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  • Pérou
  • 8 décembre 1987
  • Le jour où

L’Alianza Lima, une génération abîmée en mer

Par Régis Delanoë
L’Alianza Lima, une génération abîmée en mer

Il y a 28 ans jour pour jour avait lieu l’une des pires catastrophes aériennes de l’histoire du sport. Parmi les 43 victimes du crash du Fokker F27 de la marine péruvienne, 16 joueurs de l’Alianza Lima, un club qui était sur le point de conquérir le titre national. Un sacre retardé finalement de 10 ans…

Parce qu’il est amené à voyager plus souvent et plus loin que le commun des mortels, le monde sportif est peut-être victime plus régulièrement que la moyenne d’accidents aériens. Les catastrophes du genre les plus connues étant le crash du Superga transportant le grand Torino en 1949, le désastre de Munich sacrifiant les Busby Babes de Manchester United en 1958 ou encore le drame de 1993 touchant la sélection zambienne. Parmi les cas marquants, on peut aussi citer l’écrasement de l’avion transportant une équipe uruguayenne de rugby en 1972 dans la Cordillère des Andes, épisode qui a donné lieu au film Les Survivants. Plus récemment, il y a eu aussi l’équipe de hockey russe du Lokomotiv Iaroslav décimée en 2011 ou, dans un autre genre, Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine victimes d’un crash d’hélicoptères en Argentine il y a moins d’un an. L’accident qui a eu lieu le 8 décembre 1987, il y a très exactement 28 ans, est moins connu, mais il fut l’un de ceux qui fit le plus de victimes : 43 morts sur 44 personnes dans l’avion, dont 16 joueurs d’une même équipe et la quasi-totalité du staff et de la direction d’un club profondément endeuillé : l’Alianza Lima au Pérou.

Problème de sortie du train d’atterrissage

La formation de l’Alianza Lima venait de disputer un match face au Deportivo Pucallpa, ville située dans les terres, au centre du pays. La rencontre comptait pour le championnat national. C’était la fin de saison et le club de la capitale péruvienne était sur le point de conquérir le titre national, le 18e de son histoire et le premier depuis près de dix ans. Un sacre mérité pour une formation talentueuse portée par quelques cadres de la sélection nationale, dont le gardien José Gonzalez et le très prometteur attaquant Luis Antonio Escobar. L’Alianza l’emporte 1-0, confortant un peu plus son leadership. Dans la foulée, il est prévu que les joueurs, le staff et tout l’entourage qui a fait le déplacement prennent un avion spécialement affrété par la Marine péruvienne, direction l’aéroport international Jorge Chávez de Lima. À 18h30, le Fokker F27 décolle a plein, avec 44 personnes à bord : 16 joueurs, 5 membres du staff, 4 de la direction du club, 8 pom-pom girls, 3 arbitres, 2 membres de la compagnie aérienne et 6 membres d’équipage. Les conditions climatiques sont bonnes, le court trajet s’annonce paisible et d’ailleurs tout se passe à merveille jusqu’au moment de l’amorçage de la descente en altitude. Lors de la vérification classique de l’appareillage pour préparer l’atterrissage, le pilote s’aperçoit d’un problème de sortie du train d’atterrissage et le signale à la tour de contrôle. Un report est demandé et obtenu, le temps de trouver une solution et d’évacuer une piste spéciale de secours. On finit par s’organiser et le feu vert est donné à l’avion pour un atterrissage d’urgence. Pilote et copilote du Fokker sont prévenus, mais à 20h05, la communication entre la cabine et la tour de contrôle cesse brusquement. À 11 kilomètres de l’aéroport, l’appareil s’abîme en mer.

Un joueur survit au crash… mais meurt noyé

L’enquête révèlera que l’avion en attente volait trop bas et a fini par heurter la mer avant d’attaquer la piste d’atterrissage. En attendant, dès que la tour de contrôle signale la perte de communication, les secours sont sommés d’intervenir pour aller aider les victimes, s’il y a des survivants. Problème : dans un pays touché à l’époque par la pauvreté et la corruption, les véhicules de secours sont inutilisables en fin de journée, les réservoirs étant systématiquement siphonnés par des contrevenants en cours de journée pour revendre le carburant au marché noir. Il faut donc attendre le lendemain matin seulement pour que les recherches s’organisent. Elles vont permettre de sauver un seul homme, le chef pilote qui a réussi à s’agripper toute la nuit à un débri en attendant qu’on vienne le sauver. Il révèlera aux enquêteurs qu’il n’était pas le seul à s’être tiré du crash : un joueur notamment, Alfredo Tomassini, survit dans un premier temps, mais finit par périr noyé, trop fatigué par une grave blessure à la jambe pour tenir le coup. Des secours arrivés plus tôt auraient peut-être pu permettre de le sauver… Le bilan est extrêmement lourd : l’accident fait donc 43 victimes et plonge dans le deuil et l’incompréhension un club entier. Incompréhension d’autant plus grande que les autorités péruviennes décident dès le début de jouer l’opacité sur cette affaire, dans un contexte de grandes tensions avec notamment à l’époque les fréquentes attaques terroristes menées par la guérilla communiste du Sentier lumineux.

Cubillas reprend du service à 38 ans

Les premières infos officielles le soir du crash faisaient d’ailleurs dans le mensonge grossier avec des autorités affirmant que l’avion n’avait finalement pas décollé de Pucallpa à cause de mauvaises conditions météo… Il faudra attendre près de 20 ans et une émission de télé pour savoir exactement ce qui s’était passé et les causes de ce crash. Si l’avion court courrier de fabrication néerlandaise n’était pas de première fraîcheur (lancé en 1977, près de 6 000 heures de vol), d’où le souci de train d’atterrissage, il semblerait que le gros du problème vienne aussi et surtout de l’inexpérience et de l’incompétence du pilote survivant Ediberto Vilar et de son copilote, qui auraient mal lu la procédure d’urgence, avec un manuel rédigé en anglais, une langue qu’ils maîtrisent mal. Avec le vol retardé et la nuit arrivant, ils auraient aussi payé leur inexpérience dans de telles conditions. Un rapport interne datant d’avant le crash évoque également les difficultés de Vilar à gérer des situations de stress et d’urgence… Urgence justement, sur le plan sportif cette fois : malgré la tragédie, la fin de saison 1987 est maintenue au Pérou, et c’est le grand rival, l’Universitario de Deportes, qui profite de la situation pour passer devant in extremis et remporter le titre. Quant à l’Alianza, l’équipe décimée est remplacée par un bricolage constitué de joueurs de l’équipe réserve, de jeunes du club, de quelques prêtés (dont plusieurs joueurs venant du club de Colo-Colo au Chili) et d’anciens joueurs. C’est ainsi que le très populaire Teofilo Cubillas, retraité depuis un an, reprend du service pour dépanner. La saison suivante, la relégation de l’Alianza est évitée de justesse à la dernière journée. Pour retrouver les sommets, il faudra du temps et ce n’est finalement qu’en 1997 qu’un titre national est finalement acquis. Une décennie après le drame.

Par Régis Delanoë

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