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János Koszta : « Numéro 2, ça s’apprend »

Propos recueillis par Joel Le Pavous
9 minutes
János Koszta : « Numéro 2, ça s’apprend »

János Koszta a été le premier Hongrois à populariser le jogging avant Király, mais s’est distingué comme second de son compatriote Péter Disztl au Videoton. C’était en 84-85. Une saison où le « Vidi » démonta notamment le PSG et Man U en UEFA avant d’échouer en finale face au Real de Valdano. Une saison où Koszta remplaça superbement le number one lors d’un tour inaugural de folie contre Prague. Koszta aurait pu être plein de choses, genre coéquipier de Maradona en Andalousie ou rempart des Canaris. Au lieu de ça, il a continué sa carrière sur ses terres, défend chaque week-end les buts d’un club modeste près de Budapest le demi-siècle passé et entraîne des gamins d’Újpest après l’usine. Toujours en survêt.

Salut « Jani » ! Commençons par un truc extraordinaire : tu n’avais pas foulé les terrains depuis juin 2015 et, pour ton retour mi-septembre, tu gardes tes cages inviolées pour le compte de Dunavarsány, une petite équipe qui joue en D2 régionale. C’est assez incroyable à ton âge (cinquante-sept ans, ndlr) ! Ça paraît simple, dit comme ça, mais j’avais une peur bleue. Un footballeur qui approche la soixantaine, il pense plus à occuper sa retraite qu’à préparer un come-back, pas vrai ? Mais j’ai eu cette possibilité et je suis ravi de l’avoir exploitée. Et surtout, grâce à Dieu, les vieux réflexes étaient encore là. Quand tu as vécu pour le ballon, tu n’oublies pas de sitôt ce que tu as appris au quotidien pendant des années.

Autre truc démentiel, l’aventure du Videoton en UEFA, saison 1984-85. Tu étais sur le banc de touche lors de la finale perdue contre le Real Madrid, mais coach Kovács t’a fait confiance d’entrée pour suppléer Disztl lors du premier tour contre le Dukla Prague. Tu sors deux matchs impeccables et le « Vidi » s’envole. Les rencontres de ta vie ? (Il coupe) Non. Tous les matchs sont ma vie. J’ai toujours eu l’envie de gagner et c’est ce qui m’a guidé.


Certes, mais l’entraîneur s’est passé de toi malgré ta perf’ et une défaite en neuf matchs consécutifs dont sept de championnat. Tu n’as jamais été blessé par cette décision plutôt sévère, voire injuste ?

Mes buts étaient presque intacts, j’avais sauvé des penaltys, donc je ne comprenais pas, en un sens. Mais j’ai respecté son choix.

Écoute, « Peti » (Disztl) s’était fait mal, et le coach avait besoin de moi. J’ai rempli ma mission et je n’ai jamais contesté la décision de « Feri bácsi » (le coach Ferenc Kovács). Je ressentais évidemment une certaine injustice, mais je n’ai jamais contesté. C’était sa responsabilité, l’eau a coulé sous les ponts. J’avais une douleur quelque part, quand même. J’étais dans une bonne série. Mes buts étaient presque intacts, j’avais sauvé des penaltys, donc je ne comprenais pas, en un sens. Mais j’ai respecté son choix.

Tu étais tellement bon en Hongrie que ton nom circulait d’un bout à l’autre du Vieux Continent. Séville voulait te recruter en même temps que Maradona au mercato d’été 1992, Galatasaray et Trabzonspor avaient également engagé des négos avancées, mais tu es resté ici. Que s’est-il passé ?Effectivement, j’aurais pu jouer avec Diego, mais le deal a capoté parce que les dirigeants de Vác, où j’évoluais à l’époque, ont demandé 100 000 dollars et non 100 000 marks comme convenu. Le président sévillan insistait, mais les gars d’ici ont très mal négocié l’affaire et ça s’est terminé sans suite. En Turquie, c’était encore plus sérieux. Le foot était en plein boom au début des années 90, et les Hongrois semblaient OK pour me vendre, mais pas à moins de 200, voire 300 000 dollars. La somme était colossale pour l’époque et les clubs refusaient de sortir autant pour un gardien de but. Donc voilà.

Bon, au-delà de ta valeur marchande, parlons un peu de ta tenue…(Il sourit) Pourquoi ? C’est quoi le souci ?

Tu arbores donc un somptueux jogging à chacune de tes rencontres, tout aussi crotté que celui de Gábor Király. Est-ce plus confortable pour jouer, comme l’affirme « Gabi » ? Sincèrement, j’ai toujours été habitué au jogging lors des entraînements et j’ai étendu ça aux matchs. Le survêt’ est effectivement plus confortable, mais surtout, tu défends mieux et tu morfles bien moins. De mon temps, les terrains n’étaient pas des billards comme maintenant. Les pelouses étaient sèches et devant les cages, tu avais des monticules dérangeants qui provoquaient souvent des faux rebonds…

Tu considères Király comme l’un de tes héritiers légitimes ?

Király, je l’ai pratiqué quand j’étais à Vác et au BVSC. Ça se voyait déjà qu’il se dirigeait vers un destin sensationnel.

Absolument, il a accompli un Euro excellent et une carrière remarquable. Je me souviens d’un match contre lui où, juste avant de signer au Hertha (1997), il avait lancé la balle en direction de l’arbitre qui se l’était mangée en pleine poire. C’était culotté de sa part et il s’était pris cinq ou six semaines de suspension. J’avais dit à l’arbitre de ne pas s’embêter avec un gardien aussi jeune (vingt et un ans alors, ndlr). « Gabi » , je l’ai pratiqué quand j’étais à Vác et au BVSC (vieux club cheminot de Budapest où a percé Pál Dárdai, l’actuel coach du Hertha, ndlr). Ça se voyait déjà qu’il se dirigeait vers un destin sensationnel.

Un paquet de journaux hongrois expliquent que tu es meilleur que ton fils Péter qui a suivi tes traces et était même ton « rival » à Kisnémed. Même poste, même envie… Tu apprécies le compliment ? J’ai toujours essayé de le dissuader, mais ce fut un échec cuisant. On est unis par le sang, mais on appartient à deux catégories différentes. Il est plus petit que moi d’environ 5-6 centimètres, il a commencé plus tard que moi, il est plus dilettante et a toujours pensé comme un gamin. Dans ce sport comme dans tous les autres, on ne peut pas se permettre d’être bohème, même si je l’aime beaucoup. Petit, il voulait m’imiter à tout prix. Ça me touche d’être son exemple, mais il doit se bâtir son identité.
Tu es apparu seulement trois fois en sélection entre 1991 et 1994 malgré ton talent. Qu’est-ce qui a manqué pour que ça marche chez les A ?L’absence de concurrence ! Entre Petry, Brockhauser, Bognár et les autres, j’avais un tas d’adversaires. Gardien, c’est un poste de confiance qu’on ne confie pas au premier venu. Je suis fier d’avoir été sélectionné trois fois, même si ce n’était pas pour 90 minutes. Entrer dans le groupe, c’était beaucoup plus compliqué et prestigieux qu’en ce moment. Aujourd’hui, tu marques quatre buts en sept matchs et on t’appelle. Avant, tu jouais 60-70 rencontres et le sélectionneur s’en foutait. Les portiers doués étaient légion à cette époque. T’avais trois cracks dans les cages par équipe du championnat hongrois.

En parlant d’âge, tu fêteras tes cinquante-huit printemps à la fin de ton contrat avec Dunarvarsány qui compte sur toi jusqu’à l’été 2017. Si je te dis que tu mérites de te reposer pour de bon, tu me réponds quoi ?Que selon la loi hongroise, un homme ne prend sa retraite pleine qu’à soixante-cinq ans. Je suis loin du compte !

Personne ne m’imagine capable de dire « stop« . Même ma femme ne me croit plus après tous ces retournements de situation.

En 2013, j’avais expliqué au journal Nemzeti Sport qu’il serait temps pour moi d’arrêter, mais le foot m’a envoûté. Personne ne m’imagine capable de dire « stop » . Même ma femme ne me croit plus après tous ces retournements de situation. Si j’arrête deux ou trois ans de suite, peut-être qu’elle commencera à penser que c’est définitif. Mais bon, j’admets que ça commence à être crevant. Ma jambe se rouille, mes muscles aussi… Ce serait sain et rationnel d’arrêter les frais d’ici peu.

Tes parents souhaitaient que tu sois prof et, à côté de ton job de réparateur de machines dans une usine de Vác, tu coaches des jeunes d’Újpest. Tu as à la fois exaucé leur rêve et concrétisé ta passion.Un entraîneur, c’est un prof, surtout quand tu travailles au sein d’un centre de formation comme moi. Au-delà du foot, tu apprends la vie aux gamins. Tu leur apprends à grandir, à bouger sur le terrain, à manier le ballon ou à être numéro 2 quand tu es gardien. Car numéro 2, ça s’apprend. Les gosses dont je me charge sont des ados. Ils défient l’autorité de leurs parents ou la mienne ? Normal. Quand j’élève la voix, ils savent qu’ils ont dépassé les bornes. Je leur enseigne l’analyse et la critique respectueuses. On peut déconner et l’entraînement doit être agréable, mais le boulot reste prioritaire.

Comment aménages-tu ton emploi du temps entre le taf et les pelouses ?

Mon rythme de vie ? Lever : 4h30 du matin. Passage à la pointeuse : 5h50. Fin de la journée vers 14h20. Pour l’instant, je supporte et j’espère que ça va durer.

Très simplement. Lever : 4h30 du matin. Passage à la pointeuse : 5h50. Fin de la journée vers 14h20. Quand j’ai un entraînement, je pars à 14h05 avec la permission de la boîte, mais je rattrape tous les quarts d’heure perdus le mercredi ce qui fait que je dois bosser une heure supplémentaire ce jour-là. Pour l’instant, je supporte et j’espère que ça va durer. J’adore mon job, j’adore le foot et les gamins. J’ai supervisé des pros au Honvéd, au BVSC, à Vác, à Rákospalota, mais je préfère m’occuper des gosses. Quand Disztl est parti au Honvéd après l’époustouflante saison 84-85, Petry t’a chipé la place dans les cages et tu n’as jamais vraiment pu faire valoir ton talent chez un gros local style Ferencváros, même si tu as gagné un championnat avec Vác en 1993-1994, ou alors à l’étranger. Des regrets ? Concernant le Ferencváros ? Aucun. Ils ont essayé de me choper trois fois et j’ai répondu trois fois non. Leur « milieu » n’était pas le mien. J’ai toujours admiré les succès du « Fradi » , mais je préférais l’environnement familial du BvsC. Concernant l’étranger ? J’en ai. Juste avant le Mondial 86, on jouait un tournoi international avec le Videoton en Bourgogne. Nantes et l’AJA se sont vite intéressés à moi. Je ne pouvais pas accepter, car je n’avais pas trente ans et le régime communiste interdisait aux joueurs de moins de trente ans de sortir du territoire. L’OM et Nancy avaient tenté quand j’ai franchi la limite, mais j’ai refusé, cette fois-ci pour ma famille. Peu importe, j’ai eu un beau parcours ici. C’est ma maison.

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