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  • 30 ans de la victoire de l'OM en Ligue des champions (5/5)

Quel est l'héritage de l'OM 1993 ?

Par Chérif Ghemmour

L’éruption volcanique du 26 mai 1993 a répandu une onde sismique positive qui a bouleversé en profondeur les mentalités du football hexagonal. Plus que la culture de la gagne, c’est en fait la culture du combat inspirée du grand OM 1991-1993 qui va, tout au long de la décennie 1990, transcender ses clubs et sa sélection nationale…

Equipe de Marseille - 26.05.1993 - Marseille / Milan AC - Finale Coupe d'Europe des Clubs Champions - Munich
Equipe de Marseille - 26.05.1993 - Marseille / Milan AC - Finale Coupe d'Europe des Clubs Champions - Munich Photo

La grande soirée Ligue des champions de TF1 tire à sa fin. Dans le studio TV aménagé à l’Olympiastadion, Silvio Berlusconi, élégance italienne et sourire de beau perdant, se projette déjà vers l’avenir. Roger Zabel conclut l’échange : « Président, je voudrais vous donner rendez-vous la saison prochaine, car le Milan, c’est un grand d’Europe, pour une grande affiche. On a très envie de vous retrouver à nouveau en finale. » La réponse de Sua Emittenza, suave, se fait alors prémonitoire : « Moi, je suis sûr d’être là… J’espère vous aussi ! »

Communion au Vélodrome

Arrive ensuite Michel Platini, décontracté : « J’avais un bon feeling avant ce match. Le football français se dépucelle (sic). C’est de bon augure pour notre Coupe du monde 1998, mais ce serait bien que l’équipe de France gagne la Coupe du monde 1994 ! (sic) » JPP déboule enfin, sapé AC Milan, polo rouge et futal blanc impec. La mine défaite, il expédie l’entretien : « C’est pas la meilleure équipe qui a gagné, c’est la plus réaliste. » Fin du direct… Dans le car qui ramène les vainqueurs extatiques et leurs épouses, la tension sexuelle est palpable. « Après le match, on a fait une fiesta dans le salon de l’hôtel. Pas une grosse fête parce qu’en 1991, tout avait été préparé pour rien », rappelle Éric Di Meco. « Chris Waddle était avec nous », épilogue Boli. Le lendemain, jeudi 27 mai, sous une énorme manchette « LE JOUR DE GLOIRE », c’est Basilou qui fait bien sûr la Une de L’Équipe, suspendu dans l’air pour l’éternité au moment de son coup de tête victorieux. Le quotidien sportif bat ce jour-là un record de ventes à 983 000 exemplaires ! Dix ans plus tôt, c’est un autre Franco-Africain, Yannick Noah, qui avait mis le sport français à l’honneur en triomphant à Roland-Garros. « Je trouve extraordinaire que Basile ait marqué ce but, s’émerveillait Franck Sauzée. L’OM, c’est un club où il y a une mixité extraordinaire, la ville est très cosmopolite : au stade, tout le monde se côtoie. Ce club a ces valeurs-là, c’est la communion. Et là, c’est “Basile le Black” qui marque. Black Boli, quoi ! » En 2018, l’ami Di Meco avait dédié à Basilou 1er une stat passée inaperçue : « Sur les cinq finales européennes disputées par l’OM, on n’a mis qu’un seul but : le sien ! » Avant de rentrer à Marseille dans l’après-midi, Raymond Goethals fend les cœurs marseillais au 13h de Jean-Pierre Pernaut, en direct TF1 de l’hôtel Bachmair : « Je pars. Bernard Tapie m’avait demandé encore une saison, hein ! Mais non. » Puis ce sera en fin d’après-midi le retour à la maison en avion…

La traversée de Marseille en car, de l’aéroport au Vélodrome où doit se tenir la cérémonie de présentation de la coupe et des héros, est grandiose. Les supporters ont bondé l’enceinte dès 14 heures. Et c’est bien sûr au son de Jump ! de Van Halen que les festivités commencent. « Quand on entre sur la pelouse, Deschamps tient la coupe, détaillait un Boli encore enfiévré. Je suis derrière lui, et je regarde le stade : le stade a changé, c’est pas possible ! Il est comme une arène gigantesque… Les cris, les clameurs, ça n’arrête pas. Et là on se dit : “On l’a vraiment gagnée. Elle est à nous.” Là, on commence à vraiment réaliser qu’on a fait le truc énorme. On s’est regroupé dans le rond central, et le speaker a lancé nos noms un à un sous les acclamations. C’était beau. » Comme des rock stars embringuées dans une tournée sans fin, les Marseillais enquillent dès le samedi un OM-PSG dantesque où le duo Pelé-Boli récidive, avec un coup de casque du second sur un centre du premier ! « On gagne le match 3-1, souffle le double buteur de la semaine. C’était fini, on était champions. Là, on est en pleine apothéose. Le sommet du sommet. » La séquence Tapie s’achève le lendemain, dimanche 30 mai, avec la victoire de l’OM-Vitrolles présidée par le frère cadet, Jean-Claude Tapie. En finale retour de Coupe des coupes de handball, Vitrolles décroche le premier trophée européen d’un club français en battant les Hongrois du Fotex Veszprem SE (23-21).

Fans Marseille celebrate after their team won the Champions League final football match between Milan AC and Olympique Marseille on the streets of Champs Elysees, Paris on May 26, 1993, Paris, France. Marseille won 1-0 ( Photo by Alain Gadoffre / Onze / Icon Sport )
Fans Marseille celebrate after their team won the Champions League final football match between Milan AC and Olympique Marseille on the streets of Champs Elysees, Paris on May 26, 1993, Paris, France. Marseille won 1-0 ( Photo by Alain Gadoffre / Onze / Icon Sport )

El commandante Tapie

Mais après un été d’amour, la tourmente de l’affaire OM-VA s’abat sur l’OM. Elle amputera le triomphe de Munich d’échéances glorieuses subséquentes tant attendues. Le retrait du titre de champion de France 1993, d’abord, par la FFF, poussera l’UEFA à priver l’OM de C1 pour l’édition suivante 1993-1994 et de participation aux deux finales 1993 de la Coupe intercontinentale ainsi que de la Supercoupe d’Europe. Malgré plusieurs allégations ultérieures, les enquêtes de l’UEFA et de la FFF n’établiront aucune preuve formelle de matchs truqués dans cette Ligue des champions 1993, l’UEFA classant l’affaire… Marcel Desailly, passé la saison suivante chez les Rossoneri, lavera partiellement l’honneur phocéen en inscrivant le dernier but du 4-0 milanais infligé au Barça en finale de Ligue des champions… Pour les 10 ans des lois de décentralisation 1982-1983 portées par Gaston Deferre, (maire de Marseille !), le slogan À jamais les premiers a été l’illustration d’une victoire symbolique des provinces sur la capitale. Marseille-la-frondeuse a devancé Paris-la-jacobine dans la course à l’Europe ! L’étoile que l’OM brodera sur sa tunique doit beaucoup à Bernard Tapie. Ses intuitions avaient fait mouche tout au long de la saison 1992-1993 (voir Partie 1 – Bernard et l’inaccessible étoile). Son exigence de la gagne, obsessionnelle, parfois même jusqu’à l’excès coupable, a transcendé un groupe à qui il manquait au départ les deux ou trois degrés de conviction pour oser croire au titre suprême. Éric Di Meco, warrior emblématique des années Tapie, avait synthétisé la force de l’OM de Munich, en rupture avec l’esprit de Coubertin : « L’équipe de l’OM la plus forte, la plus belle ? C’était celle de 1990, éliminée à Lisbonne par le Benfica. En 1993, c’était pas la plus belle, mais il n’y avait que des combattants, pas un seul tricheur ! »

En football de club, s’il existe aujourd’hui une mélancolie française qui nous reprend à chaque saison après moult éliminations désespérantes, elle nous vient de la comparaison directe avec cet OM 1993 : un commando fada qui va au bout du truc (deux finales de C1 en trois ans) en rejetant bien fort la culture de l’excuse, de la lose. L’OM 1993, c’était un esprit de corps, insistait Jean-Philippe Durand : « Basile, à Munich, on savait qu’il était blessé et durant la première demi-heure de jeu, on est bousculés par les Milanais. Basile voulait sortir, mais on avait une force morale collective et on la lui a transmise. » À 20 ans, le jeune Bernard Tapie, attiré par la carrière militaire, avait échoué aux examens pour devenir officier. À 23 ans, Bernard Tapy (son pseudonyme d’artiste chanteur) avait enregistré Passeport pour le soleil, version française du très militaire tube US de 1966, The Ballad of the Green Berets, composé par le sergent Barry Sadler. Le refrain chanté par « Tapy » évoque une fraternité d’armes qu’il semble avoir fait infuser plus tard chez ses joueurs : « Passeport pour le soleil / Conduis-nous vers tes merveilles / La terre est loin, à nous le ciel / Viens mon frangin universel. »

OM 1993, France 1998…

Après le grand Bordeaux de Claude Bez, c’est surtout cet Ohème, avec ses talents, sa niaque et ses coups pas toujours très nets, qui a stimulé une émulation sans précédent dans le championnat de France. Au point de provoquer la naissance du PSG nouveau, version Canal+, programmé pour concurrencer le « Massilia Football Club ». En plus d’une première en C1 en 1993, notre D1 avait ainsi placé aussi en Coupe UEFA deux demi-finalistes, Auxerre et le PSG, sortis par Dortmund et la Juventus. Tout au long de la décennie 1990, la D1 française portera souvent ses clubs, plus animés de l’esprit de combat marseillais (cf. Le PSG victorieux de la C2 1995) qu’inspirés du beau jeu à la rémoise, vers de nombreuses demi-finales dans les trois coupes d’Europe. « Chez nous, en Angleterre, la victoire européenne de l’OM a marqué les esprits parce qu’on sentait que la France était sur le point de devenir une grande puissance du foot européen avec des clubs comme le PSG, l’OM, voire Auxerre, rappelait le sympathique Darren Tulett dans GQ. Avant, les Anglais ne s’intéressaient pas du tout au championnat de France. Et puis, au début des années 1990, il y avait de grandes stars anglaises chez vous, Hoddle à Monaco et Waddle à Marseille : ça nous surprenait que le pouvoir économique du foot français devance le nôtre ! Cette montée en puissance avec la victoire de Marseille, ça représentait même une menace pour notre football au point de vue continental ! »

Et la menace est devenue réalité en grande partie grâce au « Gang des Marseillais » au sens large (Barthez, Desailly, Deschamps, mais aussi Zidane et Blanc) qui ont permis aux Bleus de remporter la Coupe du monde 1998. Beaucoup partagent aujourd’hui l’analyse rétrospective souvent avancée par Jean-Philippe Durand au sujet du triomphe de France 1998 : « On a ouvert la voie au football français : c’était la première fois qu’un club français gagnait la Coupe d’Europe. C’était inaccessible avant : en France, ça a décomplexé les joueurs, les clubs et plus tard, sans doute, l’équipe de France. En 1998, c’est vrai qu’on retrouve des gars comme Barthez, Desailly, Deschamps, des héros de Munich 1993. C’est certain que ces gars apportaient, à leur façon, cette certitude qu’on était capables de gagner. » Et le 12 juillet 1998 au Stade de France, avant d’aller brandir la coupe « sans oreilles » au ciel de Saint-Denis, Didier Deschamps avait pris tout son temps en montant à nouveau les marches du bonheur…

Lire la partie 1 : Le rêve Bernard Tapie

Lire la partie 2 : L’affrontement tactique entre Capello et Goethals

Lire la partie 3 : Barthez et Boli, les héros de la première mi-temps

Lire la partie 4 : Une finale gagnée à l’italienne

 

Dans cet article :
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Par Chérif Ghemmour

Merci d'avoir suivi toute la semaine cette saga en 5 épisodes consacrée à la victoire de l'OM en Ligue des champions, le 26 mai 1993.

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