Le rapport minoritaire (5)
La première clausade ou comment Fabien Barthez devait être défendu.
Il me faut revenir dans cette colonne sur l’émission « ça balance à Paris » , magazine d’info entertainment à vocation culturelle diffusé sur une chaîne du câble le mercredi en deuxième partie de soirée.
Il n’est pas question de porter un jugement sur ce programme mais d’évoquer son spin–off. Le spin-off est, dans le jargon branché de la télévision, une série dérivée qui reprend le concept et les personnages d’une série antérieure.
En l’espèce, six soirs par semaine, à 20 heures 45 pour être précis, les chroniqueurs du programme hebdomadaire précité se consacrent, à titre individuel, à commenter du théâtre, du cinéma, de la littérature, de la musique etc…
Ces intervenants volontaires affectés à titre aléatoire dans une des cases de ce spin-off, profitent alors de cette libre antenne pour nous exposer leurs coups de cœur tels des capitaines abandonnés naviguant sur les flots de l’actualité.
Parmi eux, vous pourrez remarquer une certaine Virginie de Clausade dont le principal fait public a été jusqu’ici de figurer au générique du film « les rois mages » . On a le droit de faire des erreurs dans sa jeunesse. Persévérer serait en revanche diabolique.
J’avoue ne jamais avoir retenu, voire même compris ses propos. Certes, si j’ai distingué une fois, et une fois seulement, de profondes réflexions sur le « Da Vinci Code » , j’ai en revanche remarqué que l’expression de sa pertinence se situait dans ses tenues et son physique gracieux.
Et mon cas n’est pas unique : cadreurs, prompteurs, spots eux-mêmes se balancent comme aimantés au rythme de sa gestuelle. Bref, dire que cette femme joue de son physique pour nous faire oublier ses propos traduit l’exacte réalité de sa prestation.
L’espace d’un instant, tout spectateur, masculin de préférence, est comme hypnotisé, et sitôt le message délivré, son contenu même est oublié.
Réussir à capter à ce point l’attention en se contentant de nous dire que les magasins d’épices sont la cosmétique des plats, que c’est grâce à Ralph Fiennes (acteur ayant joué dans « Shakepeare in love » ) qu’elle a lu tout Shakespeare dénote d’une pertinence au dessus de la moyenne, du miracle pour ainsi dire. Ce miracle, fort éloigné du miracle christique, mérite que l’on creuse cette question.
Le sérieux qui m’anime ici pourrait laisser croire que la réalité du football est remisée au second rang. Détrompez-vous.
En réalité, l’important n’est plus ici Clausade elle-même mais le flou de son discours qui prend pour ancrage la pertinence de son physique.
Car Clausade, non professionnelle du commentaire, non executive woman de la pensée, est une femme qui fonctionne à l’américaine. Elle bénéficie d’auteurs, ne supporte pas le poids de l’histoire, ne pense qu’au lendemain.
Ne s’attacher qu’au présent, ne pas dire je suis vieille puis sortir de la salle de bains peinte, radieuse et courageuse comme un guerrier indien (merci à Paul Fournel pour cette brillante remarque), c’est son destin.
Elle seule aurait été capable de mener une croisade, sa première croisade, sa première clausade en quelque sorte pour sauver l’honneur perdu de Fabien Barthez, entendu le 21 avril 2005 par la Fédération Française de Football pour qu’il s’explique sur son passé de cracheur. Pas besoin d’en dire plus. Pour les plus réfractaires au football, il faut savoir que Fabien Barthez aurait craché sur un arbitre lors d’un match amical en février 2005 entre l’Olympique de Marseille et un club de Casablanca, le W.A.C.
Un plaidoyer pro domo : pour sa maison, pour sa propre cause, pour ses intérêts personnels, c’est ce qu’il fallait à l’ex Fabulous Fab. Derrière la légèreté d’une blonde, fragile écran de fumée, c’est le bal tragique de l’excès qu’il fallait cacher.
Ni les états de services du grand Barthez, ni l’ouvrage sur le crachat de Martin Monestier ( « beautés, techniques et bizarreries des mollards, glaviots et autres gluaux » ne peuvent justifier l’attitude du 12 février 2005, de cet unique soir.
Il ne s’agit pas d’en rajouter, de poursuivre un homme de sa vindicte et d’en appeler au triomphe de l’exemple. Tout a été dit et écrit par des meilleurs et plus talentueux beaux esprits.
Il n’est donc pas nécessaire de chercher des circonstances atténuantes ni de trouver des circonstances aggravantes. Il s’agit de revenir sur un seul fait : l’arrêt d’un match amical à la suite d’une bagarre entre des professionnels et des amateurs puis le crachat ( ?) sur un arbitre.
Que la pluie salivaire ait touché ou non l’arbitre ; que Fabien Barthez ait été insulté ou pas sont des éléments qui ne comptent pas. Il s’agit d’être un homme même lorsque l’on est encouragé par les enfants.
Parce qu’il ne l’a pas compris ; parce qu’il craché (encore) dans sa soupe, même tiède ; parce que la Fédération Française de Football en a fait trop ou pas assez, c’est selon ; parce que cette affaire a quitté le raisonnable ; parce que les instances disciplinaires sont, comme toute justice, bercées dans l’idée que l’exemple doit frapper les esprits quitte à faire preuve de laxisme au quotidien. Pour toutes ces raisons, alors que Fabien Barthez a écopé de six mois de suspension dont trois mois avec sursis, dont appel de la Fédération, une femme devait le défendre.
La femme que nous évoquions aurait elle seule dissipé l’intérêt morbide pour ce triste fait afin de nous faire ressentir la futilité de cette entreprise.
Il n’est pas encore trop tard. Paraphrasant Saint-Exupéry, espérons que ce rêve dévore notre vie afin que la vie ne dévore notre rêve…
Jean-François Borne
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