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Gavanon : « Si j’avais arrêté ce penalty, je serais encore professionnel »

Propos recueillis par Kevin Charnay
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Gavanon : « Si j’avais arrêté ce penalty, je serais encore professionnel »

La carrière de Jérémy Gavanon a basculé le 19 mai 2004, en Suède, alors qu’il n’avait que vingt ans, lorsqu’il n’a pu repousser le penalty de Mista en finale de Coupe d’Europe avec l’OM. Depuis, il s’est construit et reconstruit, entre Cannes, Jan Koller, sa famille et les fruits de mer. Avec l’accent marseillais et le sourire.

Salut Jérémy. Alors, qu’est-ce que tu deviens ?

Je travaille dans le restaurant que j’avais ouvert avec mon frère, Benjamin (ancien joueur de Nancy, ndlr) en 2013. À l’époque, je jouais encore à Cannes, alors c’était compliqué de concilier les deux, surtout si l’on y ajoute la vie de famille. Mais aujourd’hui, je peux m’y consacrer pleinement, c’est un restaurant de fruits de mer dans le 12e arrondissement de Marseille. Mon père travaille là-dedans depuis près de vingt-cinq ans, alors il a pu nous filer un coup de main au début. Mon frère et moi, on a quasiment coupé tous les ponts avec le foot. On se fait juste un petit five de temps en temps en semaine (rires).

En même temps, ta carrière dans le foot s’est arrêtée assez brutalement à Cannes en 2014. Quel regard tu poses maintenant sur cette fin en eau de boudin ?

Il me restait un an de contrat, mais finalement, tout s’est stoppé contre mon gré. Le club a déposé le bilan, je te passe les détails des affaires judiciaires. Disons qu’il y a eu une très mauvaise gestion de la part de certaines personnes et je ne vise pas le président.
Autant te dire qu’à Cannes, on savait qu’on allait bientôt repartir une main devant, une main derrière.

Après, il faut dire qu’on s’y attendait. C’était bancal depuis quelques saisons déjà. L’année précédente, on croyait déjà que le club allait déposer le bilan, mais on a pu repartir pour une saison au dernier moment. Donc autant dire qu’on savait qu’on allait bientôt repartir une main devant, une main derrière. Moi, il me restait un an de contrat, donc j’avais un petit matelas, mais pour certains, c’était plus compliqué.

Juste après ton départ de Cannes, tu avais dit que tu cherchais un nouveau défi. Tu ne l’as jamais trouvé ?

Oui, c’est vrai, je cherchais d’autres clubs pour une dernière aventure. Mais pour être honnête, je n’ai même pas eu d’offres de la part des clubs de National, peut-être une seule qui ne me convenait pas. Des clubs de CFA, CFA2 et même de DH ou DHR m’ont approché, mais sans leur manquer de respect, je n’en avais pas envie. Quand on a touché le haut niveau, c’est dur de redescendre autant dans la hiérarchie. J’ai préféré être honnête et arrêter complètement, sachant que la motivation était moindre, plutôt que de me forcer à continuer. Il y avait quand même un cadre professionnel à Cannes que je n’aurais pas retrouvé dans les clubs qui m’abordaient. Je n’aurais pas été très motivé, et ça aurait été mauvais pour ces clubs-là.

Et une aventure à l’étranger ?

C’est vrai que j’étais tenté, mais je n’ai pas eu beaucoup d’opportunités, à part une en Belgique. Sinon, mon frère jouait en Chine à l’époque et j’étais allé lui rendre visite là-bas. J’en avais profité pour rencontrer son entraîneur, Philippe Troussier, que je connaissais de Marseille. Mais malheureusement, il ne cherchait pas de gardiens, donc ça ne s’est pas fait.

Mais tu es quand même resté six ans à Cannes. Tu gardes de bons souvenirs de ce long passage ?

Dans l’ensemble, oui. C’est Albert Emon qui m’avait appelé. Lui aussi, je le connaissais de Marseille.
J’ai des amis proches qui tiennent la plage du Goeland sur la Croisette. J’aurai toujours un petit bout de sable pour moi là-bas.

Ça s’est fait naturellement. C’était un beau projet, le club avait l’ambition de monter en Ligue 2. Malheureusement, on a fini deux fois quatrièmes de National et ensuite on a eu du mal. Il y a toujours des hauts et des bas dans un club, mais je n’ai eu aucun problème avec les entraîneurs et je garde de très bons souvenirs de Cannes, aussi bien du club que de la ville. J’ai élevé mes enfants là-bas, je m’y sentais très bien avec ma femme. J’y retourne très souvent, j’ai des amis proches qui tiennent la plage du Goeland sur la Croisette. J’aurai toujours un petit bout de sable pour moi là-bas (rires).

Tu as notamment eu l’honneur de côtoyer l’immense Jan Koller. Quels souvenirs tu gardes de lui ?

Un mec exceptionnel, sincèrement. Il sortait d’une carrière d’un autre monde comparé à nous tous, et il était super humble. On connaissait bien le président, et on savait qu’il voulait absolument faire venir des grands noms à Cannes, donc ça ne nous a pas étonné tant que ça. Ce qui nous a surpris, dans le bon sens, c’est son attitude. Aussi bien sportivement qu’humainement, c’était un exemple de professionnalisme et de sympathie. Et il avait de très, très beaux restes, même si c’était la fin de sa carrière. Je me souviens d’un match où on perdait 2-0. On était tous très frustrés, on râlait de partout. Sauf lui. Lui ne disait rien, il était très calme. Il a planté un doublé pour nous ramener au score, sans paniquer. On était comme des fous, et lui était toujours aussi calme, il avait le sourire.

Bon, on ne peut pas parler de toi sans évoquer l’OM…

Oui, ça c’est sûr (rires)… Je suis né ici, j’étais et je suis toujours un fan du club. Même si c’est difficile en ce moment, je suis persuadé que le club va reprendre du poil de la bête. Je porterai toujours l’OM dans mon cœur. J’ai eu la chance de commencer ma carrière ici et je ne l’oublierai jamais. Je me souviens de mon premier match en pro avec Marseille. C’était contre le Partizan Belgrade en Ligue des champions. Je m’en souviens comme si c’était hier, quand on m’a annoncé à 16h30 que j’allais débuter. J’avais à peine dix-neuf ans, j’ai appelé mes parents tout de suite. Mais le vrai moment d’émotions, c’est mon premier match au Vélodrome dix jours plus tard contre Toulouse, où toute ma famille était dans le stade. C’était à 17h, une après-midi sur Canal+ (rires). On avait gagné 1-0, et j’avais fait un bon match. Quand on est né ici, c’est quelque chose d’unique le Vélodrome.

D’ailleurs, le Vélodrome n’a pas toujours été tendre avec toi. Tu en as souffert ?

Absolument pas. Je suis né ici, je connaissais ce club par cœur, je savais que le public était exigeant.
Je savais que si je faisais des erreurs, ce qui est arrivé, j’allais récolter des sifflets, même si j’étais du cru, et qu’ils ne le pardonneraient pas.

Je savais que si je faisais des erreurs, ce qui est arrivé, j’allais récolter des sifflets, même si j’étais du cru, et qu’ils ne le pardonneraient pas. C’est un club qui a connu les sommets, qui veut toujours être en tête d’affiche, et qui a des exigences. Honnêtement, je préfère ça qu’un public qui ne réagit pas et qui s’en fout qu’on gagne ou qu’on perde. Et puis, je préfère retenir les bons moments. Parce que quand le Vélodrome t’encourage, c’est quelque chose. Mon nom a été scandé dans le Vélodrome, notamment une fois contre Lyon où j’avais sorti un gros match. J’en garde des frissons. Je retiens ça.

J’imagine que tu sais de quoi je vais te parler maintenant…

(Il coupe) Si j’avais arrêté ce penalty, je serais encore un joueur professionnel (rires). Non mais oui, je sais de quoi tu vas me parler, mais ça ne me dérange pas, j’ai l’habitude, c’est du passé, et c’est digéré. C’était un choc quand j’ai compris que je devais remplacer Barthez, complètement à froid (après son expulsion lors de la finale de la Coupe de l’UEFA contre Valence en 2004, ndlr). Je n’étais pas du tout prêt, j’ai mis mes protège-tibias machinalement, sans réfléchir, sans me rendre compte de ce qui se passait, j’ai réalisé le lendemain dans ma chambre. Ce souvenir est très flou dans ma tête. Je me souviens que Collina a refusé que je touche le ballon avant le penalty. Que normalement, c’était Mista qui devait le tirer, et qu’au dernier moment, c’est Vicente qui s’en est chargé. Autant d’éléments qui n’ont pas favorisé mon entrée. Et qui ont fait que je n’ai rien pu faire sur ce penalty. Mais le reste du match, je n’ai quasiment aucun souvenir, c’est assez bizarre.


Tu en gardes un goût amer ?

C’est compliqué, je me dis que j’ai quand même disputé une finale de Coupe d’Europe avec Marseille, mon club formateur. C’est quelque chose de formidable, un moment unique. Je suis content de ce que j’ai fait. Mais malheureusement on a perdu, et on ne retient que les vainqueurs. Après, je disais ça en blaguant tout à l’heure, mais c’est un peu vrai, ma carrière aurait sûrement été totalement différente si j’avais réussi à stopper ce penalty.

C’est vrai qu’à cette époque, tu étais sur une pente ascendante. Tu étais sélectionné en Espoirs, tu avais été élu meilleur gardien du Tournoi de Toulon en 2004, tournoi que tu as remporté. Qu’est-ce qui a manqué pour que ta carrière soit meilleure ?

C’est vrai que j’étais dans un bon tempo. Il m’a manqué plusieurs choses. En club, à Marseille, j’étais derrière Barthez, champion du monde, vainqueur de la Ligue des champions avec l’OM, bref un bonhomme, mon héros de jeunesse. Et qui en plus était très humble et très sympa avec moi. Et en sélection, j’avais fait toute la campagne de qualifications pour l’Euro 2006 en tant que titulaire. Sauf que Marseille me prête à Clermont pile à ce moment-là. C’est la première fois que je quitte ma famille, c’est compliqué, bref je fais une mauvaise saison. Du coup, je me fais passer devant dans la hiérarchie au dernier moment par Steve Mandanda. Autant dire un futur grand gardien. Depuis ce moment-là, je n’ai pas su relancer ma carrière. On peut dire que je n’ai pas saisi ma chance au bon moment. Mais bon, c’est la vie, on ne peut pas vivre dans le passé. Ce qui est fait est fait, je ne regrette rien. J’ai quand même eu de la chance de vivre ce que j’ai vécu.

Et puis, tu pars à Sochaux pour être doublure de Teddy Richert. Ce rôle, que tu as pas mal connu dans ta carrière, n’était pas trop difficile à vivre ?

Oui, c’est Alain Perrin qui m’a appelé pour faire doublure. J’étais à Paris, à l’aéroport quand j’ai reçu son coup de fil. Je revenais tout juste du Portugal, où j’avais disputé l’Euro Espoirs. Je n’ai pas hésité une seconde.
Le rôle de doublure est un rôle compliqué, on s’entraîne tous les jours, tout en sachant qu’on ne va pas jouer, sauf blessure ou suspension.

Je suis parti de Paris en voiture avec mon père pour aller signer le contrat à Sochaux. On est tombé d’accord tout de suite. Pour être honnête, je n’avais pas d’autres offres, alors j’ai sauté sur l’occasion, même si c’était pour être numéro 2, encore. C’est un rôle compliqué, on s’entraîne tous les jours, tout en sachant qu’on ne va pas jouer, sauf blessure ou suspension. On joue de temps en temps en CFA avec la réserve, ce n’est pas toujours facile. Mais bon, je l’acceptais, j’avais signé pour ça. Et ça m’a permis de remporter une Coupe de France, contre l’OM en plus. C’était bizarre, j’étais content et à la fois triste pour l’OM. Mais bon, sur le terrain, il n’y a plus d’amis (rires).

Tu as donc dû attendre tes vingt-six ans pour être titulaire. Tu avais besoin de jouer, enfin ?

Clairement, ce rôle de doublure, je l’avais suffisamment accompli. C’est pour ça que j’ai signé à Cannes, même si c’était en National. J’avais besoin d’être titulaire, de sentir une confiance pleine, et de jouer tous les week-ends. Au début, les six premiers mois, ça a été compliqué pour moi après tant d’années sans jouer. J’avais perdu tous mes repères, je n’étais pas au niveau. Et puis, petit à petit, j’ai repris du plaisir. Parce que finalement, quel que soit le niveau où tu joues, c’est ça le plus important.
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