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C’est quoi ce bordel entre Nantais et Bordelais ?
D'abord interdits de séjour à Nantes ce dimanche, les supporters bordelais sont parvenus à arracher une autorisation restrictive dans les arrêts de jeu. Et seront finalement 250 à la Beaujoire. Mais pourquoi cette confrontation entre fans réputés plutôt calmes est-elle classée à haut risque ?
Une fois de plus, les supporters bordelais sont parvenus à faire plier les autorités. La dernière fois, c’était en mai 2015, lorsque les Ultramarines étaient parvenus à faire déplacer la réception de Nantes à 20h, au lieu de 14h, pour mieux fêter leurs adieux à Lescure. Cette fois-ci, c’est encore de Nantes qu’il s’agit, mais à la Beaujoire. Interdits de déplacement par arrêté préfectoral, les ultras bordelais y sont d’abord allés de leur communiqué, pour expliquer leur incompréhension, avant de décider de se rendre malgré tout à Nantes, afin de manifester leur mécontentement. Sous la pression, l’arrêté d’interdiction s’est transformé en arrêté de restriction. Finalement, les autorités autorisent la venue de 250 supporters des Girondins, à condition qu’ils soient « acheminés sur le lieu de la rencontre par transport collectif et sous escorte policière à partir du lieu et de l’horaire fixés par la préfecture de Loire-Atlantique au club de Bordeaux » . Mais pourquoi est-ce que cette rencontre fait autant flipper les forces de l’ordre ?
COMMUNIQUÉ OFFICIELULTRAMARINES BORDEAUX 1987 pic.twitter.com/YM1eJQWzof
— Brunet Florian (@FlorianBrunet78) 12 avril 2017
Beaucoup de lacrymogène
Dans leur communiqué publié mercredi dernier, les Ultramarines exprimaient leur incompréhension devant une telle mesure, déjà appliquée la saison dernière : « On parle d’une rencontre à haut risque, de graves antécédents entre les deux clubs, bref un tableau noir et totalement anxiogène. Un tableau, et toutes celles et ceux qui fréquentent les stades vous le diront, à mille lieues de la réalité. » Un constat que ne partage pas le préfet de Loire-Atlantique, qui publie dans son arrêté du lundi 10 avril 2017 la liste des incidents ayant impliqué supporters nantais et bordelais. Utilisation de moyens lacrymogènes en novembre 2013 à Bordeaux pour « repousser l’attaque d’une centaine de supporters bordelais voulant agresser les supporters nantais » . Intervention des forces de l’ordre en mars 2014 à Nantes à la suite de l’agression en centre ville de supporters bordelais par une centaine de supporters nantais. Nouvelle intervention avec des moyens lacrymogènes en décembre 2014 à Nantes pour maîtriser « une centaine de supporters bordelais ayant enfreint le dispositif réglementaire encadrant leur déplacement » . Et la suite d’énumérer la liste des incidents ayant émaillé chaque match entre les deux équipes jusqu’à l’interdiction des déplacements. Et de conclure que « les événements relatés supra mettent en évidence que chaque rencontre entre les deux clubs a conduit ces dernières années à des incidents » . Si la question de la bonne gestion du déplacement de supporters dans ce pays se pose une nouvelle fois (on parle à chaque fois d’une centaine d’individus), la question qui interpelle dans ce cas précis est : mais pourquoi Bordelais et Nantais se détestent-ils tant ?
Une rivalité avant tout sportive
La rivalité entre les deux institutions de la façade Atlantique est d’abord sportive. Et remonte à une époque que les ultras des deux camps n’ont pas connus. Le début des années 80. Avant de se frotter à l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie à partir de 1986, c’est face au FC Nantes que le Bordeaux de Claude Bez a d’abord dû ferrailler. Quand les Canaris sont champions en 1983, ce sont les Girondins qui sont leurs dauphins. Et vice versa en 1985, quand Bez remporte son premier championnat. En 1986, le PSG ne connaît que deux poursuivants : Nantes et Bordeaux. À l’époque, Nantes est déjà ce club formateur, qui mise sur ses produits maison. Et Bordeaux joue le rôle de l’arriviste, qui pille les enfants de la Jonelière, comme Thierry Tusseau, José Touré ou William Ayache. Le contexte crée forcément une rivalité, qui se transmet de génération en génération. Et qui donne à l’appellation « Derby de l’Atlantique » une saveur un peu moins factice que celle de « Derby de la Garonne » , opposant Bordelais et Toulousains. À la fin des années 1980, la création des groupes ultras fait basculer la rivalité dans une autre dimension. Si les Ultramarines se réclament d’une mouvance résolument antifa, certains groupes nantais penchent dans le sens inverse. Ce qui exacerbe la haine entre quelques poignées de supporters des deux camps, qui n’hésitent pas à se chambrer à grands coups de banderoles bien senties. Comme en 2013, lorsque les Nantais en déployaient une dans leur parcage de Lescure, avec l’inscription « Votre ville et la nôtre ont un point commun : Le FCGB ne nous intéresse pas. » Et les Bordelais de répliquer avant le match retour en affichant : « Aidons les Nantais à redescendre en Ligue 2… Tous à Nantes ! » Mais ça, c’était à l’époque où les déplacements étaient autorisés sans restriction.
Par Mathias Edwards