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La galette des rois

Par Maxime Brigand
5 minutes
La galette des rois

Le générique vient de se terminer, les derniers verres d’être reposés sur la table. La saison 2015-16 est cette fois bouclée avec, à son sommet, le rêve éveillé d’un groupe de braqueurs. Il faut savourer, mais aussi penser à demain et regarder les plans du futur tableau : peut-être la création la plus attendue de l’histoire de la Premier League avec une dizaine de prophètes autour de la table.

« Non, non, non… Pas d’eau, une autre bière ! » Derrière son pupitre, Sam Allardyce peut souffler. Cette fois encore, Big Sam a tenu tête à sa réputation. Oui, définitivement, Allardyce est devenu le roi dans son domaine. Ou comment un homme normal est devenu un sauveteur exceptionnel. Il déteste cette étiquette et pourtant. Joueur au Roker Park de Sunderland au début des années 80, l’ancien entraîneur de Bolton savait où il mettait les pieds en s’engageant en octobre dernier chez les Black Cats. Sept mois après, le voilà avalant des demis dans la salle de presse du Stadium of Light. C’était il y a un peu moins d’une semaine après une victoire facile contre Everton (3-0) qui validait définitivement le maintien de Sunderland en Premier League pour la saison prochaine. Allardyce sait qu’être supporter ici signifie accepter de se battre pour « la meilleure des plus mauvaises équipes » du pays. C’est comme ça et ça ne devrait pas changer de suite. Aujourd’hui, Sam Allardyce est un vestige pour qui « bien défendre est un art » , mais aussi l’un des derniers représentants d’une espèce : « Oui, l’arrivée massive des entraîneurs étrangers nous a rendus meilleurs. Il n’y a aucun doute là-dessus, mais vu la tendance, je ne serais pas surpris de ne plus voir aucun entraîneur anglais en Premier League prochainement. » Quand Allardyce parle, on l’écoute, et plus que jamais, on constate : à la table des invités, seulement trois Anglais sont présents (Alan Pardew, Eddie Howe et, donc, Sam). La fin définitive d’une époque.

Guardiola, le verre à moitié plein

Voilà où en sont aujourd’hui la Premier League globalisée et son produit spectacle. Plus que jamais, le championnat d’Angleterre cherche les étoiles, et la saison prochaine devrait être un paroxysme. Il a déjà beaucoup été écrit sur la prochaine fournée juteuse des droits télés, et les premières conséquences commencent à se dessiner. La récente mise à la porte de Roberto Martínez à Everton a permis de le mettre définitivement en lumière. Aujourd’hui, l’entraîneur étranger est favorisé, et le nouvel investisseur des Toffees, Farhad Moshiri, l’a prouvé dans sa short list : Ronald Koeman, Frank de Boer, Manuel Pellegrini, Rafael Benítez. Il y a vingt ans, la Premier League comptait 17 entraîneurs anglais. Demain, elle n’en contentera pas beaucoup plus que cette saison. Car le nouveau tableau est galactique : Claudio Ranieri à Leicester, Jürgen Klopp (Liverpool), Antonio Conte (Chelsea), Pep Guardiola (Manchester City), Mauricio Pochettino (Tottenham), Arsène Wenger (Arsenal) ou encore Slaven Bilić (West Ham). Jamais, une saison de PL n’aura été aussi excitante à attendre. Comme le prochain épisode d’une série à succès, comme la bande-annonce d’un gros blockbuster. Mais aussi une équation à plusieurs inconnues.

Ce qui est définitivement sûr, c’est que la Premier League n’est plus seulement le championnat d’Angleterre, mais est aussi un microcosme privé. Un club VIP où toute star rêve d’entrer, comme Ibrahimović pourrait le faire prochainement, mais où tout le monde a aussi le droit d’être testé. Car il est légitime de se demander si tout le monde peut réussir en Angleterre. C’est là-dessus que sera jugée la première guest arrivée pour la saison prochaine du côté de Manchester City, Pep Guardiola. Car jusqu’ici, le beau Pep a toujours eu les mains pleines. Aujourd’hui, le Catalan se trouve simplement face au plus grand défi de sa carrière d’entraîneur : faire gagner une institution qui ne l’a quasiment jamais fait au plus haut niveau. Sa quête sera européenne avant d’être nationale, mais ce qui est clair, c’est que Guardiola va devoir construire un nouveau cycle à City avec une enveloppe massive de 200 millions d’euros. Cette fois, il n’a pas une machine à remporter des titres entre les mains, simplement un prototype à faire briller sur les concours. À lui de changer l’histoire. Une feuille blanche, c’est également ce que devrait trouver à Londres Antonio Conte, qui prendra bientôt ses fonctions à Chelsea.

L’école batave

Le cas Conte sera peut-être le plus passionnant à suivre derrière Guardiola. Quel médecin s’est ennuyé devant un patient malade ? Aucun. Ce Chelsea sort d’une saison terrible malgré une fin de campagne rassurante sur plusieurs points. Du côté de Londres, Conte aura pour première mission de remettre en place une cohésion interne chez les Blues, mais aussi d’installer un véritable projet pour les années à venir avec notamment la question prioritaire de la place réservée à la belle jeunesse de Chelsea. C’est en ça que Conte devrait poser sa patte, tranchant avec les recrutements massifs des dernières années, pour installer un plan de jeu fixe en s’appuyant sur le retour en forme de Fàbregas et traitant rapidement les dossiers épineux (Courtois, Hazard, Terry). Ce Chelsea sera l’équipe la plus attendue la saison prochaine, tout comme le Liverpool de Klopp qui devra trouver, de son côté, une capacité à enchaîner les bons résultats.

Au-delà des nouvelles têtes, c’est aussi une nouvelle école qui devrait débarquer au-dessus du plateau doré. Elle est joueuse, intelligente, novatrice et hollandaise. Ce n’est pas pour rien que tout le monde s’arrache aujourd’hui les services de Ronald Koeman et que l’Europe du foot fait les yeux doux à Frank de Boer. C’est pour des méthodes, d’abord, et un état d’esprit joueur aussi, comme Southampton a su le faire avec panache lors de la deuxième partie de saison. Là, ça sera une question de confirmation, comme avec le Tottenham de Pochettino, le Bournemouth d’Eddie Howe et surtout le Leicester de Ranieri qui, lui, n’a plus rien à prouver. L’entraîneur italien des Foxes a déjà touché son rêve et l’année d’après s’annonce difficile. Les exemples français de Bordeaux, Marseille et Montpellier sont là pour le prouver. L’Angleterre du foot a changé, par de nouvelles méthodes, de nouvelles têtes, mais s’annonce encore plus jouissive. Comme si la saison écoulée n’était qu’un apéro trop arrosé. On a encore du coffre.

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