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Il y a vingt ans, l’interminable séance de tirs au but d’Ankara

Par Albert Marie
4 minutes
Il y a vingt ans, l’interminable séance de tirs au but d’Ankara

Il y a vingt ans, Galatasaray et Gençlerbirliği s’affrontaient lors d’une séance de tirs au but d’anthologie, restée dans les mémoires grâce à la réussite insolente des tireurs. Trente-quatre tentatives, trente-trois réussies, et deux gardiens au bout du rouleau, dont l’un décidera même de ne plus jouer après ce match.

Ankara, le 28 novembre 1996. Ce qui aurait dû rester un confidentiel huitième de finale de Coupe de Turquie entre l’épouvantail Galatasaray, porté par Hakan Şükür et Gheorghe Hagi, et l’outsider Gençlerbirliği, équipe de milieu de tableau de première division, s’apprête à entrer dans les livres d’histoire du football. Pourtant, les 120 premières minutes du match, conclues sur un 1-1, sont loin de sortir du commun. Un but de Roger Lukaku (papa de Romelu et Jordan) à la 9e minute pour Gençlerbirliği, une égalisation d’Hakan Ünsal en seconde période, et rien d’autre pour tenir en haleine les 15 622 spectateurs présents dans la capitale turque pour assister au match. Non, ce qui va faire basculer Ankara dans la folie ce soir-là, c’est l’insensée séance de tirs au but, longue d’une vingtaine de minutes, qui a été nécessaire pour départager les deux équipes. Un exercice où les tireurs ont glissé carotte sur carotte à deux gardiens au bord de la crise de nerfs… jusqu’à la 33e tentative.

Le long supplice des gardiens

Cette soirée est avant tout le cauchemar d’un homme : Hayrettin Demirbaş. Alors que la prolongation touche à sa fin et que les tirs au but se profilent, l’expérimenté gardien de Galatasaray, trente-trois ans, décide de la jouer au bluff : il ne plongera pas sur sa droite. Persuadé que sa stratégie est la bonne, Hayrettin s’obstine, sur chaque frappe, à rester au centre du but ou à plonger à gauche. Il le fait une fois, deux fois, trois fois… dix-sept fois de suite. Les tireurs de Gençlerbirliği, emmenés par Lukaku père, qui réussit ses deux tentatives, acceptent d’entrer dans son jeu et frappent en majorité à l’opposé. Pris quasi systématiquement à contre-pied, Hayrettin s’énerve, perd la guerre psychologique qu’il a lui-même lancée et n’arrête aucun tir, même pas celui du gardien adverse, Kubilay Aydin, qui le fusille sous la barre.

De l’autre côté, Kubilay, justement, n’est pas beaucoup plus brillant. Lui plonge à droite et à gauche, mais, comme Hayrettin, ne s’en sort pas. Les deux gardiens encaissent tout simplement les trente-deux premiers penaltys tentés, un record qui tient toujours aujourd’hui. Finalement, après avoir laissé filer les seize premiers tirs au but de Galatasaray, Kubilay parvient quand même à en stopper un, celui d’Ilyas, entré en jeu en fin de prolongation. Le mauvais sort est enfin rompu : Kubilay se relève, le ballon dans la main gauche, bien serré contre sa poitrine, et célèbre sa parade comme une rockstar retrouvant son public après dix ans de retraite. Derrière, Osman met fin au supplice d’Hayrettin d’un dernier tir… sur sa droite. Gençlerbirliği verra les quarts de finale de la Coupe de Turquie, Galatasaray est éliminé, mais cela n’est qu’anecdotique à côté du morceau d’histoire que viennent d’écrire ensemble les joueurs des deux équipes.

Le dernier match d’Hayrettin

En plus de l’élimination, le pauvre Hayrettin garde en travers de la gorge les reproches qui lui ont été faits sur sa prestation pendant la séance de penaltys : « Kubilay s’est mangé seize buts, il est devenu un héros. Laissez-moi rire. Moi, j’en ai pris un de plus et on dit que je suis un incapable » , se défend le goal de Galatasaray dans les médias nationaux, le lendemain du match. Malheureusement pour lui, sa baisse de forme est bien réelle. Quelques semaines avant ce match, Hayrettin avait déjà coûté à son équipe une élimination en 8es de finale de la Coupe des vainqueurs de coupe face au Paris Saint-Germain de Raí, à cause de deux grosses fautes de main réalisées au match aller, à Istanbul (4-2). De plus en plus contesté, Hayrettin décide finalement d’annoncer à son entraîneur, la tempête Fatih Terim, aujourd’hui sélectionneur de la Turquie, qu’il renonce à son poste de numéro 1. Hayrettin ne reportera plus jamais le maillot de Galatasaray. Drôle de jubilé.

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