- Ballon d'or 2025
Ousmane Dembélé, ça n'a pas de prix
À domicile dans un Théâtre du Châtelet acquis à sa cause, Ousmane Dembélé a vécu le genre de soirée dont il n'aurait jamais rêvé. Lui l'ancien ailier déroutant a été mis au centre du jeu, sacré Ballon d'or parce qu'il incarne ce Paris Saint-Germain rutilant. Sa meilleure fresque après les frasques.

Moustapha Diatta ne sait plus trop où se mettre dans ce couloir, entre les journalistes en attente et les backstages. Lui, le grand gus à la veste marron, a passé une drôle de soirée au Théâtre du Châtelet. « Bon, maintenant c’est fait, on peut passer à autre chose », glisse-t-il. Quelques minutes plus tôt, il voyait son ami d’enfance, Ousmane Dembélé en personne, grimper à l’estrade et prendre possession du 69e Ballon d’or, celui qu’on lui promettait depuis des semaines mais qui, jurait-il, « n’a jamais été un objectif dans [sa] carrière ». L’émotion a poussé le Normand à déverser quelques larmes au moment d’évoquer sa maman, la gratitude à rendre hommage à Mous’, comme on le ferait pour son témoin de mariage. « On a tout vécu ensemble, tu m’as suivi partout et jusqu’à la fin on sera ensemble », déclamait le lauréat, face à son gars, lui aussi submergé.
« I did not expect to cry but when I started speaking about my family and so on... » 💬 Ousmane Dembélé #ballondor pic.twitter.com/4yIHdJIN2t
— Ballon d'Or (@ballondor) September 22, 2025
« Tout », ce n’est donc pas que cette escapade sur un tapis rouge. Non, bien sûr que non. C’est aussi Évreux, leur ville, et le city du quartier de la Madeleine. Les colocations à Dortmund et Barcelone aussi, au point de pousser concierges et nutritionnistes à s’arracher les cheveux. Des nuits sur PES ou devant des documentaires historiques, peut-être. À cette époque, cette sphère dorée n’est qu’un mirage. Pourtant, au bout de ce chemin sinueux, ce sont la maturité, la stabilité et in fine le succès qu’ils ont trouvés. Jamais vraiment loin l’un de l’autre, pour le pire et maintenant le meilleur. Toujours est-il qu’aux yeux du plus doué des deux balle au pied, Moustapha symbolise ça : les racines, la loyauté et un goût de l’enfance. Cette même saveur qu’il continue de chercher à chaque fois qu’il enfile des crampons et qui justifie de faire aujourd’hui des discours devant des centaines de personnes, en robe de soirée ou costume trois pièces.
Paris a son ambassadeur
Un décorum qui sent la moquette mal aérée, où on accepte de cuire sous les projecteurs et de s’installer dans son siège avec un chausse-pied quand on mesure plus d’1,80 mètre. Mais au milieu cuit un gratin avec tout ce qui compte dans le monde du foot… Enfin, ceux qui n’avaient pas à se coltiner la foudre marseillaise au même moment. Sans sa blessure (et donc sans Didier Deschamps, grassement remercié lui aussi), Ousmane Dembélé aurait-il dû respecter ses engagements sportifs avec le Paris Saint-Germain au risque de snober cette prestigieuse distinction individuelle, lui qui a passé son temps à répéter que c’est grâce à la machine collective mise sur pied par Luis Enrique qu’il a pu entrer dans la course au Ballon d’or ?
Les émotions... 😭#ballondor pic.twitter.com/EKIn4Ukuqc
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Honoré comme coach de l’année au prix Cruyff, le gourou espagnol de la capitale a pris la peine d’enregistrer une vidéo depuis la salle d’attente de son osthéo pour remercier le jury, quand Nasser Al-Khelaïfi n’a lâché son smartphone qu’une fois la défaite au Vélodrome actée, pile au moment où il était convoqué pour recevoir le trophée de l’équipe de l’année et baragouiner quelques politesses d’usage. Désiré Doué et João Neves, out eux aussi et devancés par Lamine Yamal au trophée Kopa, ont pu épauler leur numéro 10, quand Nuno Mendes, Achraf Hakimi et Vitinha n’ont appris leur classement final (10e, 6e et 3e) qu’à distance. Finalement, au moment où le fantôme de Ronaldinho a déchiffré le petit bout de papier sacrant Dembélé, c’est d’abord dans les longs bras de Gigio Donnarumma – installé à la même rangée et lauréat du trophée Yachine – qu’il a trouvé refuge. Un champion d’Europe lui aussi, mais désormais parti vers de nouveaux horizons.
Ce Ballon d’or vient récompenser ça : une histoire commune, une équipe devenue « famille », mais qui commence déjà à changer de visage. Dans un an, ce PSG ne sera peut-être plus aussi puissant. Les hommes et les équilibres qui le composent auront certainement changé. Restera alors pour Ousmane ce trophée, évidemment lourd de signification pour un footballeur, mais qui sera également, grâce à sa manière de l’accueillir, à jamais associé à la performance d’un groupe.
Minuit approche quand Ousmane Dembélé quitte le Châtelet. La pluie l’attend mais, comme en juillet 2018 au stade Loujniki quand il a brandi la Coupe du monde avec les Bleus, elle ne mouille pas. À croire que les gouttes tombent forcément quand Ousmane touche de l’or. Mais à cette heure-ci, les applaudissements feutrés du théâtre sont balayés par les torches et les chants de centaines d’ultras du PSG, décidés à noyer leur défaite sur le terrain en fêtant l’un des leurs. Et c’est là, à cet instant, que ce Ballon d’or prend tout son sens : un objet et un succès à partager.
Crazy scenes in Paris 🤩 Fireworks when Ousmane Dembélé leaves the Théâtre du Châtelet pic.twitter.com/OVondRZBHW
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Par Mathieu Rollinger, au Théâtre du Châtelet