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Salvador Daley
Si l'on n'a jamais douté de la capacité de Daley Blind à se fondre dans le moule mancunien tout en le transformant en profondeur, le Néerlandais en a fait la démonstration ultime face à Leicester City. Le boss du Manchester United de Van Gaal, c'est lui. Ne reste plus qu'à l'admettre.
On dit toujours que recoucher avec son ex est une monumentale erreur. Ce samedi, Daley Blind a prouvé le contraire. En usant de son plus beau pied gauche pour délivrer un amour de passe en cloche à cette âme en peine de Robin van Persie pour le premier but de Manchester United, le polyvalent néerlandais a ranimé le feu d’une romance entamée un soir d’été dans la moiteur de l’Arena Fonte Nova de Salvador de Bahia face à l’Espagne. Sur son banc, Louis van Gaal exulte : lui aussi avait décidé de remettre le couvert avec son ex, repositionnant pour la première fois Blind devant la défense depuis presque trois mois. Face à Leicester City, Daley a fait la pluie et le beau temps sur le terrain. Outre cette passe décisive pour Van Persie, l’ancien de l’Ajax en a délivré une seconde pour Wes Morgan, le défenseur jamaïcain des Foxes poussant dans ses propres filets le ballon suite à une déviation du fils de Danny sur corner. Comme un symbole, c’est avec un Daley Blind sorti de son match que les visiteurs sont parvenus à sauver l’honneur à la 80e grâce à Wasilewski, le n°17 s’étant pris un ballon dans la tronche au début de l’action. Voilà pour la partie émergée de l’iceberg Blind contre Leicester. Côté coulisses, l’abattage du Batave sur ce match relève autant de la perfection que du magnétisme : cent vingt et un ballons touchés, trois tacles offensifs, cinq interceptions et quatre relances bonifiées avec 94% de passes réussies. Taille patron, donc.
Rémy Bricka en concert à Old Trafford
Avant de rendre sa meilleure copie face à Leicester, Daley Blind avait pris le temps de répondre aux assertions de ce bon vieux trash talker de Gary Neville, qui déclarait en novembre dernier que Blind « faisait beaucoup trop de passes latérales et choisissait la facilité » . Morceaux choisis dans le Daily Mail : « Il y aura toujours quelqu’un pour dire quelque chose sur les entraîneurs ou les équipes, sinon il n’y aurait aucun intérêt à regarder la télévision. Je peux supporter la critique. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent à la télévision. Tu entends ce qu’ils disent, mais je pense avoir joué de bons matchs. […] Bien sûr, c’est bien d’aller parfois de l’avant avec le ballon. Mais c’est bien aussi de garder la possession du ballon et de faire mieux jouer tes partenaires. » Et les chiffres lui donnent raison. Manchester United a eu 71% de possession de balle lors de la victoire face à Leicester City. Dans le Daily Mail, Blind poursuit : « Je peux rendre les autres joueurs plus importants que moi. Si je peux faire ça en changeant l’orientation du jeu ou en attendant le moment propice, je le ferai. » En plus de mettre un taquet viril mais correct à l’ancien arrière latéral de Man U, Blind fait la démonstration d’une chose : il est l’apôtre de la doctrine que Van Gaal cherche à appliquer au club mancunien comme il a tenté de le faire dans tous les clubs où il est passé. Collectif, possession, mouvement. Modelé à l’Ajax par Frank de Boer, dont les préceptes se rapprochent énormément de ceux de l’homme au goître, Daley Blind a appris à devenir le Rémy Bricka de l’effectif. Défenseur gauche, central, milieu défensif, milieu gauche et parfois même milieu central, le fils de Danny peut à peu près tout jouer, à condition qu’il puisse utiliser son pied gauche. Ce qui n’a pas empêché le joueur de déclarer à l’issue du match à la BBC qu’il « préfère un petit peu plus jouer au milieu » . T’inquiète pas Daley, nous aussi.
JH très sérieux ch. leadership grand club UK
Malheureusement pour Blind, le basculement des fondamentaux de jeu ancrés dans le caryotype des Red Devils, orchestré par Van Gaal, a mis du temps à se mettre en place. Et pendant qu’il se remettait de sa blessure au genou, le joueur néerlandais voyait Michael Carrick, le gardien de l’entrejeu et des valeurs mancuniennes, revenir en grâce à Old Trafford en même temps que le club enchaînait une série de onze matchs sans défaite entre novembre et janvier. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les certitudes de l’inconscient collectif anglais sont sans doute plus difficiles à changer que celles de Louis van Gaal. Et même si Daley Blind fait bouger les lignes sur le terrain comme sur sa passe décisive pour Van Persie, celles des journalistes, elles, restent invariablement dévouées à Carrick. Sauf qu’à trente-trois ans, le soldat de Sir Alex Feguson n’est pas éternel – il est d’ailleurs blessé pour tout le mois de février. Darren Fletcher, dont la maladie chronique l’a longtemps empêché de revenir au niveau qui était le sien il y a encore quelques années, s’est tiré du côté de West Brom. Jusqu’ici, Manchester United a pléthore de leaders charismatiques : Rooney, Robin van Persie, voire Ángel Di María, ou à un degré moindre Juan Mata. Ne lui manque plus que ce leader de l’ombre, celui qui force le respect par sa feuille de service. Il y a une place à prendre, et du haut de ses vingt-quatre ans, Blind n’attend que ça. Ça et qu’on lui montre un peu d’amour en retour. À ce titre, le 25 janvier dernier, les fans de l’Ajax disaient adieu à Blind de belle manière lors du Klassieker face au Feyenoord en déployant un immense tifo affichant un portrait du joueur surplombé d’un « Daley Bedankt !!! » (Merci Daley !!!, en néerlandais). Comme un ex peu revanchard. Maintenant, on en est sûr : Daley Blind a définitivement commencé sa romance avec Manchester United.
Par Matthieu Rostac