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Nicolas Usaï : « Quand on est entraîneur, il faut être une éponge »

Propos recueillis par Maxime Brigand
8 minutes
Nicolas Usaï : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand on est entraîneur,  il faut être une éponge<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a dix-huit jours, Nicolas Usaï, 44 ans, démissionnait de son poste d'entraîneur de l'Athlético Marseille. Le lendemain, Châteauroux décidait, de son côté, de se séparer de Jean-Luc Vasseur. Et le mariage : mercredi, Usaï a été intronisé nouveau coach d'une Berrichonne seizième de Ligue 2 et qui n'a remporté que deux rencontres depuis le début de saison. Voilà l'ancien pensionnaire du centre de formation de l'OM prêt à embrasser sa première aventure de numéro un dans un baquet professionnel. Entretien avant le grand saut, entre Mauricio Pochettino et une grosse excitation.

Comment on se sent à la veille de diriger son premier match de Ligue 2 ?Ma fille m’a posé la même question il y a une demi-heure et, pour être honnête, je ne suis pas stressé, mais plutôt excité et heureux. J’ai hâte d’être vendredi soir, 20 heures. Je n’attendais pas ça depuis longtemps, mais à partir du moment où j’avais eu l’opportunité de passer le BEPF et que j’avais désormais le diplôme nécessaire, évidemment que c’était devenu un objectif. J’ai aussi conscience que c’est quelque chose qui aurait pu ne jamais arriver.

Il paraît que vous n’avez pas hésité une seule seconde lorsque Châteauroux vous a appelé. Aucune hésitation. Premièrement, parce que c’est un club que j’ai affronté avec Istres, Marseille Consolat puis Sedan. Je suis déjà venu à Gaston-Petit, je connais. Deuxièmement, parce que c’est un club qui fait de la formation, beaucoup de jeunes sont sortis d’ici. Que ce soit la structure, le club, l’environnement, c’est quelque chose qui m’intéressait. J’ai aussi travaillé avec Calvin Mangan à Sedan, qui arrivait justement de Châteauroux et qui ne m’en avait dit que du bien.

Comment se passe une première journée avec un groupe ?Mercredi matin, il y a eu la présentation, et on s’est entraînés jeudi après-midi pour préparer notre match contre Ajaccio. Forcément, je me suis surtout appuyé sur Olivier Saragaglia (entraîneur adjoint depuis juin 2016, qui a assuré l’intérim vendredi dernier face au Paris FC), mais aussi sur le staff en place. Olivier connaît bien les joueurs, il a aidé le club à remonter en Ligue 2 au printemps 2017, donc automatiquement, il maîtrise le groupe.

Vous avez aussi travaillé sur le jeu de l’équipe en amont.Oui, j’ai visionné tous les matchs de l’équipe avant d’arriver. Il ne me manquait que le match de Brest, mais je me suis rattrapé depuis. Les deux premiers matchs m’intéressaient notamment d’un point de vue tactique, pour voir comment l’équipe évoluait à quatre derrière alors que je l’avais connu à cinq.

Le fait d’avoir suivi Tottenham sur une saison, puisque j’ai suivi tous leurs matchs la saison dernière, c’est sûr que c’est très marquant. Après, ça reste de l’utopie de vouloir faire un copié-collé de Pochettino ou Guardiola parce que chaque entraîneur, quelque soit la division, doit s’adapter aux caractéristiques propres de son effectif.

C’est du renseignement, mais tant que tu n’es pas avec ton groupe, tu ne peux pas savoir. Maintenant, on va apprendre à se découvrir, même s’il faut aller vite.

Pendant votre BEPF, vous avez été faire un stage à Tottenham, avec Mauricio Pochettino. Comment ça s’est fait ?Durant ta formation, tu dois faire un stage à l’étranger et j’ai la chance de connaître l’adjoint de Mauricio Pochettino, Miguel D’Agostino, qui est un ami avec qui j’ai joué à Angoulême au début des années 2000. On a passé nos diplômes ensemble, en France, et c’est grâce à lui que j’ai pu obtenir ce stage à Tottenham. Sincèrement, ça a été une expérience extraordinaire : tu découvres pendant une semaine un club de très très haut niveau, et à tous les niveaux.

Qu’est-ce qu’on demande à Mauricio Pochettino quand on est un entraîneur stagiaire ?On observe, déjà, et il faut savoir que c’est quelqu’un de très humble. Je suis resté cinq jours là-bas. Il fallait que je supervise un match – un West Ham-Tottenham, au Stade olympique de Londres – et le vendredi, j’ai eu deux entretiens avec Pochettino, deux fois deux heures, où on a échangé sur l’organisation, les principes… Il m’a montré beaucoup de séquences vidéo, donc c’était super intéressant.

C’est quelque chose qui vous a aidé à forger votre approche du jeu ?Avant de parler d’organisation, de systèmes de jeu, il faut parler de principes et d’attitudes collectives. Cet échange m’a donné des idées, a renforcé d’autres convictions… Vous savez, quand on est entraîneur, il faut être une éponge : être curieux, s’ouvrir à ce qui se fait ailleurs, et on peut trouver une idée en regardant par exemple un entraînement de 17 ans nationaux parce qu’on trouve un exercice intéressant. Le travail, ensuite, c’est de prendre ce qui t’intéresse.

Aujourd’hui, quand vous voulez piocher justement, où allez-vous ?Le fait d’avoir suivi Tottenham sur une saison, puisque j’ai suivi tous leurs matchs la saison dernière, c’est sûr que c’est très marquant. Après, ça reste de l’utopie de vouloir faire un copié-collé de Pochettino ou Guardiola parce que chaque entraîneur, quelle que soit la division, doit s’adapter aux caractéristiques propres de son effectif. C’est important d’avoir des principes, mais hier, je regardais un reportage sur Jardim où il livrait sa définition de ce qu’il appelle lui le pragmatisme, et il avait raison : il faut savoir l’être, parfois, pour avancer.

Vous êtes passé par le centre de formation de l’OM, où vous avez notamment connu Fabien Mercadal, aujourd’hui coach à Caen. Vous avez échangé avec lui sur cette Ligue 2 qu’il a connue l’an passé avec le Paris FC ?Simplement par textos. Je l’ai félicité lorsqu’il a signé à Caen et aussi lorsqu’il est venu au stade Vélodrome il y a peu parce que ça représentait quelque chose pour nous. Et lui m’a texté quand je me suis engagé ici. Après, même si c’est ma première expérience en tant que numéro un, j’ai déjà connu la Ligue 2 avec Istres il y a quelques années, où j’ai été adjoint pendant quelques saisons avec Stambouli et José Pasqualetti.

Le vrai apprentissage, ça a quand même été le National.

Si on en a la possibilité, il ne faudra pas hésiter à lancer des jeunes, ce qu’il s’est passé depuis toujours ici. On connaît les exemples : Mateta, Wissa, Flavien Tait… Ce n’est pas une question d’âge, mais de talent. Je serai curieux.

Certains entraîneurs parlent de ce championnat comme d’un laboratoire. Vous l’avez perçu comment, vous ? Le terme « laboratoire » est très vrai, car tu affrontes des équipes configurées en mode professionnel et d’autres qui sont plus dans le combat, l’agressivité, la solidité. Ma première expérience avec Consolat, c’était avec un club en difficulté puisqu’il arrivait de CFA et qui était dans la découverte complète. Résultat, on a essayé les systèmes, on a appris, on a été chercher des joueurs qui avaient besoin de s’épanouir… Au niveau personnel, il a fallu se creuser la tête parce qu’un entraîneur ne fait pas ce qu’il veut non plus : la capacité des joueurs à élever leur niveau entre également en compte. Certains l’ont fait et sont aujourd’hui en Ligue 2, voire en Ligue 1 comme Umut Bozok. J’ai même retrouvé Nama Fofana ici, à Châteauroux. C’est l’évolution des joueurs qui permet aussi aux entraîneurs d’évoluer.

Quelle est la mission aujourd’hui, à Châteauroux ? L’objectif, quand on arrive au mois d’octobre dans un club de Ligue 2, c’est de pouvoir se maintenir. Maintenant, on discute des forces du club au moment des discussions et notamment de la philosophie générale qu’il possède. Châteauroux, c’est un club formateur, donc dans ma réflexion, avoir une équipe de U17 Nationaux, de U19 Nationaux et de National 3, c’est du positif. Si on en a la possibilité, il ne faudra pas hésiter à lancer des jeunes, ce qu’il s’est passé depuis toujours ici. On connaît les exemples : Mateta, Wissa, Flavien Tait… Ce n’est pas une question d’âge, mais de talent. Je serai curieux.

En vingt ans, la Berrichonne a connu dix-sept entraîneurs. On y pense en s’engageant ou pas du tout ?L’avantage quand on arrive d’un championnat qui est bien en dessous et qui est incomparable avec la Ligue 2, c’est que ce n’est pas le genre de préoccupation qu’on a quand on s’engage. On connaît le métier et quand on se forme au BEPF, c’est un sujet : en Italie, la durée moyenne de vie d’un entraîneur n’est même pas d’une saison. Un coach est préparé à ça, et le BEPF te permet d’appréhender ça. On y parlait de foot, mais aussi de la posture du coach, de la psychologie. Honnêtement, ça a été une année très riche humainement, et j’ai encore eu mes formateurs par messages il y a quelques minutes. Le clin d’œil, c’est que je retrouve mon tuteur, Philippe Montanier, dès la semaine prochaine.

La Ligue 2, c’est aussi une manière de mettre à l’épreuve vos idées.Complètement. Je vais assumer mon identité, m’assumer moi-même et je vais tenté de transmettre. C’est la clé du métier : transmettre pour que les joueurs s’élèvent individuellement et collectivement. Le management, c’est de l’humain.

Et aussi de la technologie aujourd’hui, c’est aussi ce qui change avec un poste en Ligue 2.C’est une bonne question, car un entraîneur est toujours friand de ce qui se fait : les GPS, les plateformes de statistiques… Aujourd’hui, on a discuté avec l’entraîneur des gardiens, Jérémy Sopalski, qui est très pointu en matière de montages vidéo, il travaille avec un drone. Pour un entraîneur, c’est très intéressant. Le préparateur physique fait des relevés GPS. Pour moi, c’est du luxe. Et je dis ça aussi car j’ai eu l’habitude de travailler ces dernières années avec des adjoints qui découvraient le métier comme Eric Chelle ou Mamadou Niang, c’était un rapport de découverte. Là, je peux davantage déléguer et au-delà de la compétition, c’est ce qui fait aussi la richesse de cette expérience.

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