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Farioli, la promenade du philosophe

Par Andrea Chazy

Arrivé cet été en Ligue 1 avec ses idées et sa fraîcheur, Francesco Farioli (34 ans) a pour le moment récolté scepticisme, critiques plus ou moins fondées et surtout quatre matchs sans défaite avant le déplacement de son OGC Nice au Parc des Princes ce vendredi (20h45).

Farioli, la promenade du philosophe

La peur de l’inconnu est un sentiment universel que bon nombre de supporters niçois ont partagé ces dernières semaines, au cœur d’un été aux allures de brasier. À la suite d’un exercice précédent décevant, miné par les polémiques en tout genre, l’OGC Nice se devait de retrouver un guide solide. Le costume était taillé pour Franck Haise, mais Lens a dit non. Régis Le Bris ? Lorient s’est bagarré et a dit non aussi. Derrière, une ribambelle de patronymes excitants plus ou moins crédibles a été déroulée : Marcelo Gallardo, Graham Potter, Thiago Motta ou encore Davide Ancelotti. Finalement, c’est Francesco Farioli, 34 bâtons au compteur, chemise blanche près du corps et dégradé millimétré, qui a raflé la mise. Certains parleront de l’influence de son agent, le puissant Meïssa N’Diaye, qui aurait dégainé la carte Farioli après l’échec de son autre poulain, Régis Le Bris. D’autres verront là un choix aussi culotté qu’ambitieux de la part des dirigeants niçois, conscient de la relative inertie de leur projet et d’un souffle nouveau qu’il fallait urgemment instaurer.

Un profil atypique

Coup de sifflet final à l’Allianz Riviera, ce dimanche 27 août. Nice et Lyon se quittent sur un score nul et vierge et quelques sifflets descendent des travées de l’enceinte niçoise. Le fameux souffle nouveau se fait déjà attendre, et en conférence presse comme en zone mixte, Farioli et son aîné et capitaine Dante demandent tous deux la même chose : du temps. « Le public (doit comprendre) qu’on est en train de s’adapter à un nouveau mode de jeu, on apprend à se connaître avec le nouveau coach qui nous donne des nouvelles consignes », expliquait l’expérimenté défenseur de 39 ans. Bingo, puisqu’une semaine plus tard seulement, Nice décrochait avant la trêve son premier succès de la saison face à Strasbourg (2-0). Malgré une forme de scepticisme ambiant qui flotte autour du coach italien, l’OGC Nice sauce Farioli a déjà des arguments à faire valoir : il est toujours invaincu après quatre rencontres, possède le meilleur taux de passes réussies du championnat (93%) devant le PSG de Luis Enrique et une progression dans le jeu qui laisse entrevoir des prochaines semaines heureuses.

On savait tous qu’il deviendrait un grand coach, mais pas si rapidement dans un club comme Nice. Mais tant mieux, on veut que tout le monde comprenne à quel point il est doué.

Arnaud Lusamba, qui a connu Farioli en Turquie

Il faut dire que son profil a de quoi rendre fous les dirigeants de l’UNECATEF : Farioli n’a pas de carrière pro derrière lui, vient tout juste d’obtenir son diplôme d’entraîneur professionnel en cette rentrée de septembre, et arrive de Turquie où il a eu ses deux premières expériences comme entraîneur principal au Fatih Karagümrük puis à Alanyaspor, qu’il a quitté peu après le tremblement de terre qui a ravagé la Turquie en février dernier. « Honnêtement, on a tous été surpris quand on l’a vu arriver à Nice, pose aujourd’hui Arnaud Lusamba, ex-Aiglon qui a passé une saison avec lui à Alanya. On savait tous qu’il deviendrait un grand coach, mais pas si rapidement dans un club comme Nice. Mais tant mieux, car on souhaite vraiment que ça marche pour lui. On veut que tout le monde comprenne à quel point il est doué. »

Foot amateur, thésard et Jean-Paul Sartre

Pour comprendre l’origine de l’insolente précocité de Farioli, il faut traverser le tunnel du Mont-Blanc et échouer à Barga, sa ville natale. C’est au cœur de la Toscane que Francesco capte ses premiers ballons à la Polisportiva Margine Coperta, un club du coin sans ambition notable qui a quand même vu éclore un certain Giampaolo Pazzini. Mais Farioli n’est pas destiné à marcher dans les pas du « Pazzo », ni dans ceux de Buffon, Donnarumma et de tant d’autres légendes transalpines au poste de gardien. À 21 ans, alors qu’il passe déjà une partie de son temps à la fac de Florence pour y suivre un cursus de philosophie, le néo-coach de Nice raccroche les crampons et obtient en parallèle son premier poste d’adjoint au Fortis Juventus, un club semi-pro toscan qui navigue entre l’excellence régionale et la division semi-pro de Serie D. Il y reste cinq ans, le temps pour lui d’étancher en partie sa soif de connaissances et de boucler sa thèse intitulée : Philosophie du jeu : l’esthétique du football et le rôle du gardien. Un écrit aujourd’hui consultable à Coverciano, le Clairefontaine italien, qui aurait d’ailleurs pu ne jamais voir le jour. Tout simplement car lorsque l’étudiant Farioli propose ce sujet à son professeur Sergio Givone, ce dernier le recale dans un premier temps en lui assénant : « Farioli, ici on n’écrit pas pour la Gazzetta dello Sport. »

Une anecdote qui fait toujours rire l’ancien professeur une décennie plus tard : « Malgré ça, Francesco n’a jamais cédé. Je lui avais proposé de faire une thèse sur le jeu, mais il est revenu me voir et m’a dit : “Non, je veux faire une thèse sur la philosophie du gardien.” »  Dans sa classe, ce jeune homme décrit comme « solaire » et « très ouvert » se délecte des mots de Jean-Paul Sartre, d’Albert Camus et de tant d’autres penseurs de renom. Sa citation favorite ? « Le football est une métaphore de la vie. » « Je me souviens que l’on rigolait à ce sujet, car je le chambrais en lui disant que Sartre se trompait, que c’était la vie qui était une métaphore du foot, sourit l’érudit de 79 ans au bout du combiné. Il raconte d’ailleurs cela dans sa thèse, qui est la seule que j’ai eue sur le foot dans toute ma carrière : l’idée que le football contient une façon de voir la vie, sa propre philosophie, avec cette idée de gardien joueur et libre. »

De Zerbi, son Guardiola à lui

S’il n’est plus joueur, Farioli reste plus libre que jamais et va parvenir à croquer son rêve à pleines dents. Sa thèse n’est pas passée inaperçue, et le coach en herbe reçoit une bourse d’étude via l’association italienne des entraîneurs des gardiens. En marge d’un colloque, il fait la rencontre de Jarkko Tuomisto. Cet entraîneur des gardiens finlandais se lie d’amitié avec Farioli (il est aujourd’hui dans son staff à Nice) et file un précieux conseil à son poulain : écrire à Roberto Olabe, actuel DS de la Real Sociedad, qui bosse au Qatar afin d’intégrer en tant qu’entraîneur des gardiens l’une des équipes de jeunes à l’Académie Aspire. Là aussi, ça passe. Pendant deux ans, Farioli continue son apprentissage et dissèque en parallèle sur son site internet personnel le jeu des équipes qui lui plaisent. Jusqu’à un coup de téléphone qui va tout changer en octobre 2017. Au bout du fil, Roberto De Zerbi est impressionné par son boulot, et notamment son travail mis en ligne sur sa précédente écurie, Foggia.

Il lui demande alors tout bonnement d’intégrer son staff qui tente de ranimer un Benevento à l’agonie. Farioli franchit le pas et suivra même RDZ à Sassuolo jusqu’en 2020 et son envol pour la Turquie. « À Sassuolo, j’étais entraîneur des gardiens, mais surtout collaborateur à part entière, racontait Farioli à la Gazzetta dello Sport. L’espace que j’ai eu avec De Zerbi, je ne l’aurais trouvé avec personne d’autre, tant il m’a donné et permis de mettre sur la table. J’avais déjà mon Guardiola à moi. » Un héritage que Farioli assume et que ses joueurs ressentent. Arnaud Lusamba témoigne : « À Alanyaspor, on regardait les matchs de Brighton entre joueurs ou en déplacement à table avec beaucoup d’attention. On remarquait dans les mouvements et les circuits de passes des Seagulls des choses semblables aux nôtres, comme par exemple les deux centraux très rapprochés, qui prennent vraiment le temps, qui fixent l’adversaire. Il est obnubilé par le foot comme De Zerbi, tu sens qu’ils sont toujours à la recherche de nouvelles techniques, de nouvelles approches. »

Depuis le début de saison, comme dans toutes les équipes de Farioli, on retrouve aussi les deux centraux (Todibo et Dante) très rapprochés, qui échangent beaucoup de passes (79 entre les deux sur cette rencontre). Objectif : attirer le pressing adverse, alors que les mouvements des joueurs offensifs doivent ouvrir des portes dans la ligne défensive adverse…

… ici, Dante va profiter d’un Nyamsi attiré par Moffi et du bon appel de Laborde, qui ira buter sur Sels. Clé du football de Farioli : le jeu avec le tempo, avec une bascule permanente entre extrême patience et accélération subite une fois le jeu ouvert.

La quête d’un idéal

Une quête de l’innovation qui a ses bons et ses mauvais côtés. Côté pile : casser certaines idées préconçues poste par poste chez les joueurs et les obliger à voir le football différemment. « Il change un peu ta manière de jouer, détaille l’international congolais qui évolue aujourd’hui à Pendikspor. Par exemple, quand je jouais milieu défensif et que je donnais le ballon à mon défenseur central, il me disait tout le temps : “Follow the pressure.” Plutôt que de me rendre disponible en m’écartant de l’attaquant qui allait presser mon coéquipier, il me demandait de courir dans son dos à la même vitesse, puis de demander la balle à gauche ou à droite. C’est malin, car quand on y pense, c’est impossible à défendre, car on va à la même vitesse et personne n’a le temps de sortir sur nous. Au début, tu trouves ça bizarre, mais derrière quand tu le fais et que ça marche, tu comprends et tu fais évoluer ta façon de jouer. »

Tu sens que ce n’est pas méchant, mais il est tellement obnubilé par la perfection qu’il laisse le ressenti, les sentiments de côté.

Côté face : une attente de la perfection et parfois d’absence de plan B qui peut le pousser à oublier l’aspect humain de ses joueurs. « Tu sens que ce n’est pas méchant, mais il est tellement obnubilé par la perfection qu’il laisse le ressenti, les sentiments de côté, conclut Lusamba. Avec le temps, je pense que ça va s’améliorer et que ça va devenir un top, top coach. » Au Parc des Princes, pour ce qui ressemble à la plus belle affiche de sa carrière disputée sur un banc, Francesco Farioli serait totalement capable de citer son auteur favori en causerie d’avant-match pour ainsi dire à ses joueurs : « On n’est pas un homme tant qu’on n’a pas trouvé quelque chose pour quoi on accepterait de mourir. » Tel est le prix à payer pour la quête d’un idéal, et peut-être aussi d’un succès de prestige à Paris.

Dans cet article :
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Par Andrea Chazy

Propos de Lusamba et Givone recueillis par AC.

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