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Ils ont marqué le foot sud-américain (de 10 à 6)

Par Léo Ruiz, Florian Lefèvre, Alexandre Doskov, Arthur Jeanne et Ruben Curiel
9 minutes
Ils ont marqué le foot sud-américain (de 10 à 6)

Après les tops européens, voici le classement des joueurs qui ont marqué le football sud-américain. Aujourd'hui, les joueurs classés de la 10e à la 6e place.

10. Ronaldinho

C’était l’époque de sa dernière expérience sportive digne de ce nom. Avant son passage au Mexique et sa dernière pige à Fluminense. Ronaldinho portait les couleurs de l’Atlético Mineiro et s’apprêtait à remporter la Copa Libertadores, le dernier grand titre de sa carrière, qui ne l’emmènera pas pour autant au Mondial à domicile, dont il rêvait secrètement. Un jour de semaine quelconque, il recevait chez lui, après l’entraînement. Chez lui, c’était dans le luxueux quartier privé Condomino Amendoeiras, à 40km au nord de Belo Horizonte, dans la localité de Lagoa Santa. Au numéro 307. La maison ? Confortable, ni grande ni petite. Piscine, orangers, palmiers, volière, petit terrain de foot. Et Zilca, la cinquantaine, sa fidèle femme à tout faire depuis son passage à l’AC Milan. Justement, elle remplit un des deux distributeurs du salon : celui réservé aux 500ml de Brahma, la bière locale. Puis nettoie les bouteilles d’Absolut empilées sur une étagère.

Devant la porte-fenêtre, sept caissons de bouteilles de bière vides. Y a-t-il beaucoup de fêtes ici ? « Beaucoup, beaucoup » , sourit Zilca. Il faut bien que les cinq puissantes enceintes et l’immense écran plasma servent à quelque chose. Bonnet de sa propre collection sur le crâne et sourire aux lèvres, Ronnie déboule. Pendant une heure, il retrace sa carrière : le Barça, ses « meilleures années » , la Coupe du monde et le Ballon d’or, « les deux plus grands rêves d’un footballeur » , son jeu, « 90% d’improvisation » , sa mère, dont il a hérité la puissance de ses jambes, ses dents, son « signe de reconnaissance » (il se fera opérer quelques semaines après l’interview), le Parc des Princes, son « stade préféré » . Puis, il se lève et salue : « Vous m’excuserez, on m’attend. » Dans le canapé, deux jeunes femmes patientent sur leur téléphone. Ronnie s’installe entre les deux et allume la télé. Loin du tumulte de Paris, Barcelone et Rio, sa soirée commence. Sa fin de carrière aussi. Quelques mois plus tard, le Brésil prendra 7-1 dans le stade de l’Atlético Mineiro. Saudade. LR

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9. Teófilo Cubillas

On néglige trop souvent l’exutoire que peut représenter le football pour un peuple. Avant la Coupe du monde 1970, le Pérou est ravagé par un tremblement de terre, qui fait plus de 70 000 victimes. Quelques jours plus tard, la sélection péruvienne, menée par Teófilo Cubillas, se rend au Mexique pour la Coupe du monde. Et la Blanquirroja va faire rêver toute une nation en se qualifiant pour les quarts de finale face au Brésil. Même si l’aventure s’arrête face à Pelé et compagnie, le monde entier pose ses yeux sur cette équipe péruvienne et son meneur de jeu à la gueule de gamin, « El Nenê » Cubillas.

Cinq buts, un titre de meilleur jeune du Mondial et surtout une phrase de Pelé qui restera dans l’histoire. Devant la presse inquiète de sa présence quatre ans plus tard lors de la prochaine Coupe du monde, le Roi adoube le natif de Lima : « Non, mais ne vous inquiétez pas, vous verrez mon successeur : Teófilo Cubillas. » De sa carrière qui l’emmènera à Bâle, à Porto – devenant le joueur le mieux payé du pays, devant Eusébio – et même aux États-Unis, on se souvient aussi de sa participation à la Coupe du monde 1978. Alan Rough, gardien écossais qui a encaissé l’un des plus beaux buts de l’histoire du tournoi, doit encore en faire quelques cauchemars.

Alors qu’il avait annoncé sa retraite, Cubillas revient à l’Alianza Lima à trente-huit ans. L’appel du cœur, puisque le club péruvien vient de vivre un dramatique accident aérien, qui a tué seize joueurs de l’équipe. Il retourne finalement aux États-Unis à quarante ans pour terminer sa carrière avec les Miami Sharks. Avec un dernier hommage puisque Pelé le nomme dans la liste des cent meilleurs joueurs du monde. À cela, Cubillas répondait humblement : « Toutes ces choses me montrent que ce que j’ai fait n’est pas passé inaperçu. » RC

Vidéo

8. Zico

Le sort aime être cruel de temps à autre. Lors de la Coupe du monde 1986, il faut croire que Zico avait tiré le mauvais numéro. Le joueur dispute sa troisième et dernière Coupe du monde, après deux tentatives qui lui ont moyennement réussi. En 1978, pour son premier Mondial, le Brésil et lui avaient poussé jusqu’à la troisième place. Quatre ans plus tard, en Espagne, la Seleção s’était fait jeter dès le deuxième tour. Une édition à oublier. Alors en 1986, au Mexique, Zico a trente-trois ans et est bien décidé à enfin remporter le titre suprême avec les siens.

En quart de finale, face à la France, Zico a l’histoire au bout du pied. Alors que le score est de un partout, Joël Bats fauche Branco en pleine surface, et l’arbitre n’hésite pas une seule seconde : c’est penalty, un point c’est tout. Les Brésiliens sautent de joie, se serrent dans les bras, hurlent, comme s’ils avaient match gagné. Nous sommes à la 72e minute de jeu, et Zico, entré en jeu un tout petit peu plus tôt, s’empare du ballon pour faire face au portier du PSG. Sa course d’élan est franche, mais sa frappe un peu molle et pas assez sur le côté. Parti sur sa gauche, Bats stoppe le tir et maintient les Bleus en vie. Le match se terminera aux penaltys, et même si Zico marquera le sien, c’est la France qui verra la demi-finale. Le numéro 10 du Brésil vient de griller sa dernière occasion de soulever la Coupe du monde.

Heureusement pour lui, Zico a connu une réussite folle en club. Né dans une famille de Rio complètement dingue du Flamengo, il rejoint son club de cœur à seulement seize ans : « À la naissance, on offrait à chaque enfant le maillot de Flamengo. Un drapeau du club était accroché aux murs, notre chien s’appelait Mengo, et on avait à la maison un cardinal, petit oiseau rouge et noir. Ça vous donne une idée de notre fanatisme. » Joueur magnifique, intelligent, intraitable sur coup franc, il a presque tout remporté au Brésil avec le Fla’ et a tenté une aventure européenne en Italie, à Udinese, où il transforme ce modeste club en prétendant au titre. Après un retour au bercail au Flamengo, il va terminer sa carrière au Japon où, en plus de jouer, il aide au développement du football. Ensuite, mis à part une carrière d’entraîneur qui ne restera pas dans les annales, il a participé à un grand nombre de programmes sociaux, en ouvrant par exemple des écoles dans les favelas. Définitivement un grand bonhomme. AD


7. Mario Kempes

C’était l’année 1973, cinq ans avant le Mondial remporté à domicile, dont il termine héros et meilleur buteur. Mario Kempes n’a alors que dix-neuf ans, mais il est déjà en pleine éclosion à l’Instituto de Córdoba. Absente de la première Coupe du monde mexicaine, l’Argentine n’a plus le droit à l’erreur : pour pouvoir organiser le Mondial 78, elle doit participer à celui de 74. La qualif’ se jouera face au Paraguay et à la Bolivie. Pour faire face aux 3600m de La Paz, Omar Sivori met un plan en place : deux mois avant le match, il envoie son adjoint, Miguel Ignomiriello, dans les hauteurs du nord argentin avec un groupe de jeunes prometteurs, dont plusieurs futures stars argentines : Fillol, Bochini et Kempes. Les spécialistes avaient évalué à un ou deux mois le temps nécessaire aux Argentins pour que leur organisme s’habitue au manque d’oxygène. Tilcara, petite ville aujourd’hui très touristique de la province de Jujuy, est la première destination. Mais très vite, les choses se gâtent. À plus de 3000 mètres en plein hiver, il fait froid, le temps est long, les contacts avec la famille sont quasi inexistants, et cerise sur le gâteau, Ignomiriello n’a plus de nouvelles de la Fédération, totalement désorganisée pendant ces années-là.

« Ils nous ont complètement oubliés. À partir de là, notre préoccupation, c’était de survivre. On était seuls dans cette galère, rembobine le Matador. Notre situation était tellement compliquée qu’un groupe très uni est né. Au moindre petit problème, on tâchait de le résoudre le plus tôt possible entre nous. Il ne fallait surtout pas perdre cet esprit de groupe, c’était vital. » Changement brutal de programme, l’aventure consiste désormais à trouver un maximum d’équipes locales prêtes à lâcher du fric pour s’offrir un match amical contre ce qui pourrait s’apparenter à une version espoir de l’Argentine. Et ça marche : entre La Quiaca, Humahuaca, « plein de petits bleds boliviens » et même Cusco, la bande de jeunes dispute quinze matchs. « L’argent allait dans un pot commun, que l’on utilisait pour aller faire les courses. Généralement, on devait cuisiner nous-mêmes » , assure Kempes. Le 23 septembre 1973, fin du calvaire : Sivori débarque à La Paz avec ses hommes et présente un mixte des deux sélections. Résultat : une victoire 1-0, grâce à un but d’un des membres de ce que l’on retiendra comme la « sélection fantôme » , Oscar Fornari. LR


6. Garrincha

Six centimètres. À l’âge adulte, six centimètres séparaient la longueur de sa jambe droite – la plus courte, avec son meilleur pied – de sa guibole gauche. Ses genoux étaient désaxés, sa colonne vertébrale déviée, son bassin déplacé. Un boiteux qui grandissait dans un corps chétif. La nature n’avait pas été tendre avec Manuel Francisco Dos Santos, dit Mané… Faux ! Elle avait tout misé sur sa grâce. La sœur de Mané surnommait son frangin Garrincha – le Passereau, du nom d’un petit oiseau. Mané aimait les oiseaux. Mais sa passion, c’était le spectacle. Avec un instrument : le ballon. « Comme un acteur, il faisait don de son corps pour assurer le spectacle, provoquant une attente incroyable dans le public. Tout le monde savait qu’il allait se passer quelque chose. C’était un allumeur de mèches » , observe Serge Valetti, auteur de « Monsieur Armand, dit Garrincha » dans le hors-série So Foot, 50 Légendes. Son physique si particulier compose un style reconnaissable entre mille. Des démarrages au quart de tour, des dribbles encore jamais vus, et des feintes à gauche. Et encore des feintes. Et toujours sur cette gauche.

Sa carrière, Garrincha la passe à Botafogo. Remplaçant au début du Mondial 58, il s’impose aux côtés de Pelé et Vava dans le trident offensif de la Seleção. Mais c’est en 1962, au Chili, que Garrincha est au sommet de son art. « De quelle planète vient Garrincha ? » , s’interroge le Mercurio, un quotidien chilien, après l’élimination du pays hôte, en demi-finale. Aussi, l’homme sort beaucoup. « Il y avait des fois où il s’enfuyait de l’hôtel pour aller chercher des femmes. Il laissait deux ou trois coussins sous le drap pour faire croire qu’il était là, écumait les cabarets, mais le lendemain, il jouait magnifiquement bien » , se souvient son ami Barreto, également dans So Foot. Avec un penchant pour l’alcool… qui date de son enfance. D’après les médecins, ce sont ses biberons chargée à la cachaça qui ont engendré sa dépendance chimique à l’alcool. Son destin en or vire alors au tragique. « La joie du peuple » se morfond dans la dépression, entre hôpitaux psychiatriques et cures de désintoxication. Jusqu’à la cirrhose. Au Brésil, quand on recueille un passereau brun, le petit oiseau préfère se laisser mourir plutôt que de vivre en captivité. Le 20 janvier 1983, Garrincha, quarante-neuf ans, s’envole à jamais. FL

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