’annonce. Pire, il ne faudrait pas oublier que sans cette ferveur populaire et des ultras survoltés du National 2 à la Ligue 1, Marc Keller aurait sûrement eu bien plus de difficulté à ramener les milliards de Todd Boehly et Behdad Eghbali, et ainsi réaliser en onze ans près de 75 millions d’euros de plus-value sur la vente du RCSA, acquis par l’ancien milieu de terrain pour un euro symbolique en 2012. Vouloir fermer le clapet de ceux à qui l’on reproche dans le même temps de ne pas chanter, voilà qui est fort de café…

BlueCo apporte son soutien à Marc Keller face à la contestation des supporters

Par Baptiste Brenot

Tous propos recueillis par BB, sauf mentions.

À lire aussi
Les grands récits de Society: L'étrange cas du Docteur Péchier
  • L'enquête de l'été!
Les grands récits de Society: L'étrange cas du Docteur Péchier

Les grands récits de Society: L'étrange cas du Docteur Péchier

L’anesthésiste-réanimateur Frédéric Péchier a-t-il empoisonné 30 personnes et tué 12 d’entre elles, en se faisant passer pour un héros lorsqu’il les sauvait ou tentait de le faire? C’est ce que son procès, qui s’ouvre en septembre, devra permettre de juger. Ici sont racontés les événements, qui ont eu lieu à Besançon, dans le Doubs, entre 2008 et 2017, tels qu’ils se sont exactement passés.

Les grands récits de Society: L'étrange cas du Docteur Péchier
Articles en tendances

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

01
Revivez Utrecht-Lyon  (0-1)
Revivez Utrecht-Lyon (0-1)

Revivez Utrecht-Lyon (0-1)

Revivez Utrecht-Lyon (0-1)

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • La revue de presse foot des différents médias, radio et presse française/européenne, du lundi au vendredi en 3 à 4h!