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Quand je pense à Fernando…

Par Mathias Edwards
5 minutes
Quand je pense à Fernando…

Blessé au genou depuis février 2016, Fernando Cavenaghi a dû se rendre à l'évidence. À trente-trois ans, l'ancien attaquant international argentin qui a fait l'essentiel de sa carrière à River Plate et à Bordeaux met fin à une carrière rythmée autant par les buts que par l'amour.

« There was something in the air that night / The stars were bright, Fernando / They were shining there for you and me / For liberty, Fernando / Though we never thought that we could lose / There’s no regret / If I had to do the same again / I would, my friend, Fernando. » La chanson d’Abba, qui porte ton prénom, semble avoir été écrite pour toi, par un supporter de River Plate ou des Girondins de Bordeaux. Et ce, peu importe si elle a été publiée en 1976, sept ans avant ta naissance, et qu’elle raconte un dialogue entre deux vétérans de la révolution mexicaine. Car quand tu pénétrais sur une pelouse, un parfum de liberté flottait dans l’air, en plus de celui des fumigènes. Un effluve qui empêchait d’envisager la défaite autant que les regrets. Et si nous devions revivre la même histoire, nous ne changerions rien, mon ami Fernando.

L’idole de Lescure

Les supporters de River Plate, où Fernando Ezequiel Cavenaghi a débuté à seize ans, le savaient déjà. Les Bordelais l’ont vite découvert. L’homme de General O’Brien, le bled argentin qui l’a vu naître, n’est pas simplement un buteur en série. Il est même bien plus. En janvier 2007, lorsqu’il débarque en Gironde en provenance de Moscou, pour remplacer la légende Lilian Laslandes, les fans bordelais le connaissent surtout comme l’homme qu’on s’arrache à chaque partie de Football Manager. Un jeu que Ricardo n’a visiblement que très peu pratiqué. Sous les ordres du coach brésilien peu porté sur l’offensive, Cavenaghi peine à s’imposer, et n’inscrit que 2 buts lors de sa première demi-saison bordelaise. Il lui faudra attendre la saison suivante, et l’arrivée de Laurent Blanc dans le 33, pour mettre fin aux préliminaires, et véritablement consommer son idylle avec un peuple marine-et-blanc qu’il déposera au septième ciel. Le premier coup de boutoir a lieu en Finlande. À l’occasion d’un premier tour de coupe de l’UEFA à l’ancienne, sur la pelouse de Tampere, Cavenaghi claque son premier doublé pour les Girondins. Son second but, une merveille de lob de volée au bout des arrêts de jeu, ne fait qu’annoncer le début d’une nuit d’amour qui durera trois saisons. S’ensuit une pluie de buts en tout genre. Pêle-mêle, il y eut cette frappe enroulée au premier poteau face à Auxerre, ce double une-deux victorieux avec Wendel face à Metz, cette frappe de mule à Lille ou ce coup franc envoyé dans la lucarne d’Ajaccio. Mais surtout, énormément de buts de renard, inscrits dans toutes les positions que le football autorise. Du droit, du gauche, de l’intérieur ou de l’extérieur du pied, de la tête face ou dos au but, en talonnade ou en aile de pigeon. C’est bien simple : envoyez un ballon en l’air au hasard, il retombera irrémédiablement sur Fernando Cavenaghi. Et puis, il y a cet amour du piqué face au gardien, preuve d’une parfaite maîtrise technique. En tout, 47 cageots qu’un internaute a compilés dans une vidéo devenue mythique, rythmée par la musique qu’Ennio Morricone a composée pour « Le Professionnel » . Car comme « Bébel » , « Cavegol » ne rate jamais sa cible. En 2008, il inscrit la bagatelle de 29 buts pour Bordeaux. C’est cinq de plus que la vedette Karim Benzema. Chacune de ses réalisations est suivie d’une célébration aussi belle que spontanée, en totale communion avec le public. Ce qui vaut rapidement à Cavenaghi l’honneur d’avoir son propre chant dans le Virage Sud de Lescure. Un privilège rare, à Bordeaux. Avant lui, seuls Lilian Laslandes, Marcio Santos et Didier Sénac y avaient vraiment eu droit. C’est bien simple : quand son idole joue, Lescure se transforme en mini-estadio Monumental. Les papelitos sont de sortie, en même temps que les drapeaux argentins. Fernando Ezequiel Cavenaghi est une fête à lui seul.

River Plate, l’amour de jeunesse

Il arrive parfois que Frédéric Beigbeder voie juste. C’est le cas lorsqu’il écrit que l’amour dure trois ans. Au terme d’une saison 2009-2010 au finish catastrophique pour les Girondins, qui terminent 6e après avoir été champions d’automne, Fernando Cavenaghi est las de ne devoir jouer que les « petits » matchs, Laurent Blanc préférant aligner le seul Marouane Chamakh en pointe lors des grosses oppositions. Et l’arrivée de Jean Tigana sur le banc bordelais n’y change rien. Fernando se fait prêter à Majorque, persuadé que le championnat espagnol est fait pour lui. Il se trompe. Six mois plus tard, il prend la direction de l’Internacional de Porto Alegre, dans le cadre d’un nouveau prêt, tout aussi foireux. Pendant ce temps-là, Bordeaux galère avec Anthony Modeste et Moussa Maazou. Le doublé championnat-Coupe de la Ligue de 2009 semble déjà si loin. En fin de saison, les deux partis se rendent bien compte que le fameux « break » amoureux n’a pas fonctionné. Il ne fonctionne jamais. Le contrat est rompu à l’amiable. Et c’est dans les bras de River Plate, son amour de jeunesse relégué en D2 argentine, que Cavenaghi va se rassurer, en faisant remonter illico « El Millonario » parmi l’élite. Sa mission accomplie, il se laisse aller à des aventures sans lendemain, avec les Espagnols de Villarreal et les Mexicains de Pachuca, pour finalement revenir une troisième fois à River, où il remporte une Sudamericana et une Libertadores, avant de filer sous le soleil de Chypre. Avec l’APOEL Nicosie, il claque 23 buts en 26 matchs, avant cette blessure au genou qui aura raison de sa carrière.

Depuis son départ des Girondins en 2010, Fernando Cavenaghi n’a cessé de clamer son amour pour le club au scapulaire. En 2013, alors qu’il évolue chez les Mexicains de Pachuca, il va jusqu’à déclarer au site Girondins33.com que « quitter les Girondins a été la plus grosse erreur de [sa] carrière. » Rebelote en novembre 2015, lorsqu’il nous confiait avoir tenté de joindre Jean-Louis Triaud, alors qu’il était libre après la fin de son contrat à River. Alors oui, le cœur de Cavenaghi a beaucoup balancé durant sa carrière. Oui, cet homme libre a parfois préféré flirter plutôt que de s’inscrire dans une relation durable. Mais comme le chantait Abba, les étoiles scintillent pour toi et moi, et pour la liberté, Fernando. Je t’aime, Fernando.

Dans cet article :
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