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À quoi servent les amendes pour les entraîneurs non diplômés ?

Par Alexandre Plumey
5 minutes
Entraîneurs non diplômés : des amendes à la noix ?

Outre leurs reprises tonitruantes de Reims et Nice, Will Still et Didier Digard ont comme point commun de régler une amende à chaque match car dépourvus des diplômes requis. 25 000 euros chacun et par rencontre de L1, ce qui devrait, au total, dépasser la barre du million d’euros en fin de saison. Mais à qui est versé cet argent ?

Will Still a perdu contre l’Olympique de Marseille avant la trêve internationale. C’est une première. Depuis son installation à la tête du Stade de Reims, le quotidien du trentenaire se résumait à prendre des points en championnat et à payer une amende hebdomadaire en raison du manque de diplômes requis. Si son costume – ou survêtement noir frappé WS – d’homme invaincu sera entaché d’une défaite au retour de la Ligue 1, une chose ne changera pas : il sera toujours redevable de 25 000 € par rencontre. Lui qui ne dispose ni du Brevet d’entraîneur professionnel de football (BEPF), ni de la Licence A de l’UEFA requis par la Fédération française de football pour entraîner dans l’élite. Alors qu’il reste encore dix rencontres d’ici la fin de saison et après avoir déjà versé (ou plutôt son club) 450 000 € depuis son arrivée en octobre dernier, le total de la douloureuse s’élèvera à 700 000 € début juin. Le prix à payer pour rêver d’Europe diront les supporters rémois, fans de leur nouveau guide.

À l’autre bout de la France, Didier Digard est dans la même situation. Bien que son arrivée plus tardive en poste à l’OGC Nice (10 janvier) limite pour l’heure la facture à 275 000 €, elle devrait être de 475 000 € au terme de la saison. Pas de sanction en Coupe d’Europe(1) toutefois, car c’est Julien Sablé, son adjoint, qui occupe officiellement la fonction de numéro 1 (présence en conférence de presse, droit de se lever sur le banc de touche), tandis que la parade du prête-nom n’est plus autorisée depuis 2015 dans les compétitions hexagonales. Si tout se passe comme espéré par le club et le principal intéressé, il devrait être en règle pour les deux derniers matchs de cet exercice, car il commencera ses 320 heures de formation au BEPF, le 22 mai 2023. L’Aiglon saura, d’ailleurs, le mois prochain si son acceptation à cette session est validée après avoir passé des oraux d’évaluation les 4 et 5 avril.

Une amende versée à la FFF…

Alors que Strasbourg a écopé rétrospectivement de six amendes cette saison car le dernier match de Mathieu Le Scornet (contre Lille, le 12 février) dépassait le délai de 30 jours accordé par la FFF pour se mettre en règle, aucun autre club n’a été concerné cette saison. Lors de son intérim montpelliérain, Romain Pitau était, par exemple, déjà titulaire du BEPF. Idem pour Abdel Bouhazama et Alexandre Dujeux à Angers. Reste à savoir à qui sont versées ces amendes ? À la Fédération française de football, organe de contrôle des diplômes fédéraux. Le rôle de la LFP, organisatrice des compétitions, se limite à relever l’absence d’un entraîneur diplômé sur la feuille de match et notifier ce manquement au règlement à la 3F.

Un vrai casse-tête. (Photo by Johnny Fidelin/Icon Sport)
Un vrai casse-tête. (Photo by Johnny Fidelin/Icon Sport)

Raymond Domenech, président de l’Unecatef, défend ce système « avant tout dissuasif pour inciter à avoir une politique de formation et éviter d’aller au plus vite en se disant “Oh tiens, y en a un qui est là, il était pas mal en adjoint ou au centre de formation, on va tester.” Vos deux exemples sont des réussites, mais ce n’est pas toujours le cas. On pensait que la passer de 8 000 à 25 000 € serait suffisant(2), visiblement non. » Sans en faire, pour autant, une question d’argent. « Ce ne sont pas les amendes qui comptent, c’est le respect de la réglementation. Pour qu’un coach qui prend le temps de se former, mais qui n’a pas la chance d’être N°2 au moment où l’entraîneur principal se fait licencier, n’ait pas le sentiment d’une injustice par rapport à ces coachs qui n’ont pas les diplômes requis. » De quoi répondre au président Caillot, visiblement aussi virulent sur l’arbitrage que sur les diplômes de son protégé belge en déclarant : « Malheureusement, comme beaucoup de gens et de corporations, (Raymond Domenech) accepte mal l’idée de se remettre en cause. À mon avis, il devrait plutôt se poser la question suivante : pourquoi des entraîneurs qui ne sont pas passés par leur formation sont meilleurs que ceux qui y sont passés ? »

… sans connaître sa réelle utilisation

Souvent jugé protectionniste et corporatiste, le syndicat des entraîneurs français, juge « normal et bénéfique d’avoir un renouvellement avec une nouvelle génération d’entraîneur, par la voix de l’ancien sélectionneur des Bleus. Justement, il ne sera véritable que si les clubs anticipent. D’où cette menace financière pour ne pas installer des coachs non diplômés. » Des sanctions poussant au débat sur le fond, tant le vent de fraîcheur insufflé par les formations de Will Still et Didier Digard égaie les dimanches des suiveurs, mais également sur la forme car, que ce soit les clubs concernés ou Raymond Domenech, personne ne sait à quoi sert précisément cette somme d’argent. « Elle est noyée dans le budget global de la FFF, déplore ce dernier. Depuis que je suis à la DTN, je milite pour qu’elle soit attribuée à la formation des entraîneurs professionnels et amateurs. Ça relèverait d’une certaine cohérence… » Avec près d’1,5 million d’euros récoltés cette saison par la FFF(3) uniquement en Ligue 1, ça en fait des certificats fédéraux de football (CFF1, 2, 3, 4) que le monde amateur n’aurait pas à payer de sa poche.

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Par Alexandre Plumey

Propos de Raymond Domenech recueillis par AP.

(1) Lors du match aller contre le Sheriff Tiraspol (9 mars), l’OGC Nice bénéficiait encore des 60 jours accordés par l’UEFA pour inscrire un coach disposant des diplômes nécessaires. Ce qui n’était plus le cas la semaine suivante, d’où la qualification de Julien Sablé en tant que coach principal.
(2) Elle est de 12 500 euros en Ligue 2.
(3) Contactée, la FFF n’a pas souhaité donner plus d’éléments sur les sommes totales perçues via les amendes de coachs dépourvus des diplômes requis (L1, L2 et divisions inférieures), ni sur l’utilisation exacte de cet argent.

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