- Décisions arbitrales
Mais qui es-tu, l’annihilation franche d’une occasion de but ?
Hier, l’expulsion de Benoit Costil face au PSG a rendu dingue Frédéric Antonetti, mais a aussi galvanisé les Rennais, qui ont finalement décroché la victoire. L’arbitre de la rencontre, M. Fautrel, a justifié cette expulsion en plaidant l’annihilation d’une occasion de but. Mais c’est quoi, exactement ?
« Faute ! Dernier défenseur ! Rouge bordel, rouuuuge ! Comment ça, « yaparouge » ? Et « yapéno » au moins ? Oui ? Bah c’est n’importe quoi alors » . On connaît le refrain. Ou du moins, un refrain similaire. Même si elle n’a fait que rendre plus héroïque la victoire rennaise, l’action d’hier, au Parc des Princes, a (encore) remis au centre des débats une règle un peu floue, pour tous. La désormais célèbre « annihilation franche d’une action de but » , également connue sous le nom de « anéantissement d’une occasion de but » . Sur le papier, cela semble assez clair. Pourtant, en situation, c’est beaucoup plus compliqué. Prenons la situation d’hier. Jérémy Ménez est lancé sur le côté gauche, Benoit Costil tente de le devancer en sortant de sa surface. Le gardien rennais tacle, prend le ballon, et fauche par la même occasion le Parisien. M. Fautrel n’hésite pas. Carton rouge. Sa justification ? Annihilation franche d’une action de but. Telle est son interprétation. Telle avait été, également, l’interprétation de M. Turpin, la semaine dernière, à l’encontre de Mamadou Sakho face à Montpellier. « Je trouve que le carton rouge pour Sakho, c’est un peu trop sévère. L’expulsion me surprend. Je serais revenu à la faute et j’aurais mis un carton jaune » avait assuré Luis Fernandez sur RMC à propos de cette expulsion. Preuve que la règle divise.
Le fameux « dernier défenseur »
Une première question se pose : où se situe la frontière ? Car si l’on veut jouer au con, on peut affirmer que toute attaque est potentiellement une action de but. Ce qui n’est pas totalement faux, au fond. Alors, quand peut-on réellement parler d’anéantissement d’une action de but ? Et surtout, quand cet anéantissement mérite-t-il un carton rouge ? Quand il n’y a plus d’autre(s) défenseur(s) derrière ? Bah, dans ce cas-là, on parlerait de « faute de dernier défenseur » , non ? Bah non. Tout simplement parce que cette règle du carton rouge pour le dernier défenseur n’existe pas. Nulle part. OK. Alors, pour y comprendre quelque chose, mieux vaut écouter directement les propos d’un arbitre. Stefano Braschi, ancien arbitre international et aujourd’hui représentant de la Commission nationale des arbitres en Italie, s’est expliqué en début de saison, lors de l’expulsion contestée de Brkić, le gardien de l’Udinese, pour une faute sur le joueur de la Juve, Giovinco.
« Il y a annihilation d’une action de but si l’attaquant va vers le but. Si sa course se dirige vers le but, et qu’il y a faute du défenseur ou du gardien, ce dernier doit être exclu. En revanche, si l’attaquant ne va pas vers le but, à savoir qu’il va vers l’extérieur, et qu’il y a faute, il peut y avoir coup franc, pénalty, carton jaune, mais pas carton rouge. Sauf si le geste est vraiment dangereux » . Cela fait beaucoup de « si » . En gros, on résume : si un joueur court vers les cages et est fauché, c’est rouge pour le faucheur. S’il court vers le poteau de corner, en revanche, c’est jaune. Et le règlement confirme. « Un joueur est exclu du terrain de jeu (carton rouge) quand il commet l’une des sept fautes suivantes : (…) anéantir une occasion de but manifeste d’un adversaire se dirigeant vers le but en commettant une faute passible d’un coup franc ou d’un penalty » . Pourtant, dans le cas de Ménez hier, le joueur du Paris Saint-Germain ne semble pas se diriger directement vers le but. Plutôt vers la ligne de sortie de but. Après, c’est la libre interprétation de l’arbitre.
Règle bâtarde pour les gardiens
N’empêche que la règle est assez alambiquée pour tous. D’autant que pour un arbitre, il est évidemment difficile de prendre une décision rapide lorsque ce genre d’action se produit. En effet, avant de sortir un carton rouge, il doit, comme le souligne la Loi 12 du football (fautes et comportement antisportif), effectuer une rapide analyse de la situation en tenant compte de plusieurs critères : la distance entre le lieu de la faute et le but, de la probabilité qu’a l’équipe de conserver ou de récupérer le ballon, du sens du jeu, axial et vers le but et du placement et du nombre de défenseurs à proximité de l’attaquant. Ce qui fait tout de même beaucoup de facteurs pour un homme qui n’a pas cinquante ralentis à disposition. Enfin, l’anéantissement d’une occasion de but pose une autre problématique. Une problématique pour les gardiens de but. De fait, si un gardien commet une faute sur un attaquant, il annihile forcément une occasion de but, puisqu’il est 99 fois sur 100 le dernier rempart. La règle de l’anéantissement d’une occasion de but ne lui pardonne donc rien. Règle bâtarde pour les portiers ? Oui. Et d’autant plus bâtarde lorsqu’elle provoque la fameuse « triple peine » . Carton rouge, pénalty et but adverse. Mais ça, c’est encore un autre débat.
Par Eric Maggiori