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Yacouba Sylla : « Ma carrière est quand même semée d’embûches »

Propos recueillis par Marc Mechenoua
10 minutes
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Joueur souriant, le capitaine du Mali (vingt-six ans) et milieu de terrain de Montpellier revient sur un parcours en zig-zag fait de haut et bas, d'expériences inattendues. De son F1 de Clermont, à la Paillade et sa saison compliquée, en passant par les pelouses d'Aston Villa. À deux mois de la fin du championnat, il pense aussi à son avenir qu'il veut voir rimer avec stabilité.

Montpellier se déplace à Caen samedi prochain, votre club formateur, racontez-nous votre passage en Normandie ?J’ai été formé avec Sambou Yatabaré, qui joue au Werder Brême, mais aussi avec Molla Wagué, Emeric Dudouit, Clevid Dikamona et Thibault Moulin. Personnellement, je n’avais pas de contrat. Les autres joueurs étaient tous stagiaires, mais moi je n’avais rien. Juste une convention (qui n’a aucune valeur juridique, ndlr). J’ai joué pour les U18 et les U19, mais on m’a baladé à tous les postes. En gros, je dépannais. J’ai vraiment joué partout : attaquant, meneur, milieu droit et gauche, latéral aussi. Ça m’a porté préjudice pendant toute ma formation. Le seul poste auquel je n’ai pas joué, c’est défenseur central ! Et puis un jour, on a eu une réunion avec le coach (Sébastien Bannier, ndlr) et il me dit que si je voulais faire carrière, il fallait que je joue latéral droit. À la fin de la saison de CFA, il a même fallu que j’aille dans son bureau pour savoir si j’étais gardé. Et là, il me dit : « Oui, on te garde, mais on ne pourra pas faire d’efforts financiers. »

J’ai décidé de quitter Caen. Trois semaines plus tard, je me retrouve en D1 hongroise pour un essai au Vasas SC de Budapest…

Qu’avez-vous décidé ?Avec tous ces discours, j’ai décidé de rentrer à Étampes chez ma famille. À ce moment-là, j’ai dix-neuf ans et trois semaines plus tard, je me retrouve en D1 hongroise pour un essai à Vasas par l’intermédiaire de la post-formation à Caen. J’arrivais dans un monde d’adultes face à des colosses, des mecs de l’Est forgés à un football très physique. Moi, j’étais obnubilé par mon contrat professionnel. On m’aurait proposé l’Azerbaïdjan, j’y serais allé. Même si je savais que dans ces pays-là, ça allait être difficile. L’essai était concluant, mais je n’ai finalement pas accepté parce que ma mère m’a dit : « Rentre, si Dieu le veut, tu auras quelque chose de mieux. »

Comment êtes-vous passé d’un essai en Hongrie à Clermont ?Avant Caen, j’ai joué à Montferrand en U16 nationaux. Donc j’ai gardé des liens avec des anciens coéquipiers qui m’ont appelé, et notamment Medhi Moktari, qui m’a aidé à décrocher un essai à Clermont deux ou trois semaines après mon test en Hongrie. J’ai passé quatre jours avec Jean-Noël Cabezas (actuel entraîneur des U19, ndlr), qui m’a fixé par la suite au poste de milieu récupérateur. L’essai a été concluant, mais le problème, c’est que financièrement il ne pouvait pas faire beaucoup d’efforts. J’ai signé un contrat d’avenir avec la mairie. En échange, j’étais rémunéré 800 euros et je devais effectuer certaines tâches auprès du club, tout en étant un joueur de la CFA. Et ils n’avaient pas de centre de formation, donc pour me loger je n’avais pas d’autres choix que d’être hébergé par mon ami Medhi Mokthari, on vivait avec un autre ami dans un F1.

Pour me loger, je n’avais pas d’autres choix que d’être hébergé par mon ami Medhi Mokthari. On vivait avec un autre ami dans un F1.

Quel a été le déclic ?En faisant une opposition avec les pros de Clermont en début de saison, je marque deux buts et, cette semaine-là, les trois milieux récupérateurs sont blessés. Je me rends compte que le coach Michel Der Zakarian va me titulariser. Je n’ai que dix-neuf ans, ça se passe plutôt bien pour une première, tout en sachant que ça faisait seulement un mois que je m’étais fixé au poste de milieu défensif. Après ça, j’ai enchaîné toute la saison titulaire. Der Zakarian a eu un rôle vraiment important dans ma formation. Lui, il a cru en moi et m’a toujours fait jouer.

Après, tout s’est enchaîné très vite, non ?Deux mois après le début de saison, j’ai intégré l’équipe de France Espoirs (il a fait deux matchs, ndlr). Je venais de signer mon premier contrat pro en décembre, après 17 matchs en L2. J’y retrouve le sélectionneur Eric Mombaerts. C’était la génération Antoine Griezmann, Moussa Sissoko, Marvin Martin, Paul Baysse (liaison entre les générations 89 et 90, ndlr). Ma première saison entière, on a dominé toute la L2 jusqu’au mois de mars et ensuite, on s’est écroulé. À Clermont, je fais deux saison et demie en jouant notamment avec Romain Alessandrini, Sloane Privat, Romain Saïss ou Yannis Salibur, où j’ai aussi été coaché par Régis Brouard qui a été important et qui m’a dit un jour : « Tu seras surpris. Un club viendra toquer à ta porte et ça ne sera pas un club moindre. » Et au mercato suivant, je signais à Aston Villa.

Passer de la L2 à la Premier League, sans jouer en L1, ça a dû étonner ?Quand je suis arrivé là-bas, tout le monde se demandait d’où je sortais : un petit joueur de L2 , sans expérience. Du coup, Gérard Houllier, qui était l’ancien coach du club, avait répondu dans la presse que j’étais un joueur qui pouvait jouer dans la plupart des clubs de L1 et que j’étais un très bon choix. Le coach, Paul Lambert, m’a fait jouer en box to box, et je me suis vraiment éclaté parce que l’on ne m’avait pas recruté pour être un joueur figé, qui devait récupérer et donner le ballon. J’étais dans le dépassement de fonction et c’est là que je suis le meilleur.

Là-bas, on te prend en photo en cachette, il fallait faire attention.

Que retenez-vous de ce passage en Angleterre ?À ce moment-là, c’était le seul club avec Manchester United qui n’avait jamais connu la relégation. J’étais dans un club avec une grande histoire, mais je ne m’en rendais pas compte. Les installations, c’était un truc de malade, avec le jardinier qui était le meilleur du monde (Jonathan Calderwood, ndlr) et des pelouses parfaites. C’est pour ça que le PSG l’a recruté. Quand je suis arrivé au centre d’entraînement, qui est gigantesque , je vois un dôme pour s’échauffer, un terrain synthétique et je me suis dit : « Dans quel monde je suis ? » Le défaut que j’ai eu pendant ces deux ans, c’est que je n’ai pas réalisé assez vite où j’étais. Quand tu n’y joues plus, tu te rends compte qu’à Swansea, Sheffield United ou ailleurs, une fois que t’es professionnel, t’es considéré comme une star. Pour eux, c’est un truc de fou de voir des joueurs de Premier League manger au restaurant, de les voir se balader dans un centre commercial. Ça n’avait rien à voir, là-bas on te prend en photo en cachette, il fallait faire attention à ce que tu faisais et où tu allais, sinon c’était le scandale direct. Du coup, j’ai appris à me professionnaliser par rapport à tout ça et à créer une bulle autour de moi.

Vous sembliez être bien dans ce championnat. Pourquoi l’avoir quitté pour la Turquie ?La deuxième saison à Aston Villa, je n’ai fait qu’une dizaine de matchs. Je voyais des joueurs de mon âge évoluer en L1 et j’ai été pris de panique, en me disant que j’allais être freiné dans ma progression, car je ne jouais pas beaucoup. Je me suis trompé. C’est l’un des plus grands regrets de ma carrière, d’avoir été aussi impatient et d’avoir écouté les mauvaises personnes. J’ai été mal conseillé par des personnes qui m’ont vendu un projet pour me relancer, en me disant que j’allais être visible et reconnu du côté de Kayserispor. Après, sur le plan humain, c’est la saison où j’ai le plus appris. À vingt-trois ans, c’était un choc culturel et j’étais livré à moi-même. Il fallait avoir les nerfs solides pour faire une saison pleine. Je suis parti dans un championnat qui est connu pour avoir des retards de salaire, pas dans tous les clubs, et moi, j’ai connu ça. Mais je ne fais pas de chichi, j’ai fait ce choix, donc je dois aller jusqu’au bout, et l’objectif, c’est de travailler. Ça a été le cas, car c’est la saison où j’ai le plus joué, avec les mêmes libertés que j’avais à Aston Villa.

La Turquie ? À vingt-trois ans, c’était un choc culturel. Il fallait avoir les nerfs solides pour faire une saison pleine.

Et en dehors du terrain, vous avez dû avoir des expériences marquantes, non ?Un souvenir m’a marqué là-bas. On est à la fin du championnat pour jouer le maintien à Mersine. J’étais avec John Boye, Georges Mandjeck et Kader Mangane à cette époque-là. Veille de match, on est à l’hôtel avec toute l’équipe et on s’apprête à dormir. Et vers deux ou trois heures du matin, on entend du bruit : on se rend compte que dans l’hôtel, il y avait un mariage. Ça n’a pas plu aux dirigeants, on était en pleine lutte pour le maintien. Et puis j’entends qu’un dirigeant sort de sa chambre, mais comme il parle en turc, je ne comprends rien. Trente minutes plus tard, j’entends que ça se bagarre et que le président se bat avec un type. Après, les joueurs turcs sont sortis de leur chambre et ont commencé à s’embrouiller avec les gens présents au mariage. C’était sérieux, il y a eu du sang ! Avant qu’il y ait l’intervention de la police, ça s’est battu pendant presque une heure. Ensuite, comme si rien ne s’était passé, chacun est rentré dans sa chambre et il n’y a pas eu de suite. Le lendemain, on a fait 0-0, mais ça n’a pas été suffisant pour se maintenir.

Après une saison en Turquie, vous revenez en France, à Rennes, et tout se passe bien jusqu’aux changements de coach…Lorsque je suis venu à Rennes, c’est Philippe Montanier qui m’a fait confiance. Juste avant son départ, j’étais titulaire et je jouais tous les matchs. Après, j’étais éloigné des terrains à cause d’une blessure, ensuite Rolland Courbis est arrivé et, sur la fin de saison, j’étais un peu en difficulté. Ensuite, pendant la préparation l’été dernier, je suis le joueur le plus utilisé. Je joue tous les matchs avec Christian Gourcuff. Tout se passe pour le mieux et j’adhère au projet du coach. Je n’avais qu’une hâte, c’était travailler avec lui. Et il s’avère que le premier match de L1, je suis relégué sur le banc, et sur le deuxième, je suis hors du groupe. Je ne le digère pas et donc je décide de solliciter la direction pour envisager un départ. Je n’avais pas envie de souffrir cette saison-là. En plus, il y avait la Coupe d’Afrique et c’est un de mes objectifs. Avec le Mali, j’ai un statut. Je suis capitaine de la sélection et je ne pouvais pas me permettre de venir avec un statut de remplaçant.

Aujourd’hui, je suis bien à Montpellier. Après sur le plan sportif, ce n’est pas la saison que j’espérais.

N’aspirez-vous pas à plus de stabilité désormais ?Avant tout, j’ai envie de prendre du plaisir. Depuis que je suis professionnel, je n’ai jamais été exploité à 100% de mes qualités et je sais que j’ai une grosse marge de progression. Aujourd’hui, je peux dire que je ne suis qu’à 60% de mes capacités. Dans ma carrière, j’ai rencontré très peu de personnes qui m’ont fait confiance par rapport à mon football. Quand tu retraces ma carrière, elle est quand même semée d’embûches : à Caen, je ne suis pas gardé. À Aston Villa, je dois me battre pour gagner ma place parce que je suis un joueur qu’on ne connaît pas. J’ai besoin qu’on me fasse confiance dans la durée. C’est ça qui m’a manqué. Mes changements de club ont souvent été dictés aussi par une Coupe d’Afrique, parce que je veux toujours y être compétitif. Maintenant, j’aimerais évoluer dans un environnement qui me permettra de m’inscrire sur du long terme et me fera me dire qu’à la fin de ma carrière, je ne regretterai rien. Et je sais que si je trouve ça, je vais rendre heureux cet environnement-là. Ça peut être pris comme de l’arrogance, mais j’ai confiance en mes qualités.

Serez-vous toujours à Montpellier la saison prochaine ?Je ne dis pas que je ne serai plus à Montpellier ni à Rennes. Je suis prêté avec option d’achat, je ne connais pas la position des deux clubs, mais j’espère que l’on va se rencontrer très rapidement pour pouvoir en discuter. Aujourd’hui, je suis bien à Montpellier. Après, sur le plan sportif, ce n’est pas la saison que j’espérais (il a joué 14 matchs, ndlr). Depuis mon retour de la CAN et avec la concurrence, ça s’est un peu compliqué. J’ai été prêté pour ça et, finalement, les choses se répètent depuis que je suis revenu en France : on ne me fait pas confiance dans la durée. À la base, je n’avais pas été recruté pour être un complément d’effectif. Et depuis que je suis revenu de la CAN, je n’ai fait que deux matchs titulaire. Après, j’accepte les choix du coach, je ne revendique rien, le travail finira par payer. J’espère juste que je me stabiliserai, que ce soit à Montpellier ou ailleurs.

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Propos recueillis par Marc Mechenoua

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