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Rayan Cherki, à l’encre bleue
Rayan Cherki n’est plus qu’à une entrée en jeu d’être définitivement un international français. En effet, Didier Deschamps a choisi d’appeler le dribbleur fou de l’Olympique lyonnais pour les finalités de la Ligue des nations. Une bonne nouvelle, surtout pour les amoureux du jeu.

« Je mets de la musique, je m’assois ici, sur ma chaise sur laquelle personne d’autre n’a le droit de s’asseoir. Je prends mon encre, mes plumes, puis j’écris tranquille, ça me détend. Je brûle, je jette ou je garde. J’ai même un sceau. » Dieu sait ce que Rayan Cherki écrira ces prochains jours dans son journal intime, si les sollicitations en pagaille le permettent, mais le gamin des Buers serait avisé de garder quelques pages de libres pour le nouveau chapitre qu’il s’apprête à écrire, à l’encre bleue. Après des mois de suspense, le meneur de l’Olympique lyonnais a été convoqué par Didier Deschamps, lui ouvrant les portes d’un carré final de Ligue des nations, mais surtout d’un destin international.
Avec l’équipe de France, ici et maintenant
Cela faisait plusieurs mois que son nom flottait autour des listes de l’équipe de France A, lui, le petit génie de la formation lyonnaise à qui on a promis dès les premiers éclats d’avoir un jour sa place dans ce gratin. Depuis 2019, il fait saliver les Gones par son aisance technique, comme il leur fait s’arracher quelques cheveux face à son inconstance. Cette saison, débutée dans un loft, « ce petit trou du cul » comme l’appelle John Textor a enfin exprimé sa pleine mesure, devenant à 21 ans un des pions essentiels de son club de toujours. Alors avant que le meilleur dribbleur de Ligue 1 n’exporte son talent au PSG ou ailleurs, il était désormais question de trancher son avenir en sélection. Pourquoi maintenant ? « Parce que je l’ai décidé. C’est ma responsabilité, a asséné le boss ce mercredi, assurant qu’il est le seul à dicter le tempo et ne cède à aucune pression. Rayan aurait pu être là aussi au mois de mars, par rapport à ce qu’il réalise avec son club où il a été beaucoup plus décisif, que ce soit à travers ses buts et ses passes. Il sera là. »
Je n’ai jamais empêché un joueur de choisir ou de le bloquer. Quand je les prends, c’est pour nos besoins, mais pas pour les empêcher de faire autre chose.
Là, à Clairefontaine avec le coq sur le torse, et pas en Algérie ou en Italie. Le pays de sa mère Alba et celui de son père Fabio, deux nations qu’il était susceptible de représenter, lui ont fait récemment du gringue plus ou moins poussé. Verts comme Azzurri peuvent encore attendre qu’il entre vraiment en jeu avant d’abdiquer, mais Deschamps assure que ce choix n’est pas un calcul machiavélique pour couper l’herbe sous le pied de ses homologues étrangers. « Je n’ai jamais empêché un joueur de choisir ou essayé de le bloquer. Quand je les prends, c’est pour nos besoins, mais pas pour les empêcher de faire autre chose. Même si beaucoup de choses peuvent être dites. À aucun moment je n’ai joué avec ça depuis que je suis sélectionneur, jure le Basque, sans avoir à citer le cas de Boubacar Kamara. Je ne jouerai jamais avec cette liberté. »
L’espoir est à confirmer
Dans tous les cas, se priver d’un tel talent aurait été dommage. Issu du gang des créatifs de l’équipe vice-championne olympique, le Rhodanien laisse Maghnes Akliouche à ses tiraillements, mais devra suivre l’exemple de Désiré Doué, déjà convaincant chez les grands au mois de mars. Le joueur aux 23 sélections avec les espoirs libère aussi une place dans la liste de Gérald Baticle, qui a un Euro U23 à disputer du 11 au 28 juin en Slovaquie. « Le championnat d’Europe espoirs ne fait pas partie des dates FIFA, a clarifié DD. Il n’y participera pas. Il est avec moi. » Rien de plus normal : ce collectif a toujours eu pour vocation d’être un tremplin vers les A, et Cherki comme Pierre Kalulu en sont les derniers bénéficiaires.
Qu’il garde sa créativité, sa spontanéité en étant le plus naturel possible.
Mais cette convocation montre aussi à quel point, au-delà des critères sportifs, des états de forme de chacun et du taux de remplissage de l’infirmerie, il est devenu compliqué pour un sélectionneur de faire ses choix de manière libre. Entrent aussi en compte, dans un enchevêtrement kafkaïen, des questions administratives telles que la nationalité sportive, mais aussi les calendriers compressés, les impératifs des clubs et les rêves de coupe aux grandes oreilles que partagent aujourd’hui Parisiens comme Intéristes (Lucas Hernandez, Warren Zaïre-Emery, Bradley Barcola, Ousmane Dembélé, Désiré Doué côté PSG ; Benjamin Pavard et Marcus Thuram côté Inter). Rayan Cherki, au-delà d’un transfert à gérer, est d’ores et déjà complètement libre et a donc été invité à pousser les portes du château des Yvelines dès le 30 mai. Ce fan de Batman et du Roi Arthur aura ainsi tout le temps et le loisir de diffuser sa bonne humeur et de prendre ses marques dans le groupe avant de songer à prendre en main le jeu des Bleus.
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En parlant de jeu, le principal enseignement à en tirer est peut-être là. Sauf si on est un fétichiste du béton, le match en Croatie avait montré les limites du jeu lourd et sans idée. Le match retour avait eu le mérite de montrer à Didier Deschamps que le salut des Bleus pouvait aussi passer par un 4-2-3-1, avec quatre vrais offensifs (Barcola, Olise, Dembélé et Mbappé), relayés par d’autres offensifs (Kolo Muani et Doué). L’intégration de Rayan Cherki va dans ce sens, avec une liste de 25 avec « seulement » cinq milieux à vocation défensive, pour huit éléments offensifs. Et pour ceux qui se demandent quelle sera son utilisation, Didier Deschamps a lui-même décrit les caractéristiques de son nouveau poulain : « Rayan s’inscrit toujours dans un collectif. Il a des capacités à pouvoir faire la différence avec le dribble et la passe. Il est utilisé surtout dans deux positions : soit légèrement excentré sur le côté droit, ou au cœur du jeu. Qu’il garde sa créativité, sa spontanéité en étant le plus naturel possible. C’est une étape importante pour lui, qui demandera confirmation. Je ne sais pas de quoi sera fait son avenir. » L’avenir ? Encore une chose que Cherki s’attellera à dribbler.
Sondage : Rayan Cherki a-t-il les moyens de s’imposer chez les Bleus ?Par Mathieu Rollinger