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Arnar Gunnlaugsson : « J’aurais préféré jouer la France avec de la neige et un froid glacial »

Propos recueillis par Mathis Blineau-Choëmet
12 minutes

Un mois après sa courte défaite face à la France, l’Islande affronte de nouveau les Bleus ce lundi soir. À la tête de l’équipe depuis 2025 : Arnar Gunnlaugsson, un sélectionneur déterminé à mener la nouvelle génération de ce pays de 400 000 habitants à la prochaine Coupe du monde. Entretien avec un nostalgique de Sochaux.

Arnar Gunnlaugsson : « J’aurais préféré jouer la France avec de la neige et un froid glacial »

Il y a un mois, ton équipe a perdu 2-1 contre la France en match aller des qualifications à la Coupe du monde. Comment as-tu préparé cette rencontre dans la peau de l’outsider ?

C’était une trêve internationale avec deux approches tactiques très différentes. Face à l’Azerbaïdjan (victoire 5-0, NDLR), on savait qu’on devait jouer haut et avoir la maîtrise du ballon, alors que le match suivant contre la France, on devait descendre le bloc et être très solide défensivement en essayant de ressortir le ballon proprement. Malgré la défaite 2-1, on a respecté ce plan de jeu. Quand mon équipe est dans la peau de l’outsider, je préfère perdre 3‑0 avec mes principes que 1‑0 en passant le match à défendre.

Cette rencontre face à la France accorde de la confiance dans la quête de la deuxième place du groupe, synonyme des barrages.

Nos deux matchs ont été très bons et l’Ukraine n’est pas parvenue à gagner contre l’Azerbaïdjan, donc on avait pris deux points d’avance (actuellement, l’Islande est cependant classée troisième de ce groupe D avec une unité de retard sur l’Ukraine suite à sa défaite 5-3 à domicile contre ce même adversaire et l’entretien avait été réalisé avant cette rencontre ; NDLR). Quand on a atterri à Reykjavík après le match, on a aussi senti l’effervescence du public. Les fans nous ont applaudis, les journaux locaux ont salué nos performances. Cette trêve a été un succès, sur et en dehors du terrain. Nous sommes dans une bonne période, mais on doit continuer à consolider nos points forts sans les considérer comme acquis. Et surtout, il faut rester régulier.

Toutes les équipes ont des failles, même la France.

Tu as récupéré la sélection en 2025. Après quelques mois à sa tête, sur quels aspects du jeu doit-elle se concentrer pour continuer à progresser ?

La concentration pendant l’entièreté du match. Le niveau de concentration des grands joueurs fait vraiment la différence par rapport aux plus petites équipes. Ensuite, apprendre à mieux gérer nos temps faibles et nos temps forts : quand on domine, mieux concrétiser ; quand on subit, ne pas flancher. Au Parc des Princes, on a loupé des actions où on aurait dû marquer.

Entre ces deux trêves, comment as-tu travaillé ces détails avec ton staff alors que tu n’étais pas avec tes joueurs ?

On a beaucoup analysé : vidéos, données, matchs de clubs et on a conçu des schémas pour avoir plus la possession. On a aussi travaillé les contre-attaques et le style de jeu de nos futurs adversaires. Toutes les équipes ont des failles, même la France.

Pendant ces qualifications, la Bolivie s’est qualifiée en barrage notamment grâce à l’altitude de son stade. En Coupe d’Europe, Bodø/Glimt a bénéficié des conditions glaciales de la Norvège. Est-ce que la météo hivernale d’Islande peut favoriser ton équipe contre les Bleus ?

Dans une certaine mesure, mais j’aurais préféré qu’on joue ce match au cœur de l’hiver avec de la neige et un froid glacial. (Rires.) En octobre, il ne fait pas assez froid. Blague à part, nous avons un très bon terrain, donc la météo influe moins que lorsque la pelouse s’abîmait vite. Et de toute façon, les Français sont des joueurs de classe mondiale qui s’adaptent à toutes les conditions.

 

La population croit en votre qualification à la Coupe du monde 2026 en Amérique du Nord ?

C’est notre objectif. On veut que les supporters islandais vivent le plus grand événement sportif de la planète. Pour l’atteindre, on a besoin de soutien. Il faut qu’ils nous poussent à performer encore plus. Les joueurs ont compris la responsabilité qu’ils ont. Ils ressentent de la pression, mais il va falloir la gérer. Sinon, il vaut mieux rester chez soi.

 

En France, dix jeunes cracks sortent chaque année. En Islande, c’est déjà une chance si on en a un par an.

Depuis la Coupe du monde 2018 en Russie et l’Euro 2016 en France, l’Islande ne s’est pas qualifiée pour un tournoi majeur. Quelles sont les raisons de ce déclin ?

Une question de génération. Les joueurs de cette époque dorée ont vieilli et des jeunes joueurs sont arrivés. Nous sommes un pays de 400 000 habitants, donc parfois il y a un creux générationnel. En France, dix jeunes cracks sortent chaque année. En Islande, c’est déjà une chance si on en a un par an. Dans ce contexte, il faut absolument miser sur le collectif et construire un esprit d’équipe. Après, on ne se cache pas derrière ça. Même si on est un petit pays, on reste compétitif. D’ailleurs, je trouve que nous avons la mentalité d’une grande nation !

Cette Coupe du monde à 48 permet aux petites nations comme la tienne d’entrevoir davantage la qualification. D’un autre côté, elle est aussi moins compétitive et moins prestigieuse qu’à 32. Qu’en penses-tu ?

Pour la beauté de la compétition, c’est certainement mieux d’avoir 32 équipes comme avant. Cependant, j’étais content que la FIFA annonce la Coupe du monde à 48 parce qu’on est une petite nation et que ça nous laisse plus de chances. Il y a aussi un côté romantique de voir des petites nations se frotter aux meilleures. Si on se qualifie, j’espère qu’on affrontera deux équipes moyennes en poule, afin d’avoir une vraie chance. J’aimerais aussi qu’on tombe sur une grande nation, histoire que le peuple islandais vibre.

Pour vivre des émotions, les Islandais peuvent compter sur le jeune Andri Guðjohnsen, buteur au match aller. Que peux-tu nous dire sur cette nouvelle promesse du football islandais ?

Andri a la mentalité typique d’un joueur islandais et il vient d’une famille de footballeur. Les Guðjohnsen ont joué à Porto, à l’Eintracht Francfort, à Barcelone ou à Chelsea. Il doit continuer à progresser et éviter les blessures. Il faut aussi qu’il garde la confiance de son entraîneur à Blackburn Rovers en Championship, un championnat intéressant pour son style de jeu.

Et Hákon Arnar Haraldsson, l’un des meilleurs joueurs de Lille ?

L’un de nos meilleurs talents. Un joueur très intelligent qui peut jouer à plusieurs postes (second attaquant, ailier, pivot). Maintenant, Haraldsson joue numéro 10. Je l’ai vu à Anfield lors du match de Ligue des champions entre Lille et Liverpool. Tactiquement, il avait été énorme dans sa compréhension du jeu. Maintenant, il doit juste être plus décisif pour devenir un top joueur.

 

Guðjohnsen joue à Blackburn, Haraldsson à Lille, d’autres joueurs islandais jouent un peu partout en Europe. Vous devez bien connaître les douaniers de l’aéroport de Keflavík ?

Je vais aussi souvent à la Real Sociedad pour voir mon capitaine Orri Óskarsson. J’ai aussi appris à regarder des matchs de tous les championnats à la télé. Au bureau de la fédération, on a les outils pour analyser les performances de nos joueurs et les autres styles de jeu pratiqués par les autres équipes. Je reste toujours en alerte parce que si je m’endors un jour, un nouveau système de jeu aura émergé et on sera déjà distancé par les autres nations.

Est‑ce que tu penses que tes joueurs ont la pression quand tu viens les observer dans leur stade ?

Forcément, mais ça leur donne aussi de la confiance. Ils savent qu’ils sont observés, qu’ils représentent quelque chose. Avec mon staff, on essaie d’être très proche d’eux et de les soutenir, notamment en cas de pépins physiques. Au dernier rassemblement, quatre joueurs ont subi une blessure. Depuis, on a suivi leurs rééducations en club pour connaître leur état de forme.

 

La Ligue Conférence nous apporte des moyens et aide financièrement les clubs du championnat. Elle permet aussi d’attirer des talents d’autres nations.

En France, le PSG a critiqué Didier Deschamps et son staff à la suite des blessures d’Ousmane Dembélé et Désiré Doué. Tu t’es déjà fait engueuler par des clubs pour ces raisons ?

Non, jamais. Les clubs ont des inquiétudes légitimes : ils paient et veulent protéger leurs joueurs. Moi aussi, j’ai été coach en club à Víkingur donc je les comprends. Comme nous, ils ont besoin de résultats. Il doit donc y avoir un échange durant lequel le club informe la sélection de l’état de forme physique de son joueur. En revanche, je trouve que les critiques sont injustes, surtout que les médecins de l’équipe de France font partie des meilleurs du monde. En plus, Didier Deschamps a joué au top niveau. Il sait à quel point la santé des joueurs est importante.

Quelles sont vos relations avec les clubs islandais ?

On va souvent les voir aussi. Les clubs travaillent mieux dans tous les domaines. La tactique progresse et les conditions d’entraînement sont plus professionnelles. Víkingur a bien figuré en Ligue Conférence la saison dernière. La C4 nous apporte des moyens et aide financièrement les clubs du championnat. Elle permet aussi d’attirer des talents d’autres nations. De plus, les jeunes joueurs locaux progressent en jouant contre ces équipes de haut niveau.

Justement, est-ce qu’il y a un club islandais au sommet dans le développement des joueurs ?

Mon ancien club Víkingur est en tête. Une institution moderne et structurée qui valorise les jeunes. Il y a deux ou trois autres clubs qui sortent aussi du lot.

Étonnamment, la taille du pays favorise aussi le scouting…

Ça nous aide parce qu’on repère plus vite les talents et on peut les suivre de près, même dans les petits recoins de l’île.

Dans ta carrière de joueur dans les années 1990, toi aussi, tu as profité de ce système…

Oui, je viens de la petite ville d’Akranes. On était que 5000 habitants, mais beaucoup de joueurs de foot sortaient du village. Il devait y avoir quelque chose de spécial dans l’eau ou la nourriture (Rires.) Haraldsson et deux autres joueurs de la sélection viennent de là-bas. Pendant ma formation à Arkanes dans le club d’IA, j’admirais ceux qui ont réussi à quitter la ville pour réussir dans le football. J’avais envie de les imiter et ça m’a poussé à travailler dur.

 

Tu as poursuivi ta carrière au Feyenoord Rotterdam trois ans après tes premiers matchs avec les A d’IA Arkanes. As-tu eu le mal du pays ?

Pas du tout. Passer d’Akranes à Rotterdam, c’était très excitant. Le Feyenoord était et reste toujours un grand club. En championnat, je jouais contre l’Ajax Amsterdam des années 1990 qui était l’une des meilleures équipes de l’histoire. Avec mon frère jumeau Bjarki, qui était aussi à Rotterdam, on vivait enfin notre rêve de devenir footballeur professionnel. Le pays ne me manquait pas trop, j’étais juste super concentré sur mon travail de footballeur.

J’ai adoré vivre pas loin de Sochaux. Je n’ai jamais joué sur une meilleure pelouse pendant ma carrière.

Parce que tu n’étais pas professionnel à Akranes ? 

Non. Maintenant, seulement deux ou trois joueurs de l’équipe sont pros. Le club leur paie des salaires corrects. Le reste des joueurs étudient ou travaillent à côté. En Islande, seulement trois clubs sont 100% professionnels.

Après Rotterdam, tu as continué ta carrière à Sochaux entre 1995 et 1997. Quels sont tes souvenirs de la Ligue 2 ? 

Je n’avais pas beaucoup joué à cause de blessures donc c’était une mauvaise période de ma vie sur le plan sportif. Le stade était petit, mais la pelouse était de grande qualité. Je n’ai jamais joué sur un meilleur terrain pendant ma carrière. J’ai aussi adoré vivre pas loin de Sochaux. Le club mettait tous les moyens pour nous et j’ai rencontré beaucoup d’amis. Mon frère vivait à côté en Allemagne. On était à seulement deux heures de route alors on se voyait souvent. J’étais aussi pas loin de Paris.

À ce moment-là, tu as pris des leçons de français… 

Je parle toujours un tout petit peu, mais j’aurai besoin de vivre en France six mois pour retrouver mon niveau d’antan. J’avais appris très vite à Sochaux. C’est beaucoup trop dur à apprendre, par contre. Regardez, Haraldsson sait juste dire (il commence à parler en français) : « Bonjour, je m’appelle Haraldsson, merci. »

Tu lui as conseillé d’apprendre la langue de Molière ?

Oui, j’espère qu’il va s’y mettre parce que c’est important de parler la langue du pays où l’on évolue.

Tu suis toujours l’actualité de Sochaux ?

Évidemment, je suis tous les clubs dans lesquels je suis passé. Malheureusement, ils ont été relégués à cause d’une mauvaise gestion. J’espère qu’ils vont revenir au plus haut niveau.

 

Tu as aussi joué en Angleterre, à Bolton, Leicester et Stoke. Trois équipes de Premier League, un championnat réputé pour son impact physique et sa qualité technique qui correspond bien aux qualités des joueurs islandais…

Moi, j’étais un numéro 10 soyeux, mais qui ne défendait pas (Rires.) J’ai joué mon meilleur football à Bolton. Il n’y a pas mieux que le niveau de la Premier League. Rentrer sur la pelouse des stades comme Anfield, Highbury ou Stamford Bridge, c’est mythique.

 

À Paris, on était à 95% de nos capacités. À Reykjavík, il faudra être à 100%.

Toutes ces expériences à l’étranger influencent-elles ta philosophie de jeu ?

Bien sûr. Quand on est sélectionneur, on a peu de temps pour travailler avec son équipe. Seulement deux ou trois entraînements et ensuite, il y a le match. Les joueurs viennent aussi de clubs aux styles très différents. Certains jouent la relégation tandis que d’autres pratiquent un jeu de possession car ils dominent leur championnat. Mon objectif est de concocter un mix vertueux de tous ces styles de jeu et de m’inspirer de mes passages dans plusieurs clubs européens.

Cette tactique sera-t-elle suffisante pour prendre au moins un point contre la France au Laugardalsvöllur de Reykjavík ce lundi à 20h45 ?

On doit être parfait tactiquement et techniquement si on veut obtenir un résultat. À Paris, on était à 95% de nos capacités. À Reykjavík, il faudra être à 100. On doit presser un peu plus haut et jouer dans le camp adverse sans complexe et contenir la menace Michael Olise. Depuis qu’il est arrivé au Bayern Munich, je trouve qu’Olise a beaucoup progressé.

Tu as un coin à conseiller aux supporters français qui font le déplacement pour une visite avant le match ?

Le lagon bleu, une station thermale située à quarante minutes au sud-ouest de Reykjavík. Je conseille aussi les excellents restaurants de la capitale. En revanche, évitez les volcans.

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