- Euro 2020
- Quarts
- Ukraine-Angleterre
Prends garde, Prince Harry, il y a Zabarnyi !
Ce samedi soir face à l'Angleterre (21 heures), l'Ukraine remettra à nouveau son destin en jeu dans cet Euro. Joueuse, mais bipolaire en phase de poules, la Zbirna a bien failli y rester. Mais après avoir piégé la Suède, elle ne veut plus voir les limites qu'on lui impose. Jusqu'à confier la garde du bomber de Sa Majesté, le prince Harry Kane, à Ilya Zabarnyi, 18 ans, fier trésor plus trop caché du Dynamo Kiev.
Ne lui parlez pas d’hubris, cette notion de démesure théorisée dans la Grèce antique et souvent si propre à l’homme lorsqu’il accède rapidement à un statut inattendu ou au succès. À peine majeur, Ilya Zabarnyi a vécu la saison des grandes premières et si, comme le stipule son hymne, « elle n’est pas encore morte », l’Ukraine le doit aussi pas mal à son jeune défenseur central d’1,89 mètre, premier protecteur de Heorhiy Bushchan. En neuf petits mois, le voilà passé sans accroc des U21 du Dynamo Kiev à un quart de finale d’Euro avec la Zbirna d’Andriy Shevchenko. Sa prochaine mission ? Rendre aphone Harry Kane.
Plus vite que la musique
Si la précocité semble être progressivement devenue une norme dans le football moderne, l’Ukraine ne s’était plus extasiée sur un stoppeur du cru depuis un moment. Né à Kiev il y a 18 ans et pur produit de l’académie du Dynamo qu’il a intégrée dès ses 13 piges, Zabarnyi a tout de la future fierté nationale, au pays des joueurs offensifs flamboyants, disciples d’Oleh Blokhin. Devenu le 15 septembre dernier le deuxième plus jeune joueur à disputer un match de Coupe d’Europe pour les Bilo-Syni, face à l’AZ Alkmaar en tour préliminaire de Ligue des champions, le Golgoth se montre souriant et accessible dans la vie de tous les jours, comme un symbole du nouveau souffle trouvé par la Zbirna ukrainienne sous Sheva.
Loin du climat politique pesant entourant le précédent taulier de la défense jaune et bleue, Yaroslav Rakitskiy, Zabarnyi se laisse suivre en bas de son immeuble, accompagné dans un café ou jusqu’à l’aéroport par un YouTubeur local pour fêter sa première convocation avec les Jovto-Blakytni. Une convocation transformée en sélection inaugurale face à la… France, dans un match un peu spécial. Seul le grand Serhiy Rebrov le dépasse à ce niveau-là dans le livre des records (débuts à 18 ans et 24 jours en 1992, contre 36 jours pour Zabarnyi).
Le Cosaque attend les lions
Une trentaine de rencontres en club, ponctuées d’un titre de champion en Premier-Liha ukrainienne sous l’aile du protecteur Mircea Lucescu, ont suffi pour faire de lui un repère défensif dans l’esprit de Shevchenko, qui l’aligne généralement dans son 4-2-3-1 aux côtés d’un joueur moins dissuasif, mais plus technique et bon tacleur : Mykola Matviyenko (Shakhtar Donetsk). Un peu en difficulté comme toute son équipe lors de la première mi-temps face aux Pays-Bas en ouverture (2-3), Ilya le large d’épaules a progressivement corrigé le tir. Serein maître des airs contre la Suède (2-1, ap), il cumule 100% de duels défensifs remportés en 120 minutes et étale son vrai visage : celui qui abandonne sa timidité apparente pour replacer ses partenaires et coordonner leurs déplacements du bras. Zabarnyi aime aussi sortir de la ligne arrière et presser le porteur de balle pour le pousser à la faute, tout en se découvrant peu grâce à son sens du placement et de solides appuis.
De là à chasser le décrocheur Harry Kane ? Nul doute que Gareth Southgate aura préparé la fiche Bristol pour la causerie, à défaut de l’analyse vidéo. Droitier plutôt agile malgré son gabarit de déménageur, Ilya ne met pas le feu au lac : il préfère jouer simple, à coups de passes courtes sécurisantes dans son camp (une cinquantaine par match) plutôt que de longues ouvertures, souvent imprécises quand il s’y essaie. Attention toutefois au nuage noir et à l’inexpérience des grands rendez-vous, malgré de beaux défis plutôt réussis cette saison contre le Barça et la Juventus : malheureux, le numéro 13 l’a été lorsque son genou gauche a dévié la frappe d’Emil Forsberg, pour l’égalisation suédoise en huitièmes de finale. En clôture de la poule C face à l’Autriche (0-1), il avait déjà été pris dans l’attaque du ballon sur le corner de David Alaba à destination de Christoph Baumgartner. Un aspect qu’il maîtrise mieux… sur les coups de pied arrêtés offensifs. Harry Maguire et John Stones sont également prévenus. Avant – qui sait – de les retrouver sur les billards de Premier League la saison prochaine ?
Par Alexandre Lazar