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Dany Mota : « Passer de la D2 luxembourgeoise à une convocation avec Cristiano, c’est grand »
Parti de son Luxembourg natal à 16 ans pour rejoindre l’Italie, Dany Mota s’épanouit depuis 2020 à Monza. Il y a tout connu, de la Serie C à la Serie A, en passant par la présidence de Silvio Berlusconi. Désormais, il rêve d’Europe, mais vient surtout de pousser à 25 ans la porte de la sélection portugaise.
Il faut qu’on parle de ton but contre le Genoa d’il y a dix jours. Qu’est-ce qui te passe par la tête pour tenter ce geste ?
C’est venu instantanément. Ce genre de geste, je le tente depuis petit. J’ai déjà marqué beaucoup de buts comme ça, c’est peut-être déjà le quatrième, donc je pense bien le maîtriser.
Un autre spécialiste des retournés, Olivier Giroud, nous disait que son sens du but était inné, qu’à force de travail, il savait toujours où situer le but. Es-tu d’accord avec lui ?
Quand tu es attaquant, tu dois savoir où est le but sans même le regarder. On vit de ça, marquer des buts. C’est dans notre ADN de savoir où il est.
We just can't get enough of Dany Mota's golazo! Here it is, from all angles, 𝐟𝐨𝐫 𝐲𝐨𝐮𝐫 𝐞𝐧𝐣𝐨𝐲𝐦𝐞𝐧𝐭 😍#GenoaMonza pic.twitter.com/hDzVAJJLrd
— Lega Serie A (@SerieA_EN) March 15, 2024
Elles viennent d’où tes célébrations, bras écartés un peu à la Mbappé, et celle avec les mains à côté de la tête et la langue tirée ?
La première date d’il y a trois ans. J’étais dans une période où j’enchaînais les buts et c’était pour dire : « Ok ! Toujours moi ? » La deuxième, c’est parce que je n’ai pas bien commencé le championnat, c’était une période difficile, au niveau privé aussi, mais ça, les gens ne le savent pas. J’ai eu des sifflets, des critiques, j’ai reçu des messages… Je pense que les gens ne se rappelaient plus qui était Dany, j’ai fait beaucoup pour le club. C’est plus pour les gens qui ne me connaissent pas, qui ont mal parlé et à qui j’ai donné une réponse.
Ce but, aussi beau soit-il, a participé à la dixième victoire de Monza en Serie A cette saison (la onzième est venue le week-end dernier contre Cagliari). Quelles sont les clés de cette belle campagne ?
On a un groupe solide avec beaucoup de jeunes. Même le coach est jeune (Raffaele Palladino, 39 ans, NDLR). Depuis son arrivée tout a changé, les prestations, le mode de jeu. C’est un tout et ça marche à la perfection. Sans parler d’Adriano Galliani, le président, qui fait son boulot aussi à côté. Quand on va sur le terrain, on fait ce qu’on aime, on s’amuse. D’ailleurs, je pense que regarder jouer Monza, c’est plaisant, parce qu’on pratique du beau football.
Tu es arrivé à Monza en 2020 quand le club était en Serie C. Depuis, tu as tout connu. Ton but, c’est d’être une légende de ce club ?
L’objectif, c’était déjà de marquer l’histoire de Monza, et je pense l’avoir fait, parce que je suis le seul joueur du club à avoir marqué en Serie A, B et C. J’ai mis le premier but du club en Serie A et j’aimerais bien, peut-être cette année, amener le club en Europe. Je suis le plus ancien du club, le dernier à avoir connu la Serie C. Je suis venu ici parce qu’il y avait tout pour progresser et je suis maintenant sur le bon chemin. J’ai donné un coup de main au club et inversement, parce qu’avec Galliani, on te met vraiment à l’aise, il ne te manque rien. C’est pour ça qu’on est bien dans ce club. Quand tu as toute une société derrière toi, ça pousse pour aller de l’avant et avoir des objectifs. Il ne manque rien à Monza.
Tu as aussi vécu les années Berlusconi, puisqu’il a racheté le club en 2018. C’était comment de jouer dans le club du Cavaliere ?
Quand tu as une proposition de Silvio Berlusconi et Adriano Galliani, c’est dur à refuser. Rien que pour toute leur histoire avec Milan. Ils avaient la volonté de faire un beau projet, et c’est ça qui m’a attiré. Ils voulaient jouer l’Europe, et on n’en est pas loin aujourd’hui. C’est impressionnant quand on connaît notre parcours.
Est-ce que son décès l’an dernier a modifié quelque chose ?
Le décès de Silvio Berlusconi, c’était quand même quelque chose de choquant pour le football mondial. Ça nous a touchés parce que pour un président, il était quand même très présent, ça nous a motivés encore plus. Le match contre Milan récemment, c’était la première victoire de Monza contre Milan. On a tout donné parce que c’était un match historique.
Passer du Luxembourg à l’Italie, ça a dû être un sacré choc ?
Ah ça non, je n’étais pas prêt. Même si ça évolue bien aujourd’hui, quand je suis parti du Luxembourg, ce n’était vraiment pas ça. Ici, les stades sont bien remplis, c’est un autre football. C’était dur pour arriver jusque-là, mais c’était bien. Tous les joueurs aiment jouer dans des grands stades contre de bonnes équipes, mais c’est aussi bien pour un joueur de prendre les étapes une par une.
Tu es éligible pour deux sélections, le Portugal et le Luxembourg. Tu n’as jamais caché ta préférence pour le Portugal et tu viens d’être appelé pour la première fois à 25 ans avec la Seleção pour pallier les forfaits de Guerreiro et Trincão. Ta patience a fini par payer…
Le Portugal, ça a toujours été la première option. C’est normal, on ne peut pas comparer. Certes, je suis né au Luxembourg, mais je suis un cas à part. Mes parents et mes frères sont tous nés au Portugal, j’ai toute ma famille là-bas. Je me sens portugais. Quand j’étais en espoirs (il compte 16 sélections pour 7 buts avec les U21 portugais, NDLR), c’était important pour eux. Les A, c’est le plus haut niveau, avec des top players. Il y a du monde, mais il faut aimer la concurrence, ça te fait devenir un plus grand joueur. J’ai été préconvoqué au départ, et rien que le fait d’être dans la boucle des meilleurs joueurs portugais, c’était déjà quelque chose. Pour un joueur parti de Promotion d’honneur (D2 luxembourgeoise) il y a huit ans, depuis Pétange, à être aujourd’hui convoqué aux côtés de Cristiano Ronaldo, c’est vraiment quelque chose de grand.
Avant d’être convoqué par Roberto Martínez, tu avais refusé les sollicitations de Luc Holtz, en disant que tu ne voulais pas prendre la place de quelqu’un qui avait fait toute la campagne qualificative pour l’Euro. Cette notion de légitimité, ça te vient d’où ?
Depuis tout petit, je suis comme ça. Je suis arrivé à 16 ans et demi en Italie, sans connaître personne, je ne parlais pas la langue, je n’avais pas de pote, je me suis toujours débrouillé. J’ai ce truc de charbon, de ne rien lâcher, je me suis fait un peu seul. Ce n’était pas facile du tout les deux premières années. Les gens voient le résultat aujourd’hui, mais c’est dur. J’ai parlé avec la sélection du Luxembourg, et il y a toujours eu du respect des deux côtés. Ça aurait pu être facile pour moi de les rejoindre, de profiter de ceux qui ont fait le « sale boulot » et de tenter ma chance pour l’Euro(1) en apportant un coup de main. Les gens au Luxembourg, si je me mets à leur place, peuvent percevoir mon refus d’un mauvais œil, mais ce n’est en aucun cas un manque de respect pour le groupe et les joueurs. Je les connais presque tous, ce sont mes potes. Si j’étais dans le groupe et qu’un gars débarquait au moment où tout est beau, je n’aimerais pas. Je pense qu’ils sont contents que je ne sois pas là, ils auraient eu raison de ne pas être d’accord.
Tu as joué avec une tripotée de joueurs qui sont bien installés aujourd’hui sur la scène européenne comme Gonçalo Ramos, Vitinha ou Rafael Leão pour ne citer qu’eux. Tu as même joué une finale de l’Euro Espoirs avec certains. Tu as envie de les rejoindre au plus haut niveau européen ?
C’est pour ça que j’aimerais bien jouer la Coupe d’Europe, pour les affronter. Il y a des gros noms avec qui j’ai joué et beaucoup de ceux-là sont déjà en A. Peut-être qu’être dans leurs clubs facilite les choses, mais moi, je suis là pour charbonner, pour continuer ce que je fais. Être convoqué, c’est déjà un signal que je travaille bien.
Il y a un aspect de ton jeu qui ressort avant toute chose, avant même la production statistique, c’est ta propension à dribbler beaucoup et avec efficacité. Ça te vient d’où ?
De l’époque où je jouais dans la rue. Depuis tout petit, je suis un joueur de la rue comme on dit. Petit, tu fais ci, tu essayes ça, et on ne peut pas le changer aujourd’hui. Je n’entre pas sur le terrain en pensant que je suis avec mes potes, mais quelque part dans ma tête, il y a un peu de ça. Il ne faut pas se faire bouffer par la pression, sinon tu es mort. Mon coach le sait, alors il me dit : « Amuse-toi, fais ce que tu sais faire, sois Dany. » C’est ce que les gens aiment. J’essaye de m’amuser et de faire gagner l’équipe. Si tu ne t’amuses pas dans ton travail, c’est dommage.
Tu as côtoyé CR7 à l’entraînement à la Juventus, on te surnommait même le CR7 de Chiavari à Entella. La comparaison avec lui dès qu’un Portugais sait dribbler, ce n’est pas trop cliché ?
Pour moi, Cristiano, c’est le meilleur, donc c’est obligé. Quand un Argentin est bon, on va dire mini-Messi, et c’est pareil pour le Portugal. Ce sont des joueurs qui nous ont marqués. Je le prends à la rigolade, mais ça veut aussi dire que tu fais bien les choses et que les gens l’apprécient.
L’autre star issue du Luxembourg et à s’être fait une place d’honneur en Italie, puis dans une sélection « étrangère », c’est Miralem Pjanić. Tu es né pas très loin de chez lui. En quoi est-il spécial ?
Il était spécial en tout. Je pense qu’il a fait LA carrière. Il l’a faite étape par étape, en partant du Luxembourg, en faisant les choses comme elles devaient l’être, avec les bons choix de carrière, sans rien précipiter. Je respecte surtout ça. Le joueur, c’était vraiment un maestro au milieu de terrain.
Il partage un autre point commun avec toi : l’amour du rap français. C’est quoi, tes classiques ?
Surtout Booba, c’est mon idole. Booba, Ninho et Alonzo, mon trio d’attaque, c’est celui-là !
Nani annonce sa retraitePropos recueillis par Julien Faure
(1) Le Luxembourg sera opposé ce jeudi à la Géorgie en demi-finales des barrages de la Ligue B des nations.