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Youssef En-Nesyri, l’homme de Séville

Par Félix Barbé
6 minutes
Youssef En-Nesyri, l’homme de Séville

Auteur de son premier triplé avec le Séville FC samedi contre la Real Sociedad (3-2), Youssef En-Nesyri a confirmé qu’il était définitivement l’atout offensif numéro un des Andalous cette saison. Longtemps raillé à ses débuts, l’attaquant marocain semble enfin franchir un cap à 23 ans. Tout sauf un hasard, pour un gamin arrivé à destination grâce à son talent, son travail, mais surtout une force de caractère impressionnante.

Les dictons ne mentent pas. Et si l’on dit « fort comme Basque » , quel adjectif collerait au mieux pour qualifier la prestation de Youssef En-Nesyri. Car si la Real Sociedad s’est retroussé les manches, en faisant plier à deux reprises Séville, deuxième meilleure défense de Liga, cela a été insuffisant cependant pour faire mieux que YEN, venu planter trois banderilles pour sortir sa formation d’un match qui avait tout du piège parfait (3-2). Avec la manière, qui plus est ! Car s’il n’a eu qu’à pousser la gonfle dans le but vide dès l’entame de match, son deuxième but au milieu de quatre défenseurs adverses, puis sa déviation maligne sur un centre d’Ocampos ne doivent rien à personne. L’occasion de repartir avec le ballon du match pour la première fois depuis son arrivée dans l’écurie de Julen Lopetegui.

Youssef, l’atout majeur

L’ancien sélectionneur de l’Espagne ne s’était d’ailleurs pas trompé, au sortir de la Supercoupe d’Europe perdue en prolongation face au Bayern Munich, après deux gros ratés du Marocain en fin de match : « Il est triste, parce qu’il a eu quelques occasions. C’est logique, mais il est très jeune, et le football lui offrira sa revanche sans aucun doute. » Cette revanche, En-Nesyri est en train de la prendre, lui qui avec douze réalisations toutes compétitions confondues a déjà battu son record de buts sur une saison. À 23 ans, il est surtout en train de prouver qu’il est désormais le fer de lance de l’attaque sévillane.

Dans un collectif avant tout ultra solide défensivement, mais souvent en panne d’inspiration devant, le cinquième meilleur buteur de Liga apporte une étincelle quasi unique. Un peu à l’image de ce que pouvait faire Lucas Ocampos la saison passée. Un impact qu’il amène également en sortie de banc. La preuve : le week-end passé, alors que ses copains livraient un derby terriblement soporifique contre le Betis et n’avaient pas encore cadré le moindre tir, En-Nesyri est entré à la pause. Deux minutes plus tard, il a lancé Suso pour l’ouverture du score.

Du caractère et de la baston à Málaga

Désormais considéré comme un joueur majeur en Andalousie, l’horizon n’a pourtant pas toujours été aussi dégagé pour le natif de Fès. Après sa formation avec son pote Hamza Mendyl à l’académie Mohamed VI, dirigée par Nasser Larguet (aujourd’hui directeur du centre de formation de l’OM), il aurait notamment pu signer à Chelsea il y a quelques années. Mais cet habitué du beau et chaud soleil marocain ne parvient pas à dompter la froide grisaille londonienne, et c’est finalement à Málaga que le timide gamin pose ses valises en 2016. « Il était jeune, et ne parlait pas beaucoup, se souvient Bakary Koné, aujourd’hui en Inde, qui l’a connu à cette époque. Il essayait tout de même de faire des petites blagues en français avec nous, mais son français n’était pas si bon. J’échangeais avec lui pour le faire progresser. »

En Espagne, quand tu es jeune et que tu mets beaucoup de puissance, beaucoup d’envie, ça ne passe pas toujours bien avec les anciens. Mais lui continuait toujours de presser et d’aller au duel. Je me rappelle une fois avec Weligton, un Brésilien. Ça avait bien chauffé entre les deux après un contact.

Hors de son Maroc natal, En-Nesyri cravache pour gagner sa place : « Ce n’était pas le plus fort techniquement, mais dans le travail, il était toujours là, toujours motivé, toujours avec la même envie, poursuit Koné. Il montrait qu’il avait vraiment faim pour intégrer l’équipe. » Sauf qu’à force d’avoir la dalle et de le montrer, le minot s’expose. « Il était très agressif. En Espagne, quand tu es jeune et que tu mets beaucoup de puissance, beaucoup d’envie, ça ne passe pas toujours bien avec les anciens. Avec certains, tu n’as pas trop le droit de les toucher à l’entraînement… Mais lui continuait toujours de presser et d’aller au duel. Il y a eu plusieurs accrochages à cause de ça. Je me rappelle une fois avec Weligton, un Brésilien. Ça avait bien chauffé entre les deux après un contact. On a calmé un peu l’histoire, mais Youssef n’avait rien fait de mal. Il était juste allé au duel, comme il le fait toujours. »

S’il peut avoir ses limites, ce caractère plaît, et lui permet de grapiller peu à peu une place sur le pré, où il affiche ses premières qualités : « Il était déjà rapide et avait un très bon coup de pied. À l’entraînement, il était très dur à défendre, pose l’ancien défenseur de l’OL. C’était le seul attaquant de l’équipe à avoir un aussi bon jeu de tête. Et puis, c’est un vrai combattant. Il travaille énormément pour l’équipe. » Des aptitudes qui sautent aux yeux de Leganés. À l’été 2018, bien aidé par la relégation de Málaga, le club madrilène n’hésite ainsi pas à poser 10 plaques sur le Marocain, transfert record du club. La faute à plusieurs petits soucis physiques et des performances en dents de scie, l’avant-centre met pourtant plusieurs mois à véritablement convaincre. Son salut passera finalement par le recrutement de Martin Braithwaite, avec qui YEN formera une paire de feu jusqu’à son départ pour Séville il y a un an pour 20 millions d’euros.

De YEA à YEN pour glorifier une génération dorée

Avec ce début de saison XXL (huit buts en Liga, quatre en Ligue des champions), En-Nesyri est en train de faire taire un paquet de mauvaises langues, notamment au Maroc. Car à cause d’un style pas forcément académique et quelques maladresses devant le but, le solide attaquant d’1,89 m a longtemps fait l’objet de critiques. En-Nesyri les a calmées une première fois, un soir de juin 2018, en catapultant un coup de casque atomique dans la lucarne de David de Gea lors de la dernière Coupe du monde.

Il devra continuer à le faire. Car au pays du couchant lointain, on cherche toujours la pointe capable de succéder en sélection à Youssef El-Arabi (34 ans en février). En continuant de performer de la sorte, cette position devrait être réservée au Sévillan, afin de sublimer une génération pétrie de talent autour de Hakim Ziyech, Achraf Hakimi ou encore Amine Harit. Comme un clin d’œil, l’ancien Nantais – lui aussi de la génération 1997 – était d’ailleurs en train de distiller trois caviars avec Schalke pendant qu’En-Nesyri martyrisait la défense de la Real. Trois buts pour l’un, trois passes pour l’autre : ne reste plus qu’à le faire dans le même match, et avec un maillot rouge et vert sur les épaules.

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Par Félix Barbé

Propos de BK recueillis par FB.

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