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JO 2000 : Le lion est or

Par Florian Cadu
5 minutes
JO 2000 : Le lion est or

Il y a 21 ans, le Cameroun remportait en Australie sa toute première médaille d’or aux Jeux olympiques grâce à son équipe de football menée par Samuel Eto’o et Patrick Mboma. Ronaldinho, Zamorano, Xavi, la mafia asiatique : rien n'a résisté aux Lions Indomptables lors de cette épopée.

Et dire que l’épopée aurait pu s’arrêter dès les quarts de finale… Et dire que l’aventure aurait pu s’achever avec quelques mauvais billets glissés. C’était mal connaître le Cameroun qui, avant d’affronter le Brésil lors des Jeux olympiques 2000, aurait reçu une proposition d’enfer : 600 000 dollars par joueur, de la part de la mafia asiatique, pour… perdre le match 2-1. Offre refusée et racontée par Serge Branco, 20 ans et joueur de Bundesliga à l’époque, dans les colonnes du Matin: « Durant le quart de finale, nous n’étions pas tranquilles.« Putain ! On n’a pas pris les sous. Si on perd vraiment 2-1, ces mecs-là vont gagner des millions et nous rien. » Alors nous avons tout fait pour que le boss et sa bande ne gagnent pas. C’était une motivation incroyable. En cas de victoire, on pouvait même dire :« Regardez, on n’a rien pris et on a gagné. » » Et de quelle manière…

Car ce 23 septembre, à Brisbane, la miraculeuse histoire démarre vraiment pour les Lions indomptables. Face à Ronaldinho Gaúcho ou Lúcio, à neuf contre onze (expulsions de Aaron Nguimbat et Geremi Njitap) et après avoir encaissé une égalisation à la 92e minute de Ronnie sur coup franc (qui répond à l’ouverture du score précoce de Patrick Mboma, au quart d’heure de jeu), les futurs champions trouvent l’énergie de sortir la Seleçãoen prolongation grâce à un pion de Modeste Mbami. Le point de bascule, selon Patrick Suffo : « Cette partie, que nous avons subie et que nous avons gagnée au mental, a clairement constitué le déclic pour la suite de la compétition. C’est là qu’on a senti qu’on pouvait réaliser quelque chose de grand. C’est LE match du tournoi. »

Mboma renversant, Kameni record

Guidée par un Mboma phénoménal (deuxième meilleur scoreur de l’épreuve, avec quatre réalisations, soit une de moins que le Chilien Iván Zamorano), la sélection de Jean-Paul Akono réalise ainsi deux exploits supplémentaires par la suite. Dos au mur suite à un CSC de Patrice Abanda à la 78e en demies contre le Chili de Zamorano et Marcelo Salas, le Cameroun réagit et plante à deux reprises (Mboma 84e, Lauren 89e sp) pour se qualifier en finale. Arrive alors l’Espagne, qui attend le Cameroun avec un effectif impressionnant (Xavi, Carles Puyol, David Albelda, Juan Capdevila, Marchena…). Là encore, les Lions indomptables plient en concédant deux buts avant la mi-temps… mais ne rompent pas, et parviennent à refaire leur retard (avec notamment le seul caramel de Samuel Eto’o – alors sous contrat avec le Real Madrid – dans la compétition à la 87e) avant de tordre la Roja aux tirs au but. « En vérité, on a commencé à comprendre l’importance du truc seulement quand on est remonté à Sydney pour la finale. C’est là qu’on a croisé les plus grands athlètes du monde, et qu’on a pris conscience de l’ampleur planétaire de l’épreuve. Cette pression, je pense, nous a perturbés pour le début de la finale, rembobine Suffo. Mais qu’importe qu’on soit mené 2, 3 ou 4-0 : on ne paniquait jamais. Car on faisait des choses très spontanées, et on savait que nous pouvions renverser la vapeur à tout moment. On se sentait imbattable. »

Imbattable, y compris aux tirs au but donc. Seize piges au compteur et gardien au Havre, Carlos Kameni voit en effet la tentative d’Iván Amaya fuir le cadre et devient du même coup le plus jeune footballeur à remporter l’or olympique. Déjà deuxième nation du continent africain à rallier une finale de JO (quatre ans après le sacre du Nigéria aux États-Unis), l’équipe du Cameroun permet également au pays d’accrocher sa toute première médaille d’or aux JO. Depuis, seule l’athlète spécialiste du triple saut Françoise Mbango Etone les a imités et est montée sur la première marche du podium (2004 et 2008). Une performance d’autant plus impressionnante que les conditions entourant la sélection ne sont pas franchement idéales. D’abord d’un point de vue sportif, les JO australiens ne faisant pas forcément rêver. « Au départ, beaucoup de joueurs étaient réticents : c’était à l’autre bout du monde, la saison allait redémarrer… Donc certains cadres, comme Rigobert Song ou Marc-Vivien Foé, ont préféré décliner l’invitation » , remet Suffo. Dès lors, les premières rencontres poussives (victoire 3-2 contre le Koweït, nuls 1-1 face aux États-Unis et à la Tchéquie) et la deuxième place du groupe B considéré comme facile n’offrent pas de grands espoirs de sacre.

Histoire d’argent, épisode 2

Surtout, le Cameroun s’emmêle dans des problèmes de primes. « On a failli boycotter la finale, raconte Mboma. La menace de grève a été décidée à minuit, alors que la finale était à midi. Il s’est avéré que le Cameroun, avec sa magie, est capable de nous dire à minuit qu’il n’y a pas d’argent et 8h du matin qu’il est tombé du ciel. La vérité, c’est que j’étais dans le bluff avec nos dirigeants. J’étais un peu le porte-parole du groupe. Il y avait pas mal de joueurs qui étaient prêts à boycotter cette finale pour leur donner une leçon. Ça aurait été très grave pour le football camerounais, puisqu’on aurait écopé de sanctions exemplaires, et dommageable pour l’image du football africain. Et puis, je doute que le comité olympique nous aurait donné la médaille d’argent après le forfait. Aujourd’hui, on ne parlerait pas de cet exploit mais du scandale que nous aurions causé (…) Heureusement que nos dirigeants ont réussi à calmer les choses, même s’ils sont mauvais et que ce sont des voleurs. »

Finalement, l’envie du groupe fait la différence de A à Z pour un résultat exceptionnel. En témoignent les propos de Suffo, encore : « À l’époque, on se connaissait presque tous, on était plus une bande de potes qu’autre chose. La moitié de l’équipe jouait régulièrement en équipe A, la plupart d’entre nous étaient copains depuis le plus jeune âge, ce qui donnait un groupe ultra solidaire. Si Sam Eto’o ou un autre ne marquait pas, très sincèrement, on s’en foutait. Le buteur pouvait être notre gardien, ça n’avait pas d’importance. À l’origine, nous avions juste l’objectif de revenir au pays la tête haute, sans avoir pris de raclée. » Au bout, c’est au contraire la grande porte de l’aéroport au retour du continent qui s’ouvre avec une foule « incroyable, inimaginable » , d’après Patrick Suffo. Un véritable lion d’or, dans la nuit camerounaise.

Dans cet article :
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Par Florian Cadu

Propos recueillis par FC, sauf mentions.

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