Nice, l’Eurovision

Cette saison 2024-2025 de Ligue 1 aurait bien pu ressembler à un pauvre plat de pâtes réchauffé au micro-ondes sans la course à la Ligue des champions. Dans ce championnat à deux vitesses, où le Paris Saint-Germain n’a laissé place à aucun suspense pour le titre, Nice, Lille, Strasbourg et Lyon ont pimenté l’assiette en se livrant une lutte acharnée pour la quatrième place – synonyme de troisième tour préliminaire de C1. Et c’est le Gym qui a raflé le gros lot lors de l’ultime journée ce samedi, écrasant un Stade brestois déjà en claquettes (6-0) pour terminer devant le LOSC à la différence de but. Si les Niçois ne sont pas aussi rafraîchissants que les Strasbourgeois, aussi suivis que les Lyonnais ou aussi capables de faire tomber le Real Madrid que les Lillois, ils n’en demeurent pas moins les grands gagnants du sprint final.

Laver l’affront de la Ligue Europa

Si cette saison est incontestablement une réussite au moment de faire les comptes, les supporters de Nice n’ont longtemps pas su sur quel pied danser. Côté pile : quelques superbes prestations, comme la déculottée 8-0 infligée à Saint-Étienne, les succès contre les rivaux monégasques et marseillais et la fierté d’avoir été les premiers à faire tomber les invincibles champions parisiens. Côté face : une Allianz Riviera qui a bien trop souvent sonné creux, une humiliante élimination en Coupe de France contre le Stade briochin (2-1) et une série de trous d’air qui auraient bien pu coûter cher au classement. Malgré des débuts hésitants, Franck Haise a réussi sa mission. Arrivé l’été dernier, le Normand a su prendre les Aiglons sous son aile pour transposer la recette qui avait fait le bonheur de Lens : une dynamique offensive et proactive en lieu et place du jeu pragmatique proposé sous Francesco Farioli la saison passée. Réussir sa saison dans un contexte de vente est aussi une performance à signaler. On le sait depuis un bon moment, Ineos cherche à refiler la patate niçoise pour se concentrer sur Manchester United, plaçant moins de billes qu’il y a quelques années en Côte d’Azur. Pour le futur du club, cette quatrième place pourra sans nul doute servir d’argument pour convaincre de potentiels investisseurs dans les prochains mois.

Dans sa route vers la C1, Nice devra aussi se faire pardonner la campagne absolument désastreuse qui avait été proposée en Ligue Europa cette saison. Les Niçois n’avaient engrangé que 3 petits points sur 24 lors de leur tour aux quatre coins de l’Europe, notamment marqué par des défaites en Hongrie, en Suède et en Belgique, et ponctué par une avant-dernière place de la phase de ligue, juste devant la redoutable équipe de Qarabağ. Des résultats déprimants en comparaison de ce que Monaco ou Lille ont pu proposer à l’échelon supérieur, mais qui doivent tout de même être replacés dans le contexte de l’avalanche de blessures qui avait touché le Gym au cours de l’automne. Dans le dur sur tous les tableaux, Franck Haise avait fait le choix de placer ses jetons sur la Ligue 1 plutôt que la C3 – un scénario qu’on n’espère vraiment pas voir en cas de qualification pour la « Champions » l’an prochain.

La place du con ?

Si l’heure est à la joie du côté de l’Allianz Riviera, les pisse-froid ne manqueront pas de rappeler que cette quatrième position, aussi belle soit-elle, pourrait très bien se transformer en cadeau empoisonné. Jouer les qualifications de C1 – le troisième tour préliminaire puis, si qualification, un barrage – aura en effet des conséquences directes sur l’été des Niçois, qui ne pourront pas se permettre de se dorer la pilule sur la plage lors des prochaines semaines. La saison reprendra plus tôt, dès le 5 ou 6 août, soit une dizaine de jours avant la première journée de Ligue 1. Une préparation optimale sera dès lors obligatoire pour être rapidement au taquet et gérer au mieux la fatigue lors du reste de la saison. Le mercato s’en retrouve aussi chamboulé : avec le cul entre deux compétitions européennes, la direction niçoise devra réussir à attirer des joueurs taillés pour la C1… sans pouvoir leur promettre de disputer cette compétition.

Les clubs français ne sont pas non plus spécialement doués quand il s’agit de passer plusieurs obstacles pour se qualifier pour la phase de poules de la coupe aux grandes oreilles. Depuis 2014, le bilan n’est pas loin d’être accablant : seuls Monaco en 2016 et Lille en 2024 ont rallié la phase finale après avoir passé les deux tours de barrages. L’Hexagone est pour le reste habitué aux déceptions, avec les éliminations de Marseille contre le Panathinaïkós (2023), de l’ASM face à Valence (2015), au Shakhtar (2021) et au PSV (2022), de Lille contre Porto (2014), et de Nice, déjà, éteint par Naples en 2017.

Il s’agit toutefois de ne pas verser dans l’éternel pessimisme et de rappeler que dans le football, le but est tout de même de finir le plus haut possible, comme Franck Haise l’a rappelé cette semaine : « Ces gens voudraient qu’on finisse quatorzième ? Donc tout le monde va perdre pour ne pas finir quatrième ? Tout le monde a envie d’être quatrième, je vous le dis ! Des conneries, j’en lis tout le temps. Comment peut-on penser cela ? » Même en cas d’échec en barrages, Nice se retrouvera de toute façon reversé en Ligue Europa. C1 ou C3, on espère dans tous les cas que l’objectif sera un peu plus ambitieux que de juste finir devant le champion d’Azerbaïdjan.