Mercredi, rebelote. L'ex-Madrilène est resté jusqu'à l'heure de jeu sur le terrain de St James' Park contre Newcastle, avant de céder une nouvelle fois sa place à Adnan Januzaj. Moins fringant, moins inspiré, il vit le douloureux apprentissage de l'adaptation au championnat anglais. Et prend de plein fouet le montant de son mirifique transfert l'été dernier – quelque 80 millions d'euros - qui fait de lui la recrue la plus onéreuse de l'histoire outre-Manche. Mais aussi, pour le moment, un échec manifeste.
Débuts endiablés et cœur avec les doigts
Manchester, 28 août 2014. Ce jour-là, lorsque Louis van Gaal arrive en conférence de presse, c'est avec un cadeau sous le bras qu'il prend place. Manchester United n'a toujours pas remporté un match et reste sur une humiliation en League Cup après une déroute sur la pelouse de Milton Keynes (4-0). L'été a pourtant été placé sous le signe de la révolution avec un recrutement massif (Ander Herrera, Luke Shaw, Rojo, Falcao...). À ses côtés, Di María sert son plus beau sourire et ses phrases toutes faites : « Je suis ravi de jouer pour Manchester United. Je veux aider l'équipe à retrouver la Ligue des champions. Je suis là pour aider le club à progresser dans son jeu et redevenir une équipe qui compte » . L'Argentin sort d'une Coupe du monde XXL avec sa sélection, d'une victoire finale en Ligue des champions et en Coupe du Roi avec le Real Madrid. Peu apprécié par Florentino Pérez, pas assez glamour pour la Casa Blanca, l'enfant de Rosario a clairement été poussé vers la sortie avec les arrivées successives de Toni Kroos et James Rodríguez, alors qu'il avait été érigé en pierre angulaire sous Carlo Ancelotti.
Comme dans chaque début d'idylle, Di María avait offert des premiers chapitres brûlants. Buteur à trois reprises lors de ses cinq premiers matchs et passeur décisif neuf fois lors de ses dix premières sorties, l'ancien Madrilène portait ses coéquipiers, donnait de la folie à un United dont la qualité de jeu flirtait (et flirte encore aujourd'hui) avec l'ennui le plus total. « Ça a bien marché pour Di María au début parce qu'il était bien physiquement et était beaucoup plus libre sur le terrain, assène d'entrée Jean-Luc Arribart, consultant Premier League pour Canal + qui a eu l'occasion cette saison de commenter plusieurs matchs des Red Devils. Il jouait surtout sur son côté de prédilection (milieu gauche dans le losange mancunien, ndlr), sans calculer, et avait à cœur de prouver qu'il était à la hauteur du club dans lequel il venait de signer. » Pendant que l'Argentin multiplie les cœurs avec les doigts sur les près, Louis van Gaal, lui, tempère cet optimisme béat : « Nous devons être meilleurs, Di María compris » .
Tentative de cambriolage et tâtonnement tactique
La « Tulipe de Fer » fait preuve de circonspection, et les semaines suivantes lui donnent raison. Après des premières prestations tonitruantes, le diamant argentin ne scintille plus. D'abord à cause d'une blessure aux adducteurs fin novembre qui le tient éloigné des terrains durant trois semaines. Mais c'est surtout la tentative de cambriolage dont il a été victime début février qui l'a ébranlé, ainsi que sa famille. Alors que le Mancunien déjeunait dans sa maison du Cheshire avec sa femme et sa fille, trois hommes armés de barres de fer ont tenté de forcer sa porte d'entrée. En parallèle de cet incident, les rumeurs quant à un supposé malaise en Angleterre du joueur – par ailleurs pas franchement amoureux de la langue de Shakespeare – affleurent dans les tabloïds anglais. « J'ai déjà parlé avec lui des conséquences humaines, et son environnement a aussi une influence sur lui, comme sur chaque être humain, expliquait récemment Van Gaal. Moi aussi, en tant que manager, je dois gérer cet environnement. Ça prend plus de temps pour lui ? OK, accordez-lui ce temps. » Depuis cette mésaventure, Ángel Di María n'est plus que l'ombre du top player qu'il était quand il est arrivé.
À sa décharge, l'ex-ailier de Benfica souffre à l'instar de ses coéquipiers du tâtonnement tactique de son manager qui, malgré le terme « philosophie » martelé à tout bout de champ, peine à dégager un système stable (3-5-2, 3-1-4-2, 4-4-2 en diamant ou 4-2-3-1) et une équipe type. « Le principal problème est avant tout le projet sportif. Les joueurs sont un peu perdus avec Van Gaal, ils doivent tous être en plein questionnement pour savoir où est-ce que leur manager veut aller, quel équilibre de jeu il souhaite mettre en place, explique Arribart. Certains jouent régulièrement à leurs postes, mais la plupart non. Di María se demande ce que le coach veut faire de lui. L'organisation de jeu est bizarre, le placement de certains joueurs est curieux, c'est-à-dire qu'il les déplace au gré de ses envies et surtout ne les stabilise pas à un poste. Ce n'est pas évident pour créer des automatismes et affiner des complicités au fil des rencontres. Comme il n'est pas dedans en ce moment, on voit qu'il porte beaucoup trop le ballon, qu'il ne fait pas de bons gestes, qu'il ne joue pas dans le bon timing, etc. Di María n'a plus de repères. » Aligné tantôt milieu gauche, tantôt ailier droit, voire au poste d'avant-centre, le joueur de l'Albiceleste n'a pas encore donné la plénitude de son talent. Mais il y a quelques semaines sur le site officiel du club, il a assuré que ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne prenne son envol : « Il y a eu plusieurs matchs durant lesquels les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je pense que cela fait partie de mon adaptation à un nouvel environnement et au jeu anglais. J'ai très bien commencé ici, les attentes autour de moi ont grandi, et tout le monde pensait que j'allais continuer à jouer de la même manière. Ça m'a toujours pris du temps pour m'installer pleinement dans chaque pays dans lesquels j'ai joué auparavant. » Le peuple mancunien l'espère en tout cas, lui qui a déjà vu tant d'anges briller au Théâtre des Rêves. Mais, aussi et malheureusement, se brûler les ailes.
Par Romain Duchâteau et Maxime Brigand
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